Saturnisme animal - Définition

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Traitements vétérinaires

Une fois le diagnostic posé, un traitement chélateur et médical est possible, mais n'est pratiqué que dans de rares cas (espèces protégées récupérées par des centres de soins ou en zoo, couteux oiseaux de compagnie, ou intoxications groupées d'oiseaux sauvages ou d'élevage).

  • Il commence avec l'arrêt de l'exposition, avec - si nécessaire - l'isolement de l'animal.
  • Une radiographie peut confirmer ou infirmer la présence de plomb métallique dans l'organisme (billes, agrès de pêche) ; en cas d'exposition récente aiguë : l'équivalent d'un lavage d'estomac peut être entrepris. chez de gros oiseaux, un endoscope muni d'une pince permet d'extaire les plombs visibles dans le gésier
  • Un Traitement chélateur peut faciliter l'élimination via les excréments, mais présente également des risques. Ce traitement peut être amélioré par une hyperhydratation (perfusion ou absorption d'eau) pour accélérer l'élimination du plomb chélaté. Les traitements disponibles sont : l'EDTA (ou calcium édétate de sodium ; CaNa2EDTA), le dimercaprol, le DMSA (succimer ou acide dimercaptosuccinique), en administration orale. Si l'intoxication est trop grave, l'oiseau meurt néanmoins.
    À titre d'exemple, chez 6 cygnes sauvages (Cygnus cygnus) et deux cygnes siffleurs (Cygnus columbianus) trouvés anormalemnet affaiblis à Swamp Miyajima (Hokkaido, Japon) en mai 1998 ; sur la base de symptômes évocateurs d'un possible saturnisme (Anorexie, dépression, selles vertes et liquides, conjonctive claire et anémie), une radiographie a mis en évidence de six à 38 plomb dans le gésier. La plombémie était de 2,5 à 6,7 µg/g (moyenne +/-SD = 4,6 +/-1,14µg/g) au jour 1. Un traitement intraveineux au CaEDTA et une réalimentation forcée n'ont pu éviter la mort de 7 de ces 8 cygnes dès le lendemain ; l'autopsie a confirmé une défaillance du foie et des reins. Les Foies contenaient déjà respectivement 14,0 à 30 µg/g de plomb (en poids humide), et les reins plus encore (de 30,2 à 122 µg/g). Le seul oiseau survivant (cygne chanteur) a survécu grâce au CaEDTA et à l'ingestion de charbon activé qui ont permis en un peu plus de 2 mois de faire chuter sa plombémie de 2,9 µg/g à 0,09 µg/g. Après 4 mois de rééducation, il a été rendu à la nature, au risque qu'il se réintoxique dans le marais de Miyajima.
  • Une nourriture non carencée et riche en vitamine C, vitamine D, éventuellement enrichie en fer et calcium limiterait significativement l'absorption future de plomb à partir du bol alimentaire.

Pronostic : Il dépend de la gravité de l'intoxication, mais aussi de la rapidité d'intervention. Il semble que quand le proventricule est déjà fortement lésé par le plomb, l'animal soit souvent condamné, malgré l'administration d'un antidote de type EDTA. il est possible que si l'animal survit à l'intoxication et au traitement, il conserve des séquelles durables, surtout s'il était jeune quand il a été intoxiqué.

En France

L'école vétérinaire de Nantes a été la première à étudier finement les doses susceptible d'affecter ou tuer des oiseaux, en utilisant le canard colvert comme modèle.

Mesures de réduction du saturnisme aviaire, règlementation

Réduire les risques de saturnisme nécessite des actions à la fois individuelles et collectives, incluant une réduction à la source, un contrôle des sources de pollutions, une évaluation de tous les risques d’exposition et le cas échéant le nettoyage de certains sites à risque (sites de Ball-trap par exemple).

La première mesure est l'interdiction du plomb, et son remplacement par des produits moins toxiques (bismuth...) ou par de l'acier doux.
Cette interdiction n'a cependant que localement et lentement été appliquée. Elle a mal été acceptée par fabricants et les chasseurs, car les cartouches acier étaient plus chères que les cartouches au plomb (bien que le plomb soit plus couteux que le fer en tant que matière, il est plus facile à mettre en oeuvre). De plus le plomb étant plus lourd que l'acier, sa grenaille a une énergie cinétique plus importante, ce qui a donné aux cartouches plomb, une réputation de meilleure efficacité. Toutefois les billes d'acier ne se déforment pas lors du tir, ce qui permet aux billes de moins se disperser dans l'air, et les nouvelles cartouches compensent la moindre énergie cinétique par une charge de poudre plus performante.

