Alphonse Maeder - Définition

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Travaux et recherches

La fonction prospective du rêve

Alphonse Maeder consacre la majorité de ses travaux à étudier la fonction prospective dans les rêves à travers deux ouvrages : Sur la formation des symboles dans les rêves (Zur Entstehung der Symbolik im Traum) en 1910 et La Fonction des rêves (Funktion des Traumes) en 1912, dans l'article « Essai d'interprétation de quelques rêves » (1907) également. La théorie de Maeder est en continuité avec celle de Jung. Selon lui en effet, le rêve seul n'apporte rien ; la série de rêves est davantage significative car elle exprime un but que l'inconscient a perçu avant la conscience. Les conceptions selon lesquelles tout rêve doit être étudié au sein d'une série de rêves, et celle de la fonction téléologique de la production onirique, reprises par Jung et la psychologie analytique, proviennent de Maeder.

Michael Lukas Leopold Willmann, Paysage du rêve de Jacob, vers 1691.

Le rêve est selon Maeder « un jeu d'activités qui se cherchent », résume Charles Baudouin, et ayant une fonction cathartique. Maeder a également montré que l'interprétation sexuelle d'un rêve n'est pas immédiate, et que celui-ci est toujours plus riche de sens si l'analyste ne le lit pas comme une pulsion libidinale. Enfin, l'apport de Maeder est surtout relatif à la capacité prospective des rêves, qui est selon lui inconsciente et qui va « d'ébauche en ébauche, préparant la solution de conflits et de problèmes actuels que le sujet cherche à se représenter grâce à des symboles élus à tâtons » et qu'il expose dans son article « Sur le mouvement psycho-analytique », au chapitre VII intitulé « la théorie ludique des rêves », publié dans L'Année psychologique, la revue de Édouard Claparède. Le rêve est donc une anticipation qu'il ne faut pas confondre avec une capacité prophétique voire télépathique (idée que Jung ne récuse cependant pas).

À la vision causaliste de Freud, il propose une vision téléologique, visant une finalité et que Jung adopte très vite. Selon Charles Baudouin, cette nouvelle conception permet de repenser le problème philosophique de la matière et de la forme. Le Dr Maeder dit ainsi :

« Je distingue donc nettement à côté du facteur énergétique (qui fait l'essence du concept de la libido de Jung) un facteur qui lui est coordonné, le facteur direction (l'orientation). Dans le point de vue statique on distingue avec raison le contenu de la forme ; ici il faut distinguer le courant (l'énergie) et la direction »

Cette conception est empruntée aux travaux de Flournoy, notamment son concept d'automatisme empêchant le suicide du sujet, et surtout à ceux du biologiste Karl Groos. Ce dernier considère, dans Die Spiele der Menschen (1899), que le jeu permet à l'enfant de préparer ses activités futures. Maeder explique donc, dans Über die funktion des Traumes (1912), que le rêve a deux principales fonctions dans la vie psychique : il a une visée cathartique et il prépare certaines activités complexes futures. L'imagination est ainsi une mise en pratique de ces deux fonctions. Enfin, les phénomènes de prédiction attachés à la personnalité du médium pourraient s'expliquer, selon Maeder, par une activation de la fonction prospective du rêve.

Maeder, mais aussi Alfred Adler et Léo Oppenheimer, exploitent la capacité naturelle du rêve comme prophétique. Adler pense que le « rêve ont une fonction de penser par avance » alors que Maeder prétend démontrer que les rêves, en plus d'être des réalisations de désirs, ont une « fonction secondaire » et résolvent des conflits. L'originalité de la conception de Maeder fut cependant vivement critiquée par Freud qui explique ainsi, dans une lettre adressée à Raymond de Saussure, : « J'ai à plusieurs reprises rendu Maeder attentif à cette confusion du rêve et des pensées latentes du rêve, en vain. ». La critique est également venue de son fidèle partisan, Karl Abraham, dans son essai « Critique de l'essai d'une présentation de la théorie psychanalytique de C. G. Jung ». Selon lui en effet « la « tendance prospective » n’est donc pas non plus une découverte originale de Jung ou de Maeder, mais simplement une dénomination nouvelle d’une impasse que Freud a d’avance évitée ». D'autre part, en 1913, Alfred Adler accuse Maeder, dans son article Über die Funktion des Traumes, de l'avoir plagié. Ce dernier démontre que sa conception, datant de 1910, est antérieure à celle d'Alfred Adler.

Autres travaux et influence

La guérison psychologique

Selon Maeder, la psyché recèle les moyens de s'auto-guérir, par le rêve notamment. L'analyste ou le médecin, plus généralement, devient pour le patient une figure spirituelle sur laquelle il projette l'archétype du Sauveur. Maeder pense que dans l'Histoire, de telles projections ont donné corps à des rites et traditions de guérison. Un saint, un dieu, un personnage mythique ou un sanctuaire peut en effet recevoir l'archétype du Sauveur et être investi d'une force de guérison. Maeder a développé une psychothérapie brève, fondée sur le désir authentique du malade de se faire aider, désir qui, en retour, oblige l'analyste à s'imposer de « sévères exigences ». L'analyste doit en effet faire preuve d'empathie, en plus d'être conscient de tous les problèmes que la cure peut poser, comme le contre-transfert.

