Un virus émergent, d'un sous-type nouveau chez l'homme, a statistiquement peu de chance de l'infecter facilement, et s'il l'infecte accidentellement, il doit s'adapter à son nouvel hôte pour bénéficier d'une large diffusion par le phénomène de contagion inter-humaine.
Beaucoup d'experts pensent que l'adaptation d'un hybride viral nouveau (et peut être d'un variant mutant) nécessite un nombre important de cycles viraux et donc de passages d'individus à individus, ce qui laisse quelques mois à quelques années pour se préparer à une éventuelle pandémie.
Dans cette hypothèse, le virus doit pour compenser un mauvais taux de transmission, bénéficier d'un taux de contact élevé entre individus sensibles et individus infectés.
Les individus sensibles peuvent être des enfants (immunité naïve) ou des personnes très âgées (plus fragiles face au virus, et de plus en plus regroupées dans les maisons de retraites) ou des prédisposées à l'infection pour différentes raisons.
Ces conditions sont rencontrées en maints endroits ; en Inde, en Chine, en Indonésie et notamment dans le sud-est de ce pays, mais aussi en Europe de l'Ouest et il existe bien des régions du monde où la densité de population est localement très forte, les conurbations de plusieurs millions d'habitants sont de plus en plus nombreuses.
Une fois qu'un nouveau virus s'est « humanisé » dans une région donnée, il peut diffuser de proche en proche localement ou via les transports internationaux. Il peut voyager très vite avec les déplacements de ses hôtes humains, plus vite encore que ne le font les virus grippaux avec les oiseaux migrateurs, et sur d'autres itinéraires, sans respect des saisons. Les individus infectés par un nouvel agent grippal peuvent le transmettre à des individus sains sur un autre continent en seulement quelques heures.
Lors de la pandémie de 1968, il a fallu près de 7 mois entre le pic de l'épidémie due au nouveau virus à Hong Kong et le pic de l'épidémie en France, mais les transports sont en 2008 plus nombreux et plus rapides, et la population a beaucoup augmenté.
Compte tenu de ces évolutions, aurons-nous assez de temps pour réagir dans une situation comparable ? Peut-être beaucoup moins qu'autrefois, alors que beaucoup de gens pensent que grâce aux progrès des sciences et de la médecine nous serions mieux parés.
Les migrations provoquent des flux et rassemblements cosmopolites et naturels d'espèces d'oiseaux variées. Elles mettent localement et chaque année en contact les migrateurs avec des oiseaux sauvages sédentaires et des oiseaux domestiques. Inversement,la volaille peut infecter la faune sauvage, via ses excréments, la ventilation des hangars d'élevage, les plumes ou d'autres sous-produits de l'élevage avicole. Les études phylogénétiques du H5N1 faites en 2005 ont montré que c'est très probablement dans un élevage industriel en Asie que le premier H5N1 HP (Hautement Pathogène) a émergé, et l'épisode roumain du printemps 2006 semble entièrement lié au non respect des règles élémentaires de biosécurité par plusieurs éleveurs industriels du pays. La commercialisation des plumes doit faire l'objet d'une attention particulière, car les oiseaux peuvent se recontaminer via le toilettage.
Les oiseaux migrateurs et la volaille peuvent aussi infecter d'autres espèces qu'aviaires (mammifères notamment / voir § consacré à ce sujet).
L'intensification et l'industrialisation de l'aviculture depuis le début du XXe siècle ont produit une forte homogénéisation génétique des poules, dindes, canards etc.
La pratique maintenant très généralisée de l'achat de poussin, dindonneau ou caneton d'un jour accroît le risque de diffusion d'un virus non repéré : Ces oisillons sont produits par dizaines de millions dans des couvoirs industriels. Quelques multinationales industrielles spécialisées dans la sélection et la couvaison. Les (accouveurs) les diffusent par avion dans le monde en quelques heures. Plusieurs de leurs anciennes unités de production ont été délocalisées ou étendues en Chine et en Asie du Sud-Est, justement dans des zones touchées par le H5N1. Et il semble qu'en dépit des interdictions d'importations de Chine, des poussins d'un jour ou des produits venant de ces régions ont continué à circuler, jusqu'au Nigeria avant l'apparition du H5N1 dans ce pays.
