Convulsionnaires - Définition

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Vers une extinction du mouvement au XIXe siècle

La sortie de la Révolution, pour les mouvements, se fait à l'occasion du concordat de 1801. Celui-ci, en mettant en place une remise à plat des institutions ecclésiastiques françaises, cause un choc certain dans des communautés ancrées dans le souvenir. Que ce souvenir soit fidèle à l'Ancien Régime ou à l'Église constitutionnelle, il est ébranlé puisque le pape Pie VII, allié au consul Bonaparte, demande une démission généralisée. Les groupes convulsionnaires vont donc réagir fortement, en accentuant les différences déjà constatées pendant la Révolution. Ces positions sont la cause directe du devenir de ces groupes au XIXe siècle.

Le groupe lyonnais

Le groupe des convulsionnaires lyonnais est radicalement opposé au Concordat. Il y voit une usurpation des sièges épiscopaux d'Ancien Régime. De même qu'il a massivement rejeté la constitution civile du clergé, il rejette cette nouvelle organisation et considère que le pape usurpe ses droits en la matière, tout comme la constitution civile du clergé était illégitime pour déposer les prêtres réfractaires.

En 1802 le père Chaix, un des rares prêtres membre du groupe lyonnais (qui se caractérise par une forte proportion de laïcs et quelques Réguliers), publie un « Catéchisme pour le Concordat ». Cet ouvrage est fondateur pour l'opposition lyonnaise au concordat. Il refuse l'intervention d'un gouvernement dans des questions d'Église, conteste les modifications cultuelles (par exemple la réduction des fêtes chômées) et disciplinaires. Le père Chaix prône un refus de communication avec l'Église nationale de son temps, tout en réfutant le terme de « Petite Église », puisque selon lui il n'est pas sorti de l'Église universelle.

Les membres du groupe lyonnais se placent donc dans une posture de groupe d'opposants religieux à l'Église. À partir de 1832, ils n'ont plus de prêtre. Cela modifie leur façon de vivre et l'évolution du groupe. Il n'y a pas de prosélytisme mais au contraire un repli communautaire. Ils ne participent pas à la messe paroissiale mais disent entre eux des offices à l'aide d'ouvrages anciens, datant principalement de l'épiscopat de monseigneur Malvin de Montazet. On s'instruit avec le catéchisme du même Montazet, encore édité en 1844, ainsi qu'avec les ouvrages convulsionnaires de Desfours de la Genetière (Les Trois États de l'Homme, rééd. en 1851) ou, en 1886, les Consolations pour les fidèles en temps de persécution de Demaris. Le souvenir de Port-Royal et des jansénistes du XVIIIe siècle est permanent, notamment par les prières au « saint évêque de Senez » (Jean Soanen) ou par les litanies des « saints jansénistes » qui sont récitées :

« Saint prophète Élie, saint Michel notre pontife, saint Soanen notre père, saints Jansenius, Pavillon, Colbert, Varlet, saints Jean de Hauranne, de Saci, de Bagnols, tous les saints de Port-Royal, saint François de Pâris notre protecteur […] Sainte mère Angélique notre protectrice, toutes les saintes de Port-Royal […] tous les saints et les saintes de Dieu attachés à l'appel et à l'œuvre des convulsions, accordez nous la foi en votre œuvre. »

Les Lyonnais embauchent certains ruraux venus de paroisses jansénisantes des Dombes et du Beaujolais, par exemple. On se regroupe en fabriques, on vit en quartiers. Le quartier de la Croix-Rousse à Lyon est réputé être le bastion des anticoncordataires. De riches membres de l'Œuvre, comme les familles Bergasse, et plus tard la famille Berliet ou la famille Rolland, fournissent travail et relations aux autres membres du groupe. Des possessions viticoles dans le Beaujolais permettent également de financer le groupe. Des écoles sont créées, afin d'instruire les enfants dans la tradition port-royaliste. Elles existent toujours aujourd'hui. Le groupe lyonnais se maintient, depuis le XIXe siècle, à environ 400 personnes.

Le groupe lyonnais, s'il décroît progressivement au cours du XIXe siècle, reste cependant un des plus importants, et surtout le seul encore existant réellement de nos jours. Malgré de fréquentes tentatives de rapprochement avec l'Église catholique, il reste hostile à une réintégration tant que le concordat de 1801 n'aura pas été fermement condamné. Lors du Concile Vatican I, en 1869-1870 la communauté lyonnaise prend la tête d'une délégation des différentes petites Églises françaises (notamment la Petite Église des Deux-Sèvres) et se rend à Rome pour essayer de négocier son retour dans l'Église romaine. Marius Duc, instituteur du groupe lyonnais, se rend à Rome avec un Vendéen, porteurs d'un mémoire dénonçant vigoureusement le Concordat mais ne s'exprimant pas véritablement sur la question de la bulle Unigenitus. Ils ne sont pas entendus. Le dogme de l'infaillibilité pontificale est pour eux un échec, puisqu'ils le comprennent comme niant implicitement toute erreur de Pie VII au moment du concordat. Les autorités religieuses exigent progressivement de moins en moins de renonciation de leur part pour un retour dans l'Église, mais les retours visibles sont pour autant assez rares. Les désaffections se font essentiellement lors de mariages avec une personne extérieure au groupe.

