Etat des connaissances
La démonstration scientifique du problème est faite. Mais ce savoir n'est cependant pas vulgarisé dans toute le monde de la chasse ni, chez les spécialistes de santé publique.
La dynamique et la cinétique des métaux dans les organismes, et dans les compartiments de l'écosystème méritent encore d'être étudiés, de même que les effets de faibles doses, et certains effets synergiques. Tous les effets sur les compétences des poussins et des adultes ne sont probablement pas encore connus. Les effets "in vitro" et sur des animaux élevés sont bien étudiés, il conviendrait de mieux les cerner dans la Nature.
Le cas des plombs incrustés
Durant et après chaque saison de chasse, un grand nombre d'oiseaux ne sont que blessés par des volées de grenailles ou grenailles perdues. Nombreux sont ceux qui cicatrisent et continuent à vivre en étant porteur de plombs ou "grenaille alternative" incrustées dans leur chair. La question des effets et du devenir de ces grenailles se pose.
- L'étude - durant un an (du 28 mars 1994 au 27 mars 1995) - de colverts d'élevage dans la chair desquels on a inséré 5 billes (plomb (Pb), fer (Fe), ou alliage bismuth (Bi)/étain (Sn), dans lemuscle pectoral) n'a pas montré de différence significative dans le poids, le taux d'hématocrite ou la durée moyenne de survie durant un an, quel que soit le types de grenaille.
Des tissus conjonctifs ont encapsulé et isolé les billes de plomb ou d'alliage Bi/Sn, et seuls de légères modifications des tissus périphériques ont eu lieu. En un an, les grenailles de Pb et d'alliage Bi/Sn tir n'ont presque pas perdu de masse et n'ont presque pas changé d'apparence. Par contre, la grenaille de fer avait perdu un peu plus de masse et une mince couche d'oxyde de fer l'entourait, avec une discrète réponse inflammatoire du tissus cicatriciel adjacent. Après un an, aucune infection bactérienne n'était visible, pour les trois types de grenaille, et le poids moyen des reins, du foie ou des gonades n'avait pas changé. Cependant, les taux de bismuth et de plomb avaient augmenté dans les reins et foies des canards en portant. Le bismuth (neurotoxique) y était respectivement plus concentré que le plomb et le fer chez les canards en portant. Le muscle et le sang ne présentaient pas de différence chez les canards portant des grenailles de bismuth. Aucun effet histologique n'a été noté dans les reins, le foie ou les gonades des animaux portant des grenailles incrustées.
Attention, ces étude présente un biais par rapport à la situation naturelle où les grenailles entrent dans l'animal avec une haute vélocité et peuvent toucher des organes autres que les muscles, ou s'insérer près d'un autre organe vital ou impliqué dans la circulation sanguine ou la digestion, ou rencontrer une partie dure (bec, os..) en libérant initialement et/ou au cours du temps une plus grande quantité de métaux (sous forme moléculaire ou d'éclats pour le plomb et le bismuth).
De plus, dans la nature, les billes incrustées dans un oiseau pourront être ingérées et pour tout ou partie "digérées" dans le gésier de l'oiseau de proie qui mangerait cet oiseau. Ce plomb ou bismuth pourraient alors empoisonner le prédateur alors même que la proie de présentait aucun signes d'empoisonnement.
- On a montré chez l'humain (blessures de militaires par balle, et de civils par grenaille de plomb) que des plombs incrustés dans une articulation (Ex : cheville, genou, coude, hanche, disque intervertébraux...) étaient facteurs de saturnisme ; le premier cas célèbre étant celui de l'horticulteur anglais Arthur Stayner (qui a implanté l'industrie sucrière dans l'Utah), et qui est mort en 1899 d'un saturnisme induit par de la grenaille de plomb incrustée dans l'une de ses chevilles suite à un accident de chasse. Un plomb "coincé" entre deux os ou deux parties mobiles d'articulation s'use et se corrode alors qu'il ne se corrode pas ou très peu quand il est incrusté dans de la la chair. Les liquides synoviaux permettent une dissolution lente du plomb et favorisent son transfert vers d'autres organes. La plupart des cas de saturnisme induit par des balles ou billes de plomb incrustés dans le corps humain semblent pouvoir être expliqués par les liquides synoviaux. Par exemple, un patient a du être hospitalisé à trois reprises pour des symptômes d'intoxication au plomb (20 à 25 ans après une blessure par balle de plomb restée dans sa hanche. Des cas d' intoxication saturnine suivant presque immédiatement l'incrustation de grenaille de plomb ont été rapportés en Europe, mais tous les cas documentés de saturnisme induit par blessures par munitions signalé aux États-Unis ont impliqué une dissolution lente du plomb par des fluides synoviaux qui sont naturellement acide. Le liquide synovial a des propriétés dissolvantes qui semblent aussi pouvoir expliquer l'arthrite associée locale
- Un plomb logé dans la partie mobile d'une articulation risque de se fragmenter (rapidement ou en quelques années)
. Les fragments sont alors dispersés et plus rapidement érodés par le liquide synovial, avec une élévation conjointe de la plombémie, parfois très importante (198 μg/dL contre 0 à 30 μg/dL pour un américain moyen dans le cas d'une balle logée dans la hanche puis fragmentée).