Maeder use donc d'une « méthode active » dans laquelle plusieurs phases apparaissent et évoluant dans un cadre éthique. D'abord le malade doit, de lui-même, appeler à l'aide (c'est le « processus d'appel »). Ensuite, le thérapeute répond en manifestant à son tour son désir d'aider. Ce dernier doit étudier et mettre au jour, puis mobiliser, les forces d'autoguérison du patient. Le malade va ensuite inconsciemment investir le thérapeute d'une aura spirituelle (c'est la projection de l'archétype du Sauveur) qui permet d'activer ces forces ; le thérapeute est donc une figure moderne du guérisseur ou medecine-man. Maeder remarque que lors de l'irruption de cet archétype, le processus de guérison s'accélère. Le critère qui lui permet d'affirmer que la guérison est en bonne voie est l'apparition, chez le patient, de sentiments forts, voire d'amour, sentiments constructifs et reconnaissants, envers le thérapeute.

Alphonse Maeder lors du congrès de psychanalyse de 1911 (détail).

Synthèse entre la religion et la psychanalyse

L'ouvrage Die Richtung im Seelenleben (1929) est une tentative de synthèse entre la religion chrétienne d'une part et la psychanalyse d'autre part. Dans une première partie, Maeder, reprenant un texte de 1918, s'attache à montrer les points communs entre ces deux domaines du point de vue de la guérison et du développement de la vie psychique. Le transfert psychanalytique est particulièrement étudié. Selon Maeder, le rôle du thérapeute évolue progressivement, tout au long de l'analyse, d'un statut d'« agent psychothérapeutique » à celui de « partenaire », puis enfin d'« appelé ». Maeder pense en effet que la dimension religieuse et spirituelle doit faire partie intégrante du processus de guérison psychique, explique son ami et psychiatre suisse Paul Tournier. Une seconde partie intitulée « Conscience et réalisation » constitue les conférences faites à Amersfoort (en Hollande). La troisième et dernière partie, « Psychanalyse et éducation » (rééditée sous le titre « Réalisation dans l'éducation ») propose une approche psychanalytique de la pédagogie.

La conception de Maeder est, selon Baudouin, « un enseignement d'hygiène morale et spirituelle ». En effet, par sa thérapeutique brève et éthique, il met l'accent sur « l'œuvre de rééducation pratique » qu'accomplit le psychothérapeute à l'égard de ses patients. Enfin, cet enseignement s'adresse à l'Humanité en général. Dans Vers la guérison de l'âme il explique que l'individu est menacé dans son identité et que seule une discipline d'auto-éducation fondée sur la connaissance de soi peut recentrer la psyché individuelle. Maeder rejoint le groupe d'Oxford, rassemblement de personnalités chrétiennes et multidisciplinaires prônant le « réarmement moral » de la civilisation. La pratique de Maeder a ainsi intégré peu à peu la spiritualité et la relation unique qui existe entre patient et analyste. J.W.G. Meissner a principalement centré son étude biographique de Maeder sur cette « psychiatrie pastorale » (Van hulp en heil: de pastorale psychiatrie van Alphonse Maeder, 1952).

Analyse de la glossolalie

Dans La Langue d'un aliéné. Analyse d'un cas de glossolalie, et suivant les conceptions d'Eugène Bleuler et de Théodore Flournoy, Maeder présente l'existence d'un sens caché derrière le charabia d'une langue délirante fabriquée par un schizophrène, patient dénommé par les initiales « F.R. » et qui s'imagine vivre dans un pays imaginaire du nom de « Salisjeur ». Maeder reprend les notions d'« autisme » et celle de « démence précoce » de Bleuler et de Jung, sans mentionner leur origine autoérotique, et les nomme « repliement sur soi-même », les comparant à l'appellation française d'« autophilie ». Il fait aussi souvent référence, au cas de glossolalie délirante le plus connu à l'époque, celui du Président Schreber. L'étude des glossolalies est en effet en vogue chez les pionniers de la psychanalyse. Maeder relie le phénomène de glossolalie à l'économie psychique telle que la conçoit la psychologie analytique. En effet, l'invention d'une langue fictive témoigne de la recherche de la part du patient d'« un instrument adéquat à sa pensée ». Il poursuit : « Il [le patient] vit dans un monde fantaisiste qui doit lui fournir une compensation pour l'existence terre-à-terre qu'il a dû mener jusqu'alors. Une langue nouvelle est alors nécessaire à cet esprit naïf pour exprimer des idées si nouvelles, profondes et abstraites, des choses si grandioses, pour décrire un monde si nouveau ». Selon Maeder, l'affectivité et l'infantilité jouent un rôle explicatif dans la glossolalie.

La psychosynthèse

Dans « De la Psychanalyse à la Psychosynthèse » (1926) Maeder épouse une conception nouvelle, se démarquant définitivement de l'héritage freudien. En annonçant la prise en compte de l'individu dans l'optique de la psychosynthèse, Maeder récuse le primat de la libido sur la psyché et l'idée que celle-ci se fonde sur des instances antagonistes. Il existe ainsi des degrés dans l'activité psychique, ainsi que deux attitudes, l'une hédonique, élémentaire et utilitaire et une autre de réalisation qui intègre les buts de l'individu. Ainsi, là où la psychanalyse explique la personnalité par le refoulement et l'identification, la psychosynthèse, selon Maeder, l'explique par l'adaptation au réel et au social. Cette conception a influencé la théorie de Roberto Assagioli, père de la psychosynthèse.

Roberto Assagioli s'est en effet largement fondé sur les travaux de Maeder pour développer une approche intégrative de la vie psychique. Par ailleurs, le Dr René Morichaut-Beauchant, dans Les Troubles de l'instinct sexuel chez les épileptiques (1912) s'inspire également de la théorie de Maeder et de celle de Cesare Lombroso, selon lesquelles l'épileptique est un délinquant en puissance.

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