L’adaptation est, en biologie de l'évolution, la modification d'un caractère anatomique, d'un processus physiologique ou d'un trait comportemental dans une population d'individus sous l'effet de la sélection naturelle, le nouvel état de ce caractère améliorant la survie et le succès reproductif des individus qui en sont porteurs. Le terme d'adaptation peut désigner le processus ou le résultat du processus ; il est parfois utilisé comme synonyme de « sélection ». Intuitivement, l'adaptation peut être vue comme l'adéquation de l'être vivant à son milieu naturel ou de l'organe à sa fonction.
La notion d'adaptation est au cœur de la théorie de l'évolution par sélection naturelle inventée par Charles Darwin (sous le terme anglais fitness). Elle est parfois critiquée pour être tautologique : l'adaptation est à la fois ce qui conditionne la sélection des individus dans leur milieu et le résultat de cette sélection.
Jusqu'au XIXe siècle, les naturalistes n'employaient pas le terme d'adaptation ; ils lui préféraient les mots de "convenance" et d'"harmonie". Ce dernier reflète les idées finalistes qui, alors étaient très majoritaires. Et de fait, c'est pour échapper à la téléologie voyant une finalité (divine ou non) dans la nature que le concept d'adaptation a été développé portant le débat aux frontières de la métaphysique.
C'est pourquoi Cuénot, un des premiers darwinien français écrivait en ouverture de son ouvrage L'Adaptation (1925) :
Cuénot n'a pas prétendu apporter une réponse à cette épineuse question, il se contente de signaler son existence. Toutefois, l'école néo-darwinienne se défend d'être finaliste et assure que l'adaptation, bien qu'elle ressemble à un phénomène dirigé, est exempte de toute téléologie. Le jeu des forces naturelles qui interviennent dans la sélection naturelle suffit à en rendre un compte exact et précis.
Évidemment, quand un être vit, prospère et se perpétue dans un milieu donné, sa structure et ses fonctions sont telles qu'elles permettent la vie ; autrement dit, il n'existe pas de désaccord entre elles et le milieu extérieur. Cette approximation autorise, à elle seule, à affirmer qu'il existe un minimum d'adaptation entre l'être organisé et son milieu. Considérons la faune d'un biotope limité, une mare, une plage marine, etc., nous voyons que les animaux qui la composent appartiennent à des types d'organisation très variés. Des solutions tout à fait différentes permettent donc l'ajustement de l'être vivant à son milieu et l'épanouissement de la vie. L'adaptation est rarement une notion ayant une valeur absolue ; elle présente toujours un caractère relatif.
Cuénot distingue trois types d'adaptations successives :
En outre, il considère aussi l'adaptation statistique ou adaptation physiologique et éthologique qui se traduit par une convergence des formes (par exemple, le requin et le dauphin) des organismes vivant dans des milieux semblables ou des organes (par exemple, l'œil chez la pieuvre et chez les mammifères) ayant en charge de remplir la même fonction, mais appartenant à des lignées différentes.
Il met aussi en évidence les Limites de l'adaptation, notamment à travers les Organes inutiles, les Organes utilisés mais non nécessaires, ou encore les Organes mal faits et les fonctions nuisibles que sont par exemples les Organes hypertéliques, c'est-à-dire démesurés et encombrants. Le grand Cerf Mégaloceros du Quaternaire d'Irlande développa ainsi des bois surdimensionnés atteignant 2,50 mètres d'envergure, mais en fait conformes au développement de la taille de son corps.
Au sujet des limites de la notion d'adaptation, Cuénot conclu ainsi :
En effet, la notion d'adaptation est devenue en quelque sorte la tarte à la crème de la biologie évolutive, elle est systématiquement convoquée, conjointement à la sélection naturelle, pour expliquer les particularités des êtres vivants, alors les études éthologiques qui pourraient en confirmer la pertinence sont inexistantes ou impossibles à mener (cas des fossiles).
Étienne Rabaud est un des biologiste qui ont critiqué la notion d'adaptation (et à travers elle le mécanisme de la sélection naturelle) de la manière la plus radicale:
Rabaud remarque également que les explications concernent souvent des organes isolés, alors que l'organisme forme un tout, et que plus rarement encore des comparaisons sont faites entre les êtres vivants ayant des dispositions analogues, afin de déterminer la réalité de l'avantage ou du rôle que joue l'organe pour les êtres vivants concernés. Il constate également que les interprétations mises en avant pour justifier l’existence d’une particularité chez une espèce ne tiennent généralement pas compte du fait que d’autres espèces vivant dans le même milieu n’ont pas cette disposition supposée avantageuse, voire ont la disposition opposée et ne s’en portent pas plus mal.
Il en conclu que la notion d'adaptation est trompeuse et qu'elle est un obstacle à l'étude plus fine et plus précise des rapports effectifs des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Pour lui, la notion d'adaptation induit à prendre les conséquences pour les causes et inversement : ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu.
Pour Rabaud, l'environnement n'est pas uniquement une contrainte qui s'impose à l'organisme, c'est aussi et avant tout l'espace où peut se déploier son activité autonome : l'être vivant n'est pas adapté au milieu ; c'est le contraire, il trouve dans le milieu les éléments spécifiques qui lui permettent d'assurer sa subsistance. L'analogie du vivant avec une machine induit à négliger et tend à faire oublier le caractère actif des êtres vivants dans la quête de leurs subsistances (particulièrement évidente chez les animaux), c'est-à-dire l'autonomie du vivant par rapport à son milieu.