Aux États-Unis où une loi spéciale vise à diminuer la mortalité des condors par saturnisme induit par le plomb de balles ou cartouches de chasse, après près de 12 mois de débat public et d'analyse environnementale de la question, la commission pour la chasse et la pêche a en Décembre 2007 interdit les balles au plomb pour le grand gibier (article 353, Titre 14, CCR) pour les chasse au chevreuil, ours, sanglier, wapiti et antilope américaine (Antilocapra americana), dans toutes les zones de désignées comme territoire d'alimentation du Condor de Californie. De même les espèces non considérés comme gibier (section 475, titre 14, du RCC) ne doivent plus être tirées avec des cartouches ou balles contenant du plomb( à partir du 1er Juillet 2008).

En Europe, le plomb perdu dans l'environnement répond théoriquement à la définition du déchet toxique, et à celle du déchet dangereux. Une approche européenne semblerait subsidiairement justifiée, au moins pour les espèces migratrices, d'autant que la convention AEWA, avait cet objectif à échelle paneuropéenne.
Néanmoins, l'interdiction du plomb pour la chasse ne s'est d'abord faite que dans les zones humides, et/ou pour la chasse des oiseaux d'eau (hors des zones humides). Elle n'a été adoptée au Danemark qu'en 1985. Plusieurs années après, la Norvège, les Pays-Bas, la Finlande et la Suède ont suivi. D'autres pays européens (dont la Franc, via la Convention AEWA, sous l'égide de l'ONU (PNUE)) s'étaient engagée à mettre en œuvre l'interdiction de l'utilisation du plomb pour le tir, au moins sur les zones humides et avant l'an 2000 "dernière limite", mais face à l'opposition de certains chasseurs, les règlementations ou leur application ont été repoussées.
En 2008, 8 ans après expiration du délai décidé en 1995 par l'AEWA, seuls le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas avaient étendu l'interdiction à toutes les espèces chassées (ce qui autorise encore le plomb pour le ball-trap, ou le tir d'espèces considérées comme "nuisibles"). Or ce n'est pas ces pays que l'on chasse le plus, ni que le plus grand nombre de plomb par hectare a été mesuré.

Pour le plomb de pêche, seul le Danemark a déjà émis une interdiction générale (en vigueur depuis 2002). Au Royaume-Uni l'interdiction de 1987 ne concerne que l'eau douce et les plombs de plus 0,06 grammes et moins de 28,35 gr. En Suède, des interdictions volontaires concernent certaines rivières. Au Canada, les plombs de moins de 50 gr sont interdits dans les parcs nationaux et zone de protection de la faune sauvage au Canada et de la faune des zones. Le plomb de pêche est également interdit dans le Parc de Yellowstone et dans certaines réserves fauniques des États-Unis (les États de NY, ME et VT ont interdit la vente de plombs de pêche de moins d'1 oz. D'autres prévoient de semblables interdictions).


L'UE aurait envisagé en 2004 une interdiction générale à l'échelle européenne pour 2015 (années à laquelle les cours d'eau doivent retrouver le bon état écologique selon la DCE). Ce projet serait au moins provisoirement abandonné selon le lobby des fabricants de matériel de pêche (EFTTA pour l'UE et FIPO en Italie) qui s'oppose à une interdiction jugé par lui coûteuse pour la profession), mais chaque Etat membre peut légiférer à son niveau (ce qui n'empêchera pas les oiseaux migrateurs de voire augmenter le risque de s'empoisonner dans le pays voisin si le plomb continue à y être utilisé). L'EFTTA tout en refusant une interdiction du plomb, encourage ses adhérents à considérer l'utilisation d'alternatives.

