Sous-estimation du nombre d'oiseau victimes de saturnisme
Le nombre d'oiseaux agonisants, ou morts dans l'environnement est systématiquement sous-estimé (sauf cas de mort violente et immédiate, ou cas d'oiseaux enfermés dans une volière ou un poulailler).
En effet, comme les oiseaux blessés, les oiseaux victimes de saturnisme se cachent soigneusement avant de mourir. De plus les animaux empoisonnés ou agonisant peuvent pour d'autres raisons échapper à l'observation :
- - ils risquent plus d'être mangés par un prédateur avant même de mourir naturellement.
- - Les oiseaux ayant survécu à l'ingestion de plombs ont néanmoins des capacités diminuées.
- - Au début d'une phase d'intoxication mortelle, ils risquent plus que les autres de mourir d'une collision (avec un véhicule, une embarcation, une superstructure...) ou noyé dans un filet de pêche.
Il est démontré depuis les années 1990 (hormis peut-être pour les très gros oiseaux) qu'un observateur - même expérimenté et sur un terrain qui lui est familier - a peu de chances de retrouver des oiseaux de petite taille ou de taille moyenne (de la taille d'un canard colvert par exemple) avant ou après leur mort par saturnisme, et ceci même quand plusieurs dizaines d'oiseaux meurent chaque jour par ha. Les nécrophages éliminent rapidement leurs cadavres (en s'empoisonnant eux-mêmes, et en contaminant le réseau trophique).
- Les petits oiseaux morts échappent quasiment tous aux observateurs ; Pour le vérifier, 250 cadavres de poussins ont été dispersés au hasard (sans être cachés comme le seraient de vrais oiseaux sauvages) dans un paysage agricole (cultures et pâtures), à raison de 50 poussins/ha, chaque jour, durant 5 jours. Puis, chaque jour une surface aléatoirement choisie et correspondant à 10 % du total était soigneusement fouillée, ceci durant 10 jours : Si 95,2% des carcasses dispersés sur cette surface étaient encore là le soir même, il n'en restait en moyenne que 20,8% après 24 h. Puis environ 70 % des carcasses restantes du jour disparaissent à nouveau dans les 24 h. Sur les 250 carcasses, seules 2 ont été retrouvées intactes après 5 jours.
Les estimations par extrapolation à partir d'une zone échantillonnée visuellement sous-estiment donc très fortement la mortalité cumulée des oiseaux. Elles ne reflètent pas du tout le cours de « l'épidémie » simulée par cette expérience. De plus, répéter l'échantillonnage d'un même secteur n'améliorait pas la précision des données recueillies. - De même pour les oiseaux de taille moyenne ; Deborah Pain a démontré en 1991 qu'en zone fréquemment chassée (Camargue dans ce cas), les charognards et divers prédateurs carnivores ou omnivores (dont autres oiseaux et mammifères, en plus des invertébrés nécrophages) éliminent rapidement (en quelques dizaines d'heures le plus souvent) les cadavres de la taille d'un colvert.
- Plus récemment (2001), Peterson et ses collègues ont montré que 77,8% des cadavres de canards étaient trouvées par les charognards dans les 24 h suivant la mort. Lors de l'étude de Peterson, un seul canard mort attirait en moyenne 16,6 charognards ; Un seul cadavre empoisonné par le plomb peut donc à son tour empoisonner plusieurs charognards (« saturnisme secondaire »), qui eux-mêmes en empoisonneront d'autres après leur mort.
- Les modèles et simulations, comme les expériences de terrain concluent à une élimination rapide des cadavres de petite taille et de carcasses de taille moyenne, par les charognards et/ou des invertébrés nécrophages. - Aucune étude ne semble avoir évalué le pourcentage de gros oiseaux (grues, cygnes, cigognes, vautours..) susceptibles d'être retrouvés parmi le nombre total de ceux qui meurent de saturnisme, mais il semble qu'un grand nombre des oiseaux qui meurent chaque année de ce type d'intoxications ne soit jamais retrouvé.
Ceci explique, pour partie au moins, que le saturnisme aviaire ait été si longtemps méconnu, voire nié.