Les premières femmes diplômées des écoles d'architecture d'Europe et aux États-Unis le sont vers 1890. On peut citer à titre d'exemple Julia Morgan, première femme admise à l'École des Beaux-Arts de Paris. La première femme architecte au Canada, Esther Marjorie Hill, reçoit son diplôme de l'université de Toronto en 1920. En Suisse, Flora Crawford est la première femme à obtenir son diplôme en 1923 à l'ETHZ.
L’économie et la politique de chaque pays vont fortement influencer la féminisation de la profession, tantôt favorisant leur activité, tantôt les renvoyant dans leur foyer.
Ensuite, ce sont les pionnières – Eileen Gray, Renée Gailhoustet, Édith Girard, Odile Decq - qui viennent instantanément à l'esprit. Ce sont-elles qui ont dû défricher le terrain. L'enjeu est le pouvoir.
À travers l’évolution de l’histoire de l’architecture, on constate que beaucoup de «grands» architectes ont compris l’intérêt d’une synergie bisexuelle en vue d’améliorer une société complexe, prenant en considération les intérêts de l’ensemble de la population. Les exemples d’équipes mixtes sont nombreux. Aino Marsio et Alvar Aalto, Lilly Reich et Mies van der Rohe, Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret et Le Corbusier sont ainsi des figures de l'architecture moderne.
Plus récemment, dans l'architecture contemporaine, on trouve Denise Scott Brown et Robert Venturi, Wendy Cheesman et Norman Foster, les couple Smithson, Eames, les bureaux Mecanoo, Asymptote ou FOA.
En France, des bureaux comme Lacaton & Vassal, Périphériques, SEURA sont dirigés par des équipes mixtes.
Si Zaha Hadid raconte que « ce n'est pas tant le racisme que le fait d'être une femme en Grande-Bretagne qui a longtemps fait obstacle », l’émergence de grands noms féminins, (Itsuko Hasegawa, Françoise-Hélène Jourda…) dans le «star system» de l’architecture montre aujourd'hui la vitalité des femmes architectes et la qualité de leur architecture.
Des publications ont également permis au grand public de découvrir l’œuvre d’Eileen Gray et de Charlotte Perriand qui ont marqué l’histoire de l’architecture et du design. Mais on constate que, s’il semble y avoir un regain d’intérêt pour le «fait féminin», il existe encore une discrimination réelle à l’encontre des femmes. Il faut attendre 2006 pour que Zaha Hadid remporte le prestigieux prix Pritzker, première femme lauréate.
Aujourd'hui, celles-ci représentent environ 40% des diplômé-e-s. Une étude récente révèle cependant que l'architecture est la profession académique avec l'écart le plus marqué entre le taux de formation et le taux de professionnalisation des femmes. Et s'il y a 25% environ de femmes inscrites à l'Ordre, dont un certain nombre qui dirigent une agence, le plus souvent en couple, une femme seule à la tête d'une agence (comme Tilla Theus, Carme Pinós ou en France, Manuelle Gautrand) reste encore l'exception.
En Europe, les femmes ne sont pas non plus absentes de l'architecture. Notablement, deux femmes semblent avoir eu la maîtrise du projet et de la construction de leur demeure respective : Catherine Briçonnet, au XVIe siècle, pour son château de Chenonceau, et la marquise de Rambouillet pour son hôtel du Marais, l'hôtel de Rambouillet, construit au XVIIe siècle et disparu depuis. D'ailleurs, c'est à l'instar de cette dernière que beaucoup de grands seigneurs et de gens du monde se lancèrent, en amateurs, dans l'architecture.
Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, une moniale, Antoinette Desmoulin, réalise les plans d'une église qui sera annexée, entre 1684 et 1686, à l'abbaye bénédictine de la Paix de notre Dame à Liège. Il est peu probable que ces exemples soient uniques surtout que certaines femmes, telle George Sand, ont eu recours à un pseudonyme masculin pour entreprendre une carrière artistique.
Les femmes se distinguent également comme mandataires. Ainsi, dans la France du XVIIIe siècle, des aristocrates proches du pouvoir royal se font construire des résidences : le Petit Trianon de madame de Pompadour, par exemple, un pavillon dans le parc de Versailles, à l'écart de la vie formelle de la cour ; ou le pavillon de divertissement de madame du Barry, réalisé par l'architecte Claude-Nicolas Ledoux.
De même, des femmes de la bourgeoisie du XXe siècle s'offrent les services d'architectes de l'avant-garde moderne pour réaliser leurs habitations qui deviendront autant de chefs-d'œuvre de l'architecture : Edith Farnsworth, médecin américaine, se fait construire la maison en verre Farnsworth de Ludwig Mies van der Rohe, le couple Sarah et Michael Stein avec leur amie Gabrielle de Monzie, mandate Le Corbusier pour la villa Stein de Monzie, et Truus Schröder travaille avec Gerrit Rietveld sur les plans de la maison Schröder.
Mais avec l'avènement de l'idéologie bourgeoise au XIXe siècle, le travail des femmes perd progressivement sa reconnaissance de valeur économique et les compétences des femmes subissent une profonde restructuration. La maison devient un intérieur, lieu de reproduction, de refuge et de représentation. Les femmes sont identifiées à la sphère privée, à leurs fonctions de mères et de ménagères. On les cantonne à des rôles traditionnels dit féminins, caractérisée par le petit, le privé, l'intime, le pratique.
Les débuts académiques des femmes-architectes ne démarrent qu'à la fin du XIXe siècle alors que les hommes ont déjà entamé, depuis environ 600 ans, l'histoire de l'architecture en tant que profession. Pourtant, les femmes ont influencé l'aménagement de leur environnement construit avant que les universités ne leur ouvrent leurs portes. Alors que la profession d'architecte s'institutionnalise, et que le métier s'acquiert par une instruction d'abord réservée aux hommes, les femmes en sont écartées. La mise à l'écart systématique des femmes des métiers de pouvoir ou 'techniques' les éloignent donc de facto du domaine de la construction. De cela, il reste aujourd'hui encore de profondes traces.