L'eutrophisation d'un milieu aquatique, tel que cours d'eau ou mares, désigne originellement et simplement son caractère eutrophe (du grec eu : " bien, vrai " et trophein : " nourrir "), c'est-à-dire la richesse en éléments nutritifs, sans caractère négatif. À partir des années 1970, le terme a été employé pour qualifier la dégradation des grands lacs comme le lac d'Annecy, le lac du Bourget ou le lac Léman par excès de nutriments. Il a aujourd'hui un sens proche de dystrophie et vient souvent comme qualificatif de sens négatif pour des milieux aquatiques d'eau douce ou marins.
Un milieu aquatique pauvre en éléments nutritifs est dit oligotrophe ; dans le cas intermédiaire, on qualifie le milieu de mésotrophe. Étant donné que les facteurs naturels produisent des milieux plus ou moins chargés en nutriments en dehors de toute intervention humaine, l'état d'eutrophisation d'un milieu aquatique doit être apprécié en fonction de sa nature et ne peut pas se baser sur des indicateurs absolus.
L'eutrophisation est aussi une des étapes du processus naturel qui transforme lentement les lacs peu profonds en marais, puis en prairie ou en mégaphorbiaies et finalement en forêt. Le comblement d'une mare ou d'un marais est très accéléré par la présence de nutriments artificiels, par la proximité d'arbres (Cf. feuilles mortes), mais aussi par l'absence de faune se nourrissant dans l'eau tout en exportant les nutriments (Ex : amphibiens, canards ou élan mangeant des algues, des invertébrés, et des plantes aquatiques, par dizaines de Kg par jour dans le cas de l'élan). L'atterrissement d'une petite mare en sous-bois peut se faire en quelques décennies, alors que les lacs naturels se comblent eux en dizaines de milliers ou millions d'années.
L'eutrophisation désigne usuellement le déséquilibre qui résulte d'un apport excessif de nutriments : azote (des nitrates par exemple), carbone (carbonates, hydrogénocarbonates, matières organiques...) et phosphore notamment. Le phosphore étant généralement le facteur limitant dans les milieux aquatiques naturels (loi de Liebig), ce sont ses composés, en particulier les phosphates (orthophosphates, polyphosphates) qui permettent l'emballement du processus. Ce milieu déséquilibré, dystrophe, devient alors hypertrophe.
Ce processus peut résulter des épandages agricoles (engrais riches en azote et phosphore) ainsi que de l'utilisation de produits lessiviels riches en polyphosphates, sur le bassin versant du lac ou de la rivière.
L'accroissement des rejets industriels ou urbains ou agricoles excessivement riches en engrais (nitrates, ammonium), la présence de polyphosphates dans les lessives font de l'eutrophisation un processus fréquent, atteignant même les zones océaniques, pouvant provoquer l'extension de zones mortes), ou le développement d'algues toxiques, telles Dynophysis, sur les littoraux, par exemple en Bretagne (France). Dans l'acception courante, l'eutrophisation est donc souvent synonyme de pollution, bien que celle-ci puisse revêtir bien d'autres aspects : contamination biologique (bactéries, parasites...), chimique (pesticides, métaux, solvants...) ou physique (chaleur, radionucléides...).
La pêche est une cause d'eutrophisation lorsque les réempoissonnement sont excessifs et que des boules d'amorce sont jetées dans des étangs fermés, canaux ou cours d'eau à courant lent.
L'eutrophisation peut atteindre les eaux douces, saumâtres et salées, le milieu marin comme les milieux continentaux, les eaux profondes comme les eaux superficielles, et en particulier :
L'eutrophisation peut se décomposer en quelques étapes :
Le développement éventuel de plantes flottantes — telles les lentilles d'eau (Lemna sp.), empêche le passage de la lumière donc la photosynthèse dans les couches d'eau inférieures, et gêne également les échanges avec l'atmosphère ;
Les inconvénients principaux de l'eutrophisation sont la diminution de la biodiversité et de la qualité de l'eau en tant que ressource. Elle a des effets négatifs sur le tourisme (avec souvent comme conséquences visibles la perte de transparence, développement d'odeurs et envasement), qui sont des indices de problèmes :
Parfois les algues peuvent boucher les prises d'eau, les filtres, entraver le fonctionnement d'écluses voire du moteur de petits bateaux pour les algues filamenteuses
Dans les années 1950 à 1970, les grands lacs étaient devenus les déversoirs naturels d'égouts des villes environnantes. Riche en azote et phosphore, l'urine des habitants suffisait à fortement dégrader la qualité du milieu aquatique. À cela s'ajoutaient d'autres pollutions comme celles des nombreux engins à moteur de l'époque, très polluants, qui pouvaient contaminer les eaux par le lessivage de leurs fumées et leurs rejets d'huile.
L'eutrophisation est un révélateur témoignant de la limite des capacités d'auto-épuration des milieux aquatiques. Des moyens de lutte sont nécessaires et existent :