Ainsi, l'hypothèse répandue qui fait des oiseaux migrateurs la source initiale du risque pandémique par le H5N1 manque encore de preuves scientifiques. Les oiseaux domestiques de basse-cour, notamment les canards sont les principaux intermédiaires vecteurs de la grippe aviaire entre les oiseaux aquatiques migrateurs sauvages et les autres animaux domestiques dont les porcs. Mais, de nombreux indices, dont une partie ont été listés et analysés par un rapport du GRAIN en février 2006, laissent maintenant penser que les unités industrielles et les flux internationaux qu'elles génèrent pourraient être des facteurs bien plus importants de diffusion de la zoonose que les petites basses-cours traditionnelles dispersées et abritant une diversité génétique plus importante. Ce rapport estime que face au risque écoépidémiologique, les petites basses-cours, si elles respectent quelques règles de base et utilisent des volailles génétiquement diversifiées ne sont pas le problème mais la solution. Ce sont les élevages industriels qui présenteraient du point de vue, argumenté, des auteurs les plus grands risques.
Du point de vue zootechnique, l'agriculture biologique est dans une situation intermédiaire : les élevages "bio" produisent des volailles disposant de plus d'espace et élevées en extérieur, mais une partie croissante de la filière est également dépendante de la fourniture de poussins d'un jour, provenant de souches drastiquement sélectionnées et génétiquement très homogène, au détriment d'une diversité génétique qui pourrait être importante pour limiter le risque de zoonose.
Les sélectionneurs avicoles font de réels efforts pour sélectionner des souches plus résistantes à l'influenza aviaire ou à d'autres zoonoses, mais en s'enfermant ainsi dans une course avec les mutations adaptatives virales qu'ils ne sont pas certain de gagner dans le cas des virus à ARN dont les capacités évolutives sont extraordinaires.
Certains craignent une fuite en avant qui pourrait justifier comme dernière solution le poulet GM (Génétiquement modifié), qui ne réglerait probablement pas la question étant données les capacités d'adaptation du virus et le fait que la seule standardisation génétique qu'impose l'élevage industriel est en elle-même une source permanente de risque épidémique.
Malgré la signature et la ratification du traité de Rio sur la biodiversité, les pays n'ont pas fait une priorité de la conservation de la diversité génétique chez les animaux de rente agricole, et les millions d'oiseaux tués pour limiter l'extension du H5N1 depuis 2003, sans la création en parallèle d'un conservatoire génétique mondial contribuent à encore appauvrir ce patrimoine peu ou très lentement renouvelable.
S'il a été démontré que le porc peut être infecté directement par des virus aviaires de façon naturelle ou de façon expérimentale, la contamination directe de l'homme par des virus aviaires avec apparition d'un syndrome grippal semble être peu fréquente et n'a que très rarement pu être démontrée, l'exemple le plus éclatant étant l'épisode dit de la « grippe du poulet » qui s'est déroulé à Hong Kong en 1997 et qui n'a heureusement pas été le prélude à une pandémie (voir ci-après).
L'hypothèse la plus couramment admise jusque fin 2005, malgré l'épisode de Hong Kong puis quelques autres de 2003 à 2006 au cours desquels l'homme semble bien avoir été directement infecté par des volailles malades, place l'espèce porcine au cœur des événements qui conduisent à l'émergence de nouveaux virus humains. Ce rôle de creuset majeur permettant une recombinaison de virus aviaire et humain ou humain et porcin chez le porc résulte d'un faisceau d'arguments mais manque aussi de preuves concrètes. C'est ainsi à cause du porc que serait apparu le sous-type A(H3N2) vers 1968 en Asie par remplacement notamment de la molécule H2 d'un virus humain A(H2N2) par une molécule de type H3 qui provient, selon une étude phylogénétique, d'un virus de canards sauvages.
Un virus aviaire peut aussi infecter d'autres espèces que le porc : l'épizootie de grippe équine (chez le cheval) en 1989 en Chine a été provoqué par le passage d'un virus du même sous-type que les virus en circulation chez les équidés à cette époque mais phylogénétiquement et antigéniquement distinct. Ces virus équins dont la souche prototype était A/eq/Jilin/89(H3N8) semblent être passés directement et sans réassortiments (et pour les huit gènes) de l'oiseau au cheval.
Un deuxième exemple de passage de virus d'oiseaux aquatiques sauvages à des oiseaux domestiques est l'apparition chez les poulets au Mexique de virus A(H5N2) d'abord non pathogènes puis devenus hautement pathogènes.
Voici un 3e exemple de passage de la barrière des espèces : de 1985 à 1989, en Italie, des porcs étaient infectés par des virus hybrides dont les antigènes de surface H1 et N1 étaient issus d'un virus aviaires A(H1N1) et dont les autres protéines provenaient de virus humains A(H3N2). Cette observation a mis en évidence, en dehors des transmissions de virus entre différentes espèces, l'existence de réassortiments génétiques entre virus humains et virus aviaires chez le porc en Europe.