Pierre Jacob estime que les héritiers de Gaston Bachelard en matière d'épistémologie ont retenu essentiellement "les quatre thèses suivantes" :
1. les instruments scientifiques sont des "théories matérialisées" (la fameuse "phénoménotechnique"). Et donc toute théorie est une pratique
2. toute étude épistémologique doit être historique
3. il existe une double discontinuité : d'une part entre le sens commun et les théories scientifiques ; d'autre part entre les théories scientifiques qui se succèdent au cours de l'histoire. C'est la fameuse "rupture épistémologique"
4. aucune philosophie (traditionnelle), prise individuellement (ni l'empirisme ni le rationalisme, ni le matérialisme, ni l'idéalisme) n'est capable de décrire adéquatement les théories de la physique moderne. C'est le "polyphilosophisme" ou la "philosophie du non".
Dans son ouvrage essentiel : Le nouvel esprit scientifique (1934), Gaston Bachelard opère un dépassement du débat empirisme/rationalisme, tout comme Karl Popper, deux auteurs que l'on oppose parfois. Pour Bachelard, le matérialisme rationnel se trouve au centre d'un spectre épistémologique dont les deux extrémités sont constituées par l'idéalisme et le matérialisme.
Dans son œuvre, Gaston Bachelard livre une critique sévère de l'inductivisme et de l'empirisme. Le fait scientifique est construit à la lumière d'une problématique théorique. La science se construit contre l'évidence, contre les illusions de la connaissance immédiate. C'est en ce sens que Bachelard parle d'une « philosophie du non ». L'accès à la connaissance comme l'histoire des sciences est donc marquée par une « coupure épistémologique », qui opère une séparation avec la pensée pré-scientifique. Produire des connaissances nouvelles, c'est donc franchir des « obstacles épistémologiques », selon l'expression de Bachelard qui parle aussi de rupture épistémologique.
Pour Bachelard, toute connaissance est une connaissance approchée : « Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d'une longue erreur, on pense l'expérience comme rectification de l'illusion commune et première. »
Bachelard plaide pour une épistémologie concordataire. Il considère qu'il faut dépasser l'opposition entre empirisme et rationalisme : « Pas de rationalité à vide, pas d'empirisme décousu ». L'activité scientifique suppose la mise en œuvre d'un « rationalisme appliqué » ou d'un « matérialisme rationnel. »
Ses idées ayant de nombreuses affinités avec celles de Ferdinand Gonseth, il contribua avec celui-ci à la création et au rayonnement de la revue Dialectica.
Dans la deuxième partie de son œuvre, Bachelard se consacre à une étude approfondie de l'imaginaire poétique. Dans un texte resté célèbre, le dormeur éveillé, il déclare : « Notre appartenance au monde des images est plus forte, plus constitutive de notre être que notre appartenance au monde des idées ». Il plaide alors pour les douceurs de la rêverie et se laisse aller aux évocations que lui inspire « la flamme d'une chandelle ».
Bachelard est classé parmi les précurseurs du constructivisme épistémologique par Jean-Louis Le Moigne.
Bachelard reçoit l'influence de trois principaux courants de pensée : l'idéalisme allemand, l'épistémologie française et la psychanalyse.
Bachelard reprend à Kant l'idée que la théorie est antérieure à l'expérience. La connaissance objective est ainsi un processus de rationalisation de l'expérience sensible. Mais il critique le caractère a priori (universellement valide) que Kant assigne aux catégories. Les théories sont majoritairement erronées et la science avance en se corrigeant continuellement.
Il reprend à Hegel l'idée que la rationalité est essentiellement dialectique, c'est-à-dire en mouvement. La connaissance scientifique est un aller et retour permanent entre la raison et l'expérience, et la raison se corrige elle-même, elle ne produit pas des théories figées, mais des théories qui évoluent. Bachelard propose ainsi une définition de la rationalité complexe et subtile, qui suit les articulations de son objet en l'intériorisant. Mais il critique le caractère « clos » de la dialectique hégélienne, qui se referme sur elle-même et forme un système achevé. Il élabore au contraire une raison « ouverte », qui se réforme et qui produit constamment, faisant avancer le savoir humain sans limite définie.
Il réinterprète les notions nietzschéennes de désir, de puissance et d'ascension, qu'il applique à ses psychologies du feu et de l'air.
Bachelard s'inspire du positivisme d'Auguste Comte pour fonder une approche moderniste, méthodique et historique de la science. Il substitue à la loi des trois états sa propre vision du processus scientifique, dont les étapes principales sont le « réalisme naïf », le « rationalisme » et le « surrationalisme » (ou « rationalisme dialectique »).
Il consacre à Lautréamont un livre éponyme, dans lequel il développe sa théorie de la poésie.
Il s'oppose à la conception du temps et du réel de Bergson dans L'Intuition de l'instant (1932) et La Dialectique de la durée (1936). Mais il reçoit l'influence de la philosophie bergsonienne de la mobilité, partout explicite dans L'Air et les songes (1943).
Parmi ses contemporains, la philosophie des sciences de Bachelard est proche de celles de Ferdinand Gonseth et d'Alexandre Koyré.
Bachelard réinterprète les conceptions psychanalytiques de Freud (inconscient, censure, rêve, libido), qu'il utilise à la fois dans son épistémologie (conçue comme une psychanalyse de la raison) et dans sa poétique (conçue comme une psychanalyse de l'imagination).
Il reprend à Jung sa théorie des symboles et sa notion d'archétype. Sa lecture de C. G. Jung mais aussi des surréalistes l'amène à comprendre l'imaginaire et non la perception comme l'origine première de la vie psychique.