Les Lyonnais ont nettement la prééminence parmi les autres groupes convulsionnaires de province. Ils sont en contact constant avec les jansénistes parisiens, qui sont pour la plupart hostiles aux convulsions. Louis Silvy est leur principal correspondant au début du XIXe siècle, puis ils sont en relations avec les rédacteurs des journaux jansénistes et gallicans comme la Chronique religieuse ou la Revue ecclésiastique. À la fin du XIXe siècle, ils sont également en relation avec la Société de Port-Royal, à qui ils font d'importants dons consacrés à la publication d'ouvrages sur le jansénisme ou à la restauration de Port-Royal-des-Champs.

Les bonjouristes, vers un éloignement de la filiation janséniste

La communauté convulsionnaire groupée autour de François Bonjour est assez malmenée après la Révolution. François Bonjour tente de revenir dans sa paroisse de Fareins, mais se trouve en butte à l'hostilité d'une partie de ses paroissiens. Avec son fils Élie, il garde cependant une influence certaine auprès des groupes de convulsionnaires. À la sortie de la Révolution, il est encore soutenu par une moitié environ de son village, soit 600 personnes, mais les effectifs baissent rapidement. Cette désaffection est notamment causée par le fait que les événements prophétisés par François Bonjour concernant son fils ne se produisent pas. François et Claude Bonjour sont arrêtés et exilés à Ouchy en Suisse en 1805 et meurt à Ribemont.

Le groupe bonjouriste a une attitude de rejet du concordat de 1801, estimant que le pape a usurpé son pouvoir. Les paroissiens de Fareins ne suivent pas tous Bonjour dans cette attitude, et assistent aux offices du curé concordataire, même avec des réserves. Ils gardent une distance critique par rapport à l'Église, ainsi que quelques pratiques communautaires et une faible pratique religieuse à la paroisse. Au milieu du XXe siècle, le groupe a quasiment disparu, ne laissant qu'une impression de stricte pratique religieuse et un attachement lointain à Port-Royal.

Statuette représentant Jean-Baptiste Digonnet, le « Petit Bon Dieu » des Béguins du Forez, XIXe siècle

Quant au groupe bonjouriste du Forez, groupé autour de Saint-Jean-Bonnefonds, il rompt ses liens avec les Bonjour et se dirige vers un fonctionnement d'Église parallèle. Ses membres reçoivent rapidement le nom de « béguins ». Ils vivent à l'écart de l'Église concordataire, fonctionnant en communauté, sans prêtre, attendant dans la tradition figuriste et convulsionnaire le retour du prophète Élie. Ils pensent avoir atteint leur but en 1846, avec l'apparition dans leur groupe de Jean-Baptiste Digonnet, un vagabond apparemment passé par les groupes protestants méthodistes du sud du Massif central qui se répandent à l'époque. Celui-ci se présente comme le prophète Élie et leur annonce le retour de Jésus-Christ, précédé des trois fléaux traditionnels : famine, peste et guerre, que les Béguins reconnaissent volontiers dans le contexte politique et économique difficile du milieu du XIXe siècle. Il est appelé par les Béguins le « Petit bon Dieu » et simplifie la tradition janséniste et convulsionnaire jusqu'à l'amener vers une croyance à la réincarnation des corps des âmes élues par Dieu. Cela amène le groupe à des pratiques cultuelles originales, comme le refus du culte des morts, l'enterrement dans des fosses communes etc. Les Béguins portent également une marque distinctive, le « signe de Digonnet », décrit ainsi quelques décennies plus tard :

« Il (Digonnet) avait sur eux une telle autorité qu'il réussit à leur faire porter un insigne extérieur qu'ils conservent encore aujourd'hui. Les hommes mettent à leur chapeau un petit cordelet noir noué par devant avec des bouts tombants. Les femmes portent sur leur tête une sorte de mirliton en étoffe. […] Il est de l'épaisseur du petit doigt et formé d'une mousseline blanche sur laquelle s'enroule un ruban rouge grossier. […] En général, les jeunes filles et les enfants portent ce signe directement sur leurs cheveux, les femmes sur leurs bonnets ; elles le gardent nuit et jour et ne doivent jamais le quitter. Il saute aux yeux du voyageur même inattentif. »

Digonnet est interné en 1848 pour « aliénation mentale et monomanie », mais il reste l'objet de culte à Saint-Jean-Bonnefonds et aux alentours. Il meurt en 1857. Le groupe se maintient autour des pratiques cultuelles, essentiellement funéraires, jusqu'au milieu du XXe siècle où il semble disparaître, noyé dans l'industrialisation de Saint-Étienne. Les cas de passage au protestantisme, notamment quaker, dans le contexte du Réveil protestant, sont également assez fréquents. Toutefois il n'est pas exclu que la tradition béguine soit encore vivante dans certaines familles, bien que tout lien avec le jansénisme ou l'origine du mouvement convulsionnaire soit oublié.