Quant aux risques pour le consommateur humain, ils ne sont que peu évoqués (pas même cités par ex par le PNSE 2 ni par les arrêtés français des 18 et 21 décembre 2009 fixant des exigences complémentaires en matière d’hygiène alimentaire et de commercialisation applicables aux produits d’origine animale et denrées alimentaires en contenant, malgré les encouragements européens au approches de type HACCP.
Néanmoins en Europe, plusieurs directives (2005/4/CE modifiant la Directive 2001/22/CE) imposent et cadrent le contrôle du plomb dans les denrées alimentaires, complétant la Directive 96/23/CE et le Règlement CE 1881/2006. En France, les résultats du Plan de contrôle des résidus chimiques dans les gibiers 2005) ne signalait pas de résulats non-conformes d'analyse, mais précisait « Il n'y a pas de recherche de plomb sur les gibiers sauvages du fait du mode d'abattage des animaux à l'aide de munitions à base de plomb ».(p. 16/67). Il signalait néanmoins un cas de foie de gibier « d’élevage » dépassant la limite maximale retenue de 0,5 mg/kg. et précisait (p 16/67)« Les résultats non conformes des gibiers sont l'expression de la contamination de l'environnement dans lequel ces animaux se sont développés. Cette contamination peut être observée lorsque les sols sont naturellement riches en éléments métalliques ou du fait d'activités humaines (industrie, transport, incinérateur….). »
De son côté, le Codex Alimentarius promeut pour le plomb le principe « ALARA » (niveau aussi bas que raisonnablement possible), avec une norme de 0,02 mg/kg de plomb pour le lait, le respect des bonnes pratiques et de la sécurité du consommateur. Pour les produits de la pêche, la LMR plomb dans la chair musculaire est maintenant en Europe de 0,30 mg/kg, contre 0,1 mg/kg pour les huiles et matières grasses

Vitesse de résilience après interdiction du plomb

Une étude a cherché à mesurer à quelle vitesse les grenailles non toxiques (acier), ou réputées non toxique (bismuth-étain) remplacent peu à peu le plomb parmi les billes trouvées dans le grit des gésier des canards.

  • pour cela, des chasseurs ont fourni les gésiers de 16.651 canards tués dans le couloir de migration aviaire du Missisipi (en 1996 et 1997, c'est à dire 5 et 6 ans après la conversion obligatoire aux munitions dites "non-toxiques" aux USA). D'éventuelles grenailles métalliques ont été recherchées dans ces gésiers. On en a trouvé chez 8,9% de 15.147 canards colverts (Anas platyrhynchos), chez 12,7% de 749 canards à collier (Aythya collaris), chez 4,3% de 579 fuligules (Aythya affinis et A. marila), et 9,7% de 176 Fuligules à dos blanc (Aythya valisineria). Les gésiers contenant de la grenaille provenaient pour 68% de colverts, pour 45% de fuligule à collier, pour 44% de morillons. Curieusement, 71% des gésiers de Fuligule à dos blanc ne contenait que des billes non toxiques.
  • Les auteurs estiment que les munitions non toxique ont 6 ans après la généralisation de leur obligation réduit la mortalité par saturnisme chez les canards colverts (de la voie migratoire du Mississippi) de 64%. L'ingestion de deux ou plus billes de plomb semble avoir diminué de 78%.
    En admettant que ces taux de moindre mortalité par saturnisme puissent être extrapolés aux autres espèces et aux autres corridors migratoires d'Amérique du Nord, les auteurs estiment qu'environ 1,4 million de canards ayant empreinté vers le sud les corridors migratoires continentaux durant l'automne 1997 (sur un total de 90 millions) ont ainsi pu éviter un saturnisme fatal.
    Seulement 1,1% des 1.318 gésiers contenait une ou plusieurs billes de plomb incrustés (et non avalé). Sur ces 1318 oiseaux abattus à la chasse, seuls 1% l'avait été avec des grenailles de plomb (interdites) et seul 1 plomb de pêche toxique a été retrouvé dans la totalité (16.651) des gésiers collectés pour l'expérience.
  • On peut donc supposer qu'alors que le risque augmentait en Europe (hormis au Danemark), en Amérique du nord, l'ingestion de plomb par les consommateurs de canards a également significativement diminué en 6 ans. Une certaines sous-estimation du risque est cependant possible en raison de biais possibles de l'étude :
les billes de plomb peuvent être rapidement érodées dans le gésier (en quelques jours parfois), là où les billes d'acier peuvent persister bien plus longtemps ; Un oiseau ne présentant pas de grenaille de plomb dans le gésier, ou ne présentant que des grenailles non-toxiques peut en réalité avoir antérieurement avalé et "digéré" une ou plusieurs billes de plomb (dans les semaines ou mois précédents). Seule une analyse de plomb des plumes ou os ou foies pourrait préciser quantitativement le risque (pour le canard, comme pour son consommateur).
concernant le bon respect de la loi (c'est à dire la non-utilisation de cartouches au plomb), le fait que les chasseurs savaient qu'ils donnaient les gésiers pour une expérimentation de type évaluative pourrait les avoir incité à mieux respecter la loi.
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