Spektr (Спектр en russe signifie « spectre ») est le cinquième module ajouté à la station spatiale Mir. Il est amené en orbite par une fusée Proton le 20 mai 1995 et l'amarrage à la station a lieu le 1er juin. Spektr est principalement conçu pour effectuer l'observation de la Terre et est équipé d'instruments pour l'étude de son atmosphère, de sa surface et des ressources naturelles. Les quatre panneaux solaires fixés sur le module permettent de fournir près de la moitié de l'énergie électrique nécessaire à la station. Suite à la désorbitation volontaire de la station spatiale le module est détruit le 23 mars 2001 au cours de la rentrée atmosphérique terrestre.
Le module Spektr devait être à l'origine une unité de recherche militaire. Mais avec la fin de la Guerre froide et la dissolution de l'Union soviétique en 1991, le programme spatial militaire est en grande partie arrêté. Bien qu'à cette période la réalisation du module soit bien avancée sa construction est suspendue et le module est stocké. Un accord de coopération spatiale entre les États-unis et la Russie est conclu en juillet 1993 avec l'objectif de préparer à plus long terme la construction d'une station spatiale internationale. La mise en place du programme Shuttle-Mir permet grâce à l'aide américaine d'achever la construction des modules Spektr et Priroda. La partie militaire est remplacée (à l'exception d'un spectromètre Phaza) par une mission civile de recherche et des expériences américaines sont intégrées dans le module.
Avec une masse d'environ 20 tonnes, 12 m de long et 4,1 m de diamètre, ce module est construit suivant le modèle TKS tel que Kvant-2 et Kristall. Les objectifs du module ayant été modifiés, la structure initiale est légèrement modifiée de façon à intégrer notamment deux panneaux solaires supplémentaires. Avec quatre panneaux solaires d'une superficie de 126 m2 et pouvant développer une puissance de 16 kW, Spektr devient le principal module de la station à fournir de l'énergie. Le module offre un volume d'environ 62 m3 et transporte de nombreuses expériences notamment près de 880 kg d'équipement américain principalement dédié à la recherche biomédicale. Le module a pour principal objectif la surveillance et l'observation de la Terre. Il est pour cela équipé de divers instruments, notamment des spectromètres comme le Faza et Pheniks dédié à l'étude de l'atmosphère et de sa surface ou l'Astra-2 pour mesurer la composition des gaz à une altitude orbitale. Figure aussi des détecteurs rayons gamma et X (Tauruset Grif) pour mesurer les émissions lors des passages dans la ionosphère. L'instrument russe MIRAS, développé avec des équipes françaises et belges permet d'évaluer la distribution des lignes d'absorption dans l'atmosphère au lever et coucher du soleil. Le module intègre aussi un bras manipulateur de 2 mètres nommé Pelican permettant de récupérer de petits paquets d'un sas pour les poser sur des ancrages extérieurs et limiter ainsi les sorties extra véhiculaires des cosmonautes, chacune des combinaisons Orlan DMA étant limité à 10 sorties.
Le 25 juin 1997, lors d'un amarrage manuel avec le module Kvant-1, le véhicule de ravitaillement Progress M-34 vient heurter par deux fois la coque du module Spektr à la suite d'une erreur pour réduire sa vitesse d'approche. La collision endommage notamment un radiateur externe et l'un des panneaux solaires de Spektr. Le choc est suffisant pour créer une petite fuite qui entraine progressivement la dépressurisation du module et de la station. Cette chute de pression représente un sérieux danger pour la vie de l'équipage. En cas de danger important ou accident il est possible de quitter la station à bord du Soyouz TM-25, l'équipage tente cependant d'isoler rapidement le module Spectre en fermant l'écoutille du sas et évite ainsi la dépressurisation de l'ensemble de la station. Mais de nombreux cables passent à cet endroit et doivent être sectionnés. La collision entraine aussi une lente rotation de la station que l'équipage arrive finalement à stabiliser.
La pression à bord de la station est de 760 mm de mercure et lors de l'accident elle chute progressivement d'environ 100 mm puis remonte et recouvre sa valeur deux jours plus tard mais par contre la pression dans Spektr est proche de celle du vide. Au moment de la collision, Spektr est le plus important module générateur d'électricité de la station avec près de 40% de l'énergie fournie. Les panneaux solaires endommagés ne peuvent pas fonctionner et être orientés convenablement vers le soleil. Ce manque de puissance ne permet plus de faire fonctionner correctement l'ensemble des équipements et des expériences à bord. De plus avec l'abandon de Spektr, la NASA perd de nombreuses expériences et équipements situés dans ce module. Pour préserver l'énergie électrique sur la station, l'équipage reçoit la consigne d'éteindre de nombreux systèmes à bord notamment sur les modules Kvant-2 et Kristall comme la ventilation, le générateur d'oxygène Elektron et le Vozdukh qui gère le CO2. Le Progress est finalement éloigné de la station puis désorbité.
Une première tentative de réparation a lieu le 22 aout dans le cadre de la mission Soyouz TM-26. Les cosmonautes Anatoli Soloviov et Pavel Vinogradov réalisent une sortie pour effectuer un accès intra-véhiculaire dans le module Spektr et après de nombreux efforts ils réussissent à reconnecter les cables sectionnés. Le courant électrique est en partie rétabli entre Spektr et la station et certains systèmes sont réactivés comme la ventilation. Plus tard Vinogradov accède à nouveau au module et y effectue le 20 octobre des réparations supplémentaires. En novembre la station dispose désormais de 85% des capacités électriques disponibles avant la collision.