En mathématiques, un ensemble est dit dénombrable, ou infini dénombrable, lorsque ses éléments peuvent être listés sans omission ni répétition dans une suite indexée par les entiers. Certains ensembles infinis, au contraire, contiennent « trop » d'éléments pour être parcourus complètement par l'infinité des entiers et sont donc dits « non dénombrables ».
On comprend parfois parmi les ensembles dénombrables les ensembles finis, dont les éléments peuvent être numérotés par les entiers positifs inférieurs à une valeur donnée. Cependant, il est devenu assez courant de réserver l'adjectif « dénombrable » aux seuls ensembles infinis.
Georg Cantor est le premier à faire usage de cette notion, dans un article publié en 1874, qui marque la naissance de la théorie des ensembles. Mais l'importance du dénombrable se manifeste dans de nombreux domaines des mathématiques, notamment en analyse, en théorie de la mesure et en topologie.
Plus formellement un ensemble E est dit dénombrable quand il est équipotent à l'ensemble des entiers naturels N, c'est-à-dire qu'il existe une bijection de N sur E. Cette définition est parfois élargie aux ensembles finis par certains auteurs, qui définissent un ensemble dénombrable comme un ensemble en bijection avec un sous-ensemble des entiers naturels. Mais cet élargissement sera désigné dans cet article par l'expression « ensemble au plus dénombrable » ou encore « ensemble fini ou dénombrable ».. S'il y a risque d'ambiguïté, un ensemble équipotent à N peut toujours être précisé « ensemble infini dénombrable ».
A contrario, un ensemble (infini) non dénombrable, est un ensemble infini qui n'est pas équipotent à N. L'argument de la diagonale de Cantor permet de montrer que l'ensemble des réels et l'ensemble des parties de N ne sont pas dénombrables, mais aussi l'existence de « nombreux » autres infinis non dénombrables.
Un ensemble qui contient un ensemble infini dénombrable est nécessairement infini, c'est-à-dire qu'il n'est équipotent à aucun ensemble borné d'entiers naturels. Dès que l'on se donne suffisamment d'axiomes en théorie des ensembles, en particulier l'axiome du choix, on montre que l'infini dénombrable est le plus petit infini, au sens où tout ensemble infini contient un ensemble infini dénombrable. La réciproque ne pose pas de difficulté. On peut alors caractériser un ensemble infini comme un ensemble contenant un ensemble dénombrable.
Le cardinal de N, et donc le cardinal de n'importe quel ensemble dénombrable, est noté ℵ0 (aleph zero). Il est le premier de la suite ordinale des alephs, qui représentent tous les cardinaux infinis en présence de l'axiome du choix.
L'ensemble N des entiers naturels est bien sûr dénombrable par définition, mais, comme cela sera démontré ultérieurement, chacun de ses sous-ensembles infinis l'est également. On peut expliciter quelques cas particuliers. la remarque que N pouvait être mis en correspondance avec une partie stricte a été faite à plusieurs reprises dès l'antiquité. On cite par exemple souvent Galilée pour la remarque qu'il y a « autant » de carrés parfaits que d'entiers naturels. De la même façon, on obtient par une énumération explicite :
Dans le cas des nombres premiers on peut utiliser une définition par récurrence :
La démonstration d'Euclide, qui montre que l'ensemble des nombres premiers est infini, permet d'assurer également que pn+1 est bien défini, puisque l'ensemble des nombres premiers strictement supérieurs à pn est forcément non vide (en l'occurrence il contient le ou les diviseurs premiers de p0.p1 … pn+1).
La méthode utilisée dans ce dernier cas est suffisamment générale pour s'adapter à tout sous-ensemble infini des entiers naturels.
On montre que certains ensembles qui ont N, ou une copie évidente de N, pour partie stricte, sont dénombrables.
L'ensemble Z des entiers relatifs est dénombrable. En effet, la suite ((-1)n⌈n/2⌉), où ⌈n/2⌉ désigne le plus petit nombre entier supérieur ou égal à n/2, établit bien une bijection des entiers naturels dans les entiers relatifs : les termes d'indices pairs décrivent les entiers naturels, ceux d'indice impair les entiers négatifs non nuls.
L'ensemble N × N des couples d'entiers naturels est dénombrable, on peut énumérer les couples d'entiers naturels diagonale par diagonale, comme indiqué sur le schéma joint : en le suivant on définit facilement par récurrence une suite de couples qui énumère bijectivement tous les couples d'entiers naturels. La réciproque de cette fonction, soit f, qui est donc une bijection de N × N dans N, dite fonction de couplage est un polynôme de degré 2 :
L'ensemble Q des nombres rationnels est dénombrable. En effet un rationnel est représenté par une fraction, c'est-à-dire un couple constitué d'un entier relatif et d'un entier naturel non nul. En composant comme il faut les bijections établies précédemment, on obtient une bijection de N dans Z × N∗. La représentation d'un rationnel par une fraction n'est pas unique, mais, sachant que Q est infini, on en déduit facilement une définition par récurrence d'une bijection de N dans Q (on prend pour image de n le quotient du premier couple dans l'énumération de Z × N∗ qui fournit un rationnel non encore énuméré). C'est également une conséquence du théorème de Cantor-Bernstein, simple cependant à démontrer dans ce cas particulier.
Les deux premiers exemples, dénombrabilité de Z, mais surtout dénombrabilité de N × N, utilisent un argument assez générique pour des démonstrations de dénombrabilité : on énumère les éléments de l'ensemble considéré par blocs successifs, de taille constante dans le cas de Z — deux éléments de même valeur absolue, de taille croissante dans le cas N × N — les diagonales, c'est-à-dire les couples de même somme. On a également une façon uniforme d'ordonner, donc d'énumérer, chaque bloc fini.
On pourra également utiliser pour ces derniers exemples les théorèmes généraux qui seront vus dans la suite.