Les « communicants »

Dans le Forez également, mais davantage autour de l'abbé François Jacquemont, les convulsionnaires plus modérés réagissent un peu différemment à la fin de la Révolution et au Concordat de 1801. Sans en accepter tous les termes, ils ne conçoivent pas de se mettre trop à l'écart de l'Église et inaugurent une attitude de présence discrète, critique mais obéissante, qui fait qu'on les appelle les « communicants ». Groupés principalement autour de Saint-Étienne, dans des villages comme Saint-Médard-en-Forez, La Tourette, Saint-Jean-Soleymieux ou Marols, les communicants sont estimés à 4 000 personnes au tout début du XIXe siècle.

Ils assistent aux offices paroissiaux, mais restent très proches, notamment pour leur formation religieuse et leurs exercices spirituels, de leurs traditions. Ils continuent à se réunir entre eux et sont sous la direction spirituelle de François Jacquemont, qui n'a plus de cure depuis le concordat, ayant refusé personnellement de signer le Formulaire d'Alexandre VII et de condamner la bulle Unigenitus.

Outre leur rôle local, François Jacquemont et son groupe de communicants sont à la charnière entre les convulsionnaires de toute la région lyonnaise, qui sans partager ses prises de position, respectent profondément le prêtre, et les groupes jansénisants parisiens qui fondent au début du XIXe siècle la Société de Port-Royal. Jacquemont entretient une grande correspondance, notamment, avec Louis Silvy, et passe les vingt dernières années de sa vie à écrire pour la défense de la cause janséniste, à publier des discours de visionnaires convulsionnaires, à garder le lien entre les différents groupes.

Mais il meurt en 1835. C'était le dernier prêtre de tendance convulsionnaire dans la région. Dès lors, le groupe des communicants commence à s'étioler. Il est la cible d'une pression non négligeable de la part du clergé concordataire, qui souhaite faire revenir complètement dans l'Église ces fidèles récalcitrants mais moralement exemplaires. Au milieu du XIXe siècle, les communicants ont disparu en tant que groupe constitué.

À Saint-Étienne même, quelques familles résistent plus longtemps, en lien fort avec les jansénistes parisiens, notamment par l'intermédiaire des revues engagées comme la Revue ecclésiastique. Avec eux, ils continuent de croire que les temps attendus sont proches. Les événements qui se bousculent au milieu du siècle (chute de Louis-Philippe, Révolution de 1848, proclamation du dogme de l'Immaculée conception en 1854 etc.) sont autant de signes précurseurs. Mais les événements politiques passent, et rien n'advient. Le découragement prend petit à petit, même s'ils tentent encore de se persuader que la conversion des juifs est proche :

« Un chrétien catholique doit y croire. Et qui sait si ce qui se passe en Europe depuis vingt ans n'y est pas un acheminement ? Partout les Juifs ont reconquis et jouissent de tous les droits de citoyens et chez la généralité des peuples une profonde haine fermente contre l'Église romaine. Elle ne veut à aucun prix faire des concessions à l'esprit moderne. Le Premier Pasteur de cette Église décrète des dogmes nouveaux, inconnus de toute l'Antiquité… L'ultramontanisme a gagné le corps épiscopal… Mille ans font comme un jour aux yeux de Dieu. Attendons! »

Dans les années 1870, les Stéphanois se détachent formellement de leurs traditions convulsionnaires, en cédant à la municipalité de Saint-Étienne une maison appelée « Maison des jansénistes », où ils se réunissaient, ainsi que de nombreux documents et leurs bibliothèques à la municipalité. Ne reste visible, au cimetière de la ville, que le « tombeau des jansénistes », qui accueille plusieurs membres de l'Œuvre, et est possédé par un descendant de convulsionnaires. Mais si les groupes sont éclatés, une certaine pratique de la foi reste, remarquée lors d'enquêtes au début du XXe siècle. Dans celle de Benoît Laurent, effectuée dans les années 1930, il estime que certaines familles jansénistes subsistent encore, avec les caractéristiques suivantes : « une certaine hésitation à l'égard de la communion fréquente, un respect doublé d'appréhension de ce sacrement, inséparables pour certains esprits de celui de la pénitence. »

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