Dépression (psychiatrie) - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Étiologies des dépressions

De plus en plus et comme pour nombre de troubles psychiques, les dépressions sont appréhendées comme résultant de l'interaction d'un ensemble de facteurs psychologiques, biologiques, sociaux et génétiques. Classiquement on formule ceci ainsi qui peut se représenter sous forme d'une étoile : la dépression est le résultat d'un facteur actuel de crise qui se présente comme "l'élément déclenchant" qui - c'est une tendance actuelle - retient trop souvent toute l'attention du clinicien qui se rive ainsi à la synchronie en négligeant la diachronie, notamment l'histoire de vie du sujet et l'interaction de :

    • facteurs psychologiques individuels relevant de la contingence biographique du sujet (petite enfance, enfance avec la latence, adolescence, etc.) et son vécu actuel,
    • de facteurs dus aux prédispositions constitutionnelles,
    • de ceux relevant de l'environnement familial, professionnel, socioculturel.

Hypothèses sur les facteurs biologiques

À chaque état psychologique correspondrait un état physiologique. Nous sommes habitués à considérer cet aspect en ce qui concerne le stress, par exemple, que nous relions à l'adrénaline. Cela fait partie du langage populaire. Des études ont montré la présence de différentes dysfonctions neurobiologiques chez les gens déprimés. Entre autres, les niveaux de sérotonine et la noradrénaline (des neurotransmetteurs) sont impliqués dans la dépression.

Un certain nombre d'anomalies biologiques ont ainsi été retrouvées dans le sang ou le cerveau des dépressifs. Il n'est cependant pas toujours clair si ces anomalies sont causes ou conséquences de la maladie, ce qui peut expliquer certains échecs des traitements médicamenteux. Elles ouvrent toutefois la voie à de nouvelles thérapeutiques pharmacologiques.

Les recherches sur les causes de la dépression ont mené les chercheurs à se pencher sur la chimie du cerveau. Au début des années cinquante, certains neurotransmetteurs de la classe des monoamines attirèrent l’attention. Ces neurotransmetteurs, tous dérivés d’un acide aminé, comprenaient la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. On sait maintenant qu’un mauvais fonctionnement du circuit de noradrénaline ou de sérotonine contribue à la dépression chez certains individus, mais les neurotransmetteurs commencent à peine à livrer leurs mystères et même aujourd’hui, on ne connaît pas encore toutes leurs implications sur le comportement humain. L’une des hypothèses est que la recapture présynaptique des monoamines est trop forte, ce qui crée un manque de ces neurotransmetteurs. Il a aussi été démontré que les neurotransmetteurs sont détruits pendant leur traversée par des enzymes, les monoamines oxydases. La noradrénaline est détruite en une substance qui se dose dans les urines le méthoxyhydroxyphénylglycol ou MHPG or on a vu chez de nombreux déprimés une excrétion urinaire de MHPG (venant de la noradrénaline) diminuée. L'action de cette enzyme serait donc trop forte. L'hyperactivité de cette enzyme a été démontrée chez certains dépressifs grâce à une étude scintigraphique cérébrale. Cela expliquerait l'efficacité de certains traitements anciennement prescrits, de type inhibiteur des monoamine oxydases, appelés communément IMAO.

Une autre hypothèse serait la présence d'une anomalie des récepteurs cérébraux. Cette théorie évoque une anomalie du nombre des récepteurs post-synaptiques. Elle concerne encore les monoamines neuromédiatrices mais selon un modèle différent. Le nombre des récepteurs où viennent se fixer les neurotransmetteurs après leur traversée de la synapse n’est pas fixé mais il se modifie en fonction de leur quantité afin de maintenir une transmission d’influx assez constante :

  • s’il y a beaucoup de neurotransmetteurs, le nombre des récepteurs va tendre à diminuer. Le message nerveux passera mal ;
  • si à l’inverse, il y a peu de transmetteurs le nombre s’accroît pour recevoir au mieux les neurotransmetteurs afin de préserver le plus possible la transmission. S'il s'accroît trop les récepteurs ne sont plus assez stimulés.

Par ailleurs, la sensibilité de ces récepteurs peut être modulée par divers mécanismes.

Le rôle du cortisol, hormone dont la production est augmentée en cas de stress, semble également crucial. Son taux est significativement augmenté en cas de dépression, secondairement à l'augmentation de la CRH. Par contre, les médicaments ciblant l'inhibition de sa production se sont révélés d'une efficacité décevante.