- Des plombs incrustés dans un organe "épurateur" tel que le foie posent également problème : Un exemple connu du public est celui du cycliste Greg LeMond qui a dû abandonner la compétition après que sa plombémie eut quadruplé suite à un accident de chasse dont il a été victime en 1987. Cet accident lui a laissé 35 grenailles de plomb dont 4 dans le foie et les poumons, et deux dans l'enveloppe du cœur, après quoi ses performances physiques ont régulièrement diminué.
Les alternatives au plomb
- Pour la chasse : Elles existent pour tous les modes de tir (grenaille, balle, tir sportif) mais sont - dans le monde - encore peu utilisées (hormis dans certains pays dans les zones humides). Elles ont fait l'objet de nombreuses évaluations (dès les années 1960, pour le plomb de chasse) et sont utilisées depuis environ 20 ou 30 ans dans les premiers pays qui les ont rendu obligatoires (généralement d'abord dans les zones humides ou uniquement dans ces zones ou pour les tirs orientés vers ces zones).
On sait que le laiton est toxique pour de nombreux organismes aquatiques (à cause du cuivre qu'il contient). Du plomb laitoné est néanmoins utilisé dans certaines cartouches. Le zinc pose également problème.
- Pour la pêche : Le zinc et le laiton ont aussi été testés (et localement utilisés) comme alternative aux plombs ou lests de pêche, mais sont reconnus toxiques depuis les années 1960-70, bien que moins que le plomb pur.
- Le zinc pose également des problèmes de toxicité ; À titre d'exemple, une étude publiée en 1968 avait porté sur la toxicité comparée de différents métaux ingérés sous forme de billes de type grenaille de chasse par des canards colverts d'élevage.
Après la mort de l'animal ou après 30 jours chez ceux ayant survécu, les os, foies, reins ont été analysés. Un "groupe témoin" de 15 colverts a ingéré des billes de plomb, et les autres différentes alternatives (alliage étain-plomb, zinc, nickel, acier téfloné, et d'étain) ;
L'ensemble des 15 canards ayant ingéré des billes de plombs sont morts, ainsi que 27% des 15 canards ayant ingéré les billes d'alliage plomb-étain, 20% de ceux ayant ingéré des billes de zinc (les 10 survivants au zinc ayant montré des signes de détresse (moindre contrôle musculaire et perte de poids corporel). Aucun des lots de 15 canards ayant ingéré des billes de nickel, des billes d'acier revêtues de téflon, ou d'étain pur ne sont morts. Les auteurs signalent que 73% de ceux ayant ingéré de la grenaille de nickel avaient éliminé tous les grains avant la fin de la période de 30 jours.
Une étude de 1966 montrait que des inclusions intranucléaires acido-résistantes (complexe plomb-protéine impliquée dans un processus naturel de désintoxication?) étaient détectées dans les reins de tous les colverts intoxiqués à la grenaille de plomb ou de plomb-étain, mais pas dans les reins des oiseaux ayant ingéré des billes de nickel, d'étain, d'acier ou d'acier téfloné. Ces inclusions acido-résistantes atypiques ont par contre été trouvés dans les rein d'un des 15 oiseaux ayant ingéré des billes de zinc. Un pigment contenant du fer rendu visible par une coloration de la préparation au bleu de Prusse, était présent (en quantités variables) dans presque tous les foies. Tous les canards ayant ingéré les billes de zinc (ceux qui sont morts durant l'expérience, et les autres qui ont été tués et autopsiés alors qu'ils montraient encore des signes d'intoxication) présentaient une forte concentration de fer dans le foie plus élevée que celle des canards qui avaient récupéré de l'intoxication au zinc.
Décontamination des écosystèmes
Des besoins en recherche existent encore concernant les solutions les plus efficaces pour décontaminer les écosystèmes, ou pour éventuellement trouver des « antidotes » au plomb fiables et envisageables pour les oiseaux sauvages.
Certains scientifiques espèrent trouver d'éventuels moyens de détoxication connus des oiseaux, mais non détectable en laboratoire.