Un ensemble E est dit dénombrable s'il est équipotent à l'ensemble des entiers naturels
, c'est-à-dire s'il existe une bijection de E sur
; cela équivaut à l'existence d'une bijection de
sur E.
Naïvement, dire qu'un ensembleE est dénombrable signifie qu'il est possible de compter un à un chacun de ses éléments, et de leur attribuer un rang : on peut numéroter les éléments de E sans omission ni répétition, en utilisant tous les entiers naturels.
L'ensemble des entiers naturels est dénombrable, car un ensemble est toujours équipotent à lui-même, et tout ensemble équipotent à un ensemble dénombrable est lui-même dénombrable.
Un ensemble dénombrable est infini, car équipotent à
, qui est infini. Mais la réciproque est fausse : il existe des ensembles infinis non dénombrables. Le mathématicien Cantor, qui introduisit la notion de dénombrabilité, démontra que l'ensemble des nombres réels, noté
, n'est pas dénombrable.
Vocabulaire
L'expression ensemble dénombrable a deux définitions :
Certaines publications emploient cette expression non seulement dans le sens vu ci-dessus mais aussi pour désigner un ensemble fini
D'autres utilisent cette expression uniquement pour les ensembles satisfaisant la définition, et préfèrent employer l'expression ensemble au plus dénombrable pour désigner un ensemble soit fini, soit dénombrable.
Il faut donc prendre garde à la convention utilisée lors de la lecture d'une publication sur le sujet. Dans cet article, c'est la seconde acception qui sera utilisée.
Ensembles usuels et dénombrabilité
Par définition, l'ensemble
des entiers naturels est dénombrable.
L'ensemble
des entiers naturels non nuls est dénombrable. En effet, l'application
est bijective.
L'ensemble des entiers naturels pairs, noté
, est dénombrable. En effet, l'application
est bijective.
L'ensemble des carrés parfaits, noté ici
, est dénombrable. En effet, l'application
est bijective.
On doit à Galilée la remarque qu'il y a " autant " de carrés parfaits que d'entiers naturels, mettant ainsi en défaut l'affirmation classique (qu'on trouve dans les Éléments d'Euclide): " Le tout est plus grand que la partie. "
L'ensemble
des entiers relatifs est dénombrable. En effet, l'application
est bijective.
L'ensemble
des couples d'entiers naturels est dénombrable, car l'application
est bijective (tout entier naturel strictement positif se factorise de manière unique sous forme du produit d'une puissance de 2, et d'un entier impair).
L'ensemble
des nombres rationnels est dénombrable (voir plus loin une démonstration de cette affirmation).
L'ensemble
des nombres algébriques (réels ou complexes) est dénombrable. Comme aucun des deux ensembles
et
n'est dénombrable, on en déduit l'existence de nombres (réels ou complexes) transcendants.
Quelques propriétés
Partie d'un ensemble dénombrable
Toute partie A de
est au plus dénombrable.
En effet, si A est fini, alors a fortioriA est au plus dénombrable.
Supposons maintenant A infini. Étant une partie non-vide de
, A admet donc un plus petit élément. Notons le a0.
Soit
. On suppose avoir prouvé l'existence d'éléments de A notés
tels que :
(i)
(ii)
L'ensemble
n'est pas vide car A est infini, donc A' admet un plus petit élément que l'on note an + 1. On a alors :
donc an < an + 1
On a ainsi montré par récurrence l'existence d'une suite
strictement croissante. Posons
. B est dénombrable et inclus dans A. Montrons l'inclusion inverse. Soit n élément de A. La suite
étant strictement croissante, on a
, donc d'après (ii)
, donc
et donc
.
On a ainsi prouvé que A = B, et donc que A est dénombrable.
Dans tous les cas, A est donc au plus dénombrable.
Toute partie d'un ensemble au plus dénombrable est au plus dénombrable.
Soit E un ensemble au plus dénombrable et F une partie de E. Soit
une bijection de E sur une partie de
. La restriction de
à F est une bijection de F sur
qui est une partie de
, donc au plus dénombrable d'après la propriété ci-dessus. F étant équipotent à
est elle-même au plus dénombrable.
Soient E et F deux ensembles non vides, et f une application de E dans F.
1. Si f est injective et si F est au plus dénombrable, alors E est au plus dénombrable.
f étant injective, elle induit une bijection de E sur f(E). Or, f(E) est une partie de F et est donc au plus dénombrable. E est donc au plus dénombrable.
2. Si f est surjective et si E est au plus dénombrable, alors F est au plus dénombrable.
E étant au plus dénombrable, il existe
bijective, avec
. Or
est bien ordonné, donc E peut être muni d'un bon ordre (défini ici explicitement, sans le recours habituel à l'axiome du choix), en posant :
;
dès lors, toute partie non vide de E possède un minimum.
Soit
; comme f est surjective, f− 1({y}) est un sous-ensemble non vide de E. On définit alors :
(
est le plus petit antécédent de y par f)
Par construction, pour tout
, donc l'application g est injective. L'ensemble E étant au plus dénombrable, il résulte de 1. que F est au plus dénombrable.
Corollaire : les trois propositions suivantes sont équivalentes :
La réunion de toute famille dénombrable d'ensembles dénombrables est dénombrable
Plus formellement, si I est un ensemble dénombrable et si
est une famille d'ensembles dénombrables, alors
est un ensemble dénombrable. I étant dénombrable, il existe une bijection f de
sur I, et pour tout i de I, Ai étant dénombrable, il existe une bijection λi de
sur Ai. On pose alors :
.
est bien une application dont l'ensemble d'arrivée est A puisque
, donc
.
Montrons que
est surjective. Soit
. Il existe i tel que
. Soit
tel que i = f(a).
et λi est une bijection de
dans Ai, donc
, ce qui donne bien
Ainsi,
est surjective et
est dénombrable, donc A est dénombrable.
Toute réunion finie d'ensembles dénombrables est dénombrable
Dans le cas où I est fini, il suffit de reprendre la démonstration précédente, mais avec f surjective de
sur I.
Toute réunion au plus dénombrable d'ensembles au plus dénombrables est au plus dénombrable
Dans le cas où certains Ai sont finis, il suffit de reprendre la démonstration précédente, mais avec λi surjective de
sur Ai.
Dénombrabilité de l'ensemble des rationnels
On justifie ici, à l'aide de certaines des propriétés précédemment établies, la dénombrabilité de l'ensemble
des rationnels.
L'application
est surjective, car tout rationnel s'écrit d'au moins une manière sous la forme
, où
et
; de plus,
est dénombrable (produit cartésien de deux ensembles dénombrables).
L'existence de cette surjection implique alors que
est au plus dénombrable ; étant infini, il est donc dénombrable.
On peut aussi montrer que la suite
définie ci-dessous donne une bijection entre
et l'ensemble des rationnels positifs ou nuls :