Il est retrouvé parfois un déficit intracérébral de BDNF (« Brain-derived neurotrophic factor »), un facteur permettant la croissance des neurones et la plasticité des synapses (jonctions entre les neurones). Cette baisse est cependant peu spécifique, car retrouvée dans plusieurs affections psychiatriques.

D'autres marqueurs sont en cours d'étude. Parmi ces derniers on peut citer l'homocystéine et les oméga-3.

Hypothèses sur les facteurs psychologiques

L'aspect biologique n'est pas nécessairement « la cause » de la dépression. Comme le pensent la plupart des spécialistes, c'est l'un et l'autre des facteurs et leur interaction qui sont en cause. Les différents modèles psychologiques expliquent chacun à leur manière, parfois de manière contradictoire parfois complémentaire les processus psychiques e/ou comportementaux des dépressions (cf. behaviorisme, psychanalyse, etc.).

Pour les spécialistes issus du behaviorisme, on explique que lorsqu'une personne est dépressive, elle a tendance à voir la réalité de façon plus négative. En retour, cette interprétation plus négative amplifie les émotions dépressives. D'autre part, les interprétations négatives de la réalité et les émotions dépressives influencent les comportements (amenant par exemple de la passivité) qui, en retour, ont un impact sur les pensées et les émotions. Pour les psychanalystes, il existe aussi des facteurs intrapsychiques souvent inconscients qui relèvent par exemples des processus de deuils, d'une angoisse de perte d'objet ou autres conflits. Freud dans Deuil et mélancolie, Karl Abraham, et Mélanie Klein, etc., ont ouvert le champ d'une compréhension profonde de la dépression.

En dehors de ces points de vue qui sont importants pour les traitements, toutes sortes d'échelles ont été établies sur les typologies (cf. Ernst Kretschmer) et le facteurs de prédisposition' aux dépressions (cf. par exemple les Profils de dépression de Fr. Lelord et Ch. André). Il en existe encore plusieurs comme celles qui mettent en avant les "taux" de stress par événements (deuil, accident, déménagement, etc., etc.) qui sont classés par l'incidence qu'ils sont censés avoir pour l'apparition d'une dépression. Toutes ces échelles mettent en cause des événements externes au sujet et tentent ainsi d'expliquer les dépressions dites réactionnelles.

Hypothèses sur les facteurs génétiques

Il est reconnu que pour certaines dépressions des facteurs héréditaires jouent un rôle dans la création du déséquilibre chimique dans le cerveau d'une personne lorsqu'elle vit une dépression. Même si certains gènes sont impliqués dans la dépression, il ne semble pas qu’ils déclenchent inévitablement la maladie. Ils se contenteraient de transmettre une susceptibilité à entrer plus facilement dans un état dépressif. Susceptibilité qu’un évènement extérieur où une personnalité particulière pourrait transformer en véritable dépression. La part génétique de la dépression est de l'ordre du tiers (ce qui est moins que pour une schizophrénie ou un syndrome bipolaire). Cette héritabilité serait plus importante dans les formes graves ou survenant précocement. Il est également important de réaliser que peu importe le ou les facteurs ayant précipité une personne dans un état dépressif, la voie finale commune de la dépression, si l’on peut dire, implique un déséquilibre de certains neurotransmetteurs dans le cerveau.

Plusieurs gènes sont à l'étude. Parmi ces derniers, la présence d'un polymorphisme du gène d'un transporteur de la sérotonine (5-HTTT) serait associé significativement à la survenue d'une dépression réactionnelle aux stress de la vie quotidienne.

Hypothèses sur les facteurs sociaux

Des séparations précoces dans l'enfance ou la petite enfance rendent souvent davantage sujet à des dépressions à l'âge adulte (cf. les études de René Spitz).

Un environnement pénible (rythme de vie effréné, soucis professionnels et/ou familiaux, chômage, divorce, deuil, isolement, déracinement, déménagement) pourrait rendre plus sujet à l'apparition et/ou au maintien d'une dépression. L'importance et la qualité du soutien que nous recevons par nos relations interpersonnelles (proches parents, conjoints, enfants, amis...) peut nous protéger contre le stress et les tensions de la vie quotidienne, et réduire les réactions physiques et émotionnelles au stress, l'une d'entre elles pouvant être la dépression. D'autre part l'absence d'une relation étroite, de confiance, peut augmenter le risque de dépression.

Page générée en 0.131 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise