La définition d'un anneau de Dedekind adoptée par de nombreux auteurs, et reprise dans l'article Anneau de Dedekind est : anneau (commutatif unitaire) intègre, noethérien, intégralement clos, et dont toutidéal premier non nul est maximal. Nous la reprenons ici, mais nous verrons qu'elle équivaut à celle due à Dedekind (anneau dont tout idéal non nul est inversible), plus adaptée à l'objectif d'un analogue, en termes d'idéaux, du théorème fondamental de l'arithmétique.
Théorème — Les propriétés suivantes sont équivalentes :
A est intègre et tout idéal non nul de A est produit d'idéaux maximaux,
A est intègre et tout idéal de A est produit d'idéaux premiers.
De plus, si A est un anneau de Dedekind, la décomposition de tout idéal non nul en produit d'idéaux premiers est unique (à l'ordre près des facteurs).
: Soit P un idéal premier non nul de A. Le localisé AP étant un anneau de valuation discrète donc principal, il existe un élément t de P engendrant l'idéal P.AP de AP, c'est-à-dire tel que P soit inclus dans t.AP.
Par ailleurs, A étant noethérien, soit (p1, ... , pr) une famille finie génératrice de P. Chaque pi appartient à t.AP, donc il existe dans A un élément a n'appartenant pas à P tel que les (a/t).pi appartiennent à A, si bien que (a/t).P est inclus dans A.
Définissons l'idéal fractionnaireQ = A + (a/t)A et vérifions qu'il est inverse de P. Par construction, Q.P est un idéal de A contenant P. Puisqu'il contient aussi l'élément (a/t).t=a qui n'est pas dans P, et que P est maximal, on en déduit que Q.P = A.
: Raisonnons par l'absurde en supposant 2 vrai et 3 faux. L'hypothèse 2 entraîne que tout idéal premier est de type fini, ce qui est une condition suffisante pour que A soit noethérien. L'hypothèse que 3 est faux permet alors de choisir, dans l'ensemble (supposé non vide) des idéaux non nuls et non inversibles, un élément maximal P. Montrons (pour conclure à l'absurde) qu'un tel P est premier : soient
tels que
et
, montrons que
. Considérons pour cela l'idéal Q = P + aA : il contient strictement P donc il est inversible, et PQ− 1 est un idéal de A non inversible (comme P) et contenant P, donc égal à P (par choix de ce dernier). Or il contient aussi b (puisque P contient bQ). Donc
.
+ unicité de la décomposition en premiers : L'hypothèse 3 entraîne que A est intègre (car les idéaux principaux non nuls sont inversibles) et noethérien (tout idéal inversible étant de type fini). Soit I un idéal non nul de A, montrons qu'il est produit de maximaux. S'il est égal à A, c'est le cas (sous forme d'un produit indexé par le vide). Sinon, soit M1 un idéal maximal contenant I : M1 est non nul donc inversible, et
est un idéal de A contenant strictement I. On construit de cette manière une suite strictement croissante d'idéaux de la forme
qui (par noethérianité) est finie, c'est-à-dire qu'il existe un entier naturel n tel que
, d'où
. Montrons maintenant que si
avec Pi premiers alors m=n et (à permutation près)
. Si m=0 c'est immédiat. Sinon, comme P1 est premier et contient le produit
, il contient l'un d'entre eux, disons par exemple M1 donc (par maximalité de M1) P1 = M1. En multipliant l'équation de départ par
il reste
, d'où (en itérant) le résultat souhaité.
: Immédiat.
: cf
Bourbaki, Éléments de mathématique, AC chap. 5 à 7, Springer (2006) chapitre 7 § 2 exercice 9, ou
Oscar Zariski et Pierre Samuel, Commutative algebra, vol. 1 chap. V § 6 theorem 10, ou encore
théorème 11.149 (attribué à Matusita) dans Aviva Szpirglas, Algèbre L3 : Cours complet avec 400 tests et exercices corrigés , ou dans son extrait, donné en lien externe
(dans ces trois sources, la série d'arguments est la même).
: Sous l'hypothèse 2 (qui entraîne 3, 4, 5, et l'unicité de la décomposition en premiers), on a déjà vu que A est noethérien et intègre. De plus (cf paragraphe Valuation ci-dessous) on peut associer à chaque idéal premier non nul P de A une valuation vP sur K de telle sorte que A soit l'intersection des anneaux de valuation associés. Il est donc intégralement clos (voir l'article Élément entier). Tout idéal premier non nul P est maximal (par existence d'une décomposition en maximaux et unicité de la décomposition en premiers). Ainsi, A vérifie toutes les propriétés requises pour être un anneau de Dedekind.
Il en résulte immédiatement que si A est un anneau de Dedekind alors
le groupe des idéaux fractionnaires inversibles est le plus gros qu'on puisse espérer : il est constitué de l'ensemble Fr (A) de tous les idéaux fractionnaires non nuls, (car un tel idéal est de la forme d-1J = J.(dA)-1 avec J idéal de A non nul de A donc inversible)
le groupe Fr (A) est le groupe abélien libre sur l'ensemble P(A) des idéaux premiers non nuls de A, c'est-à-dire que tout idéal fractionnaire se décompose de manière unique en un produit fini de puissances positives ou négatives d'idéaux premiers, (l'existence d'une telle décomposition pour les idéaux fractionnaires se déduit de celle pour les idéaux, et de l'écriture ci-dessus d'un idéal fractionnaire ; l'unicité également, en se ramenant, par produit, à des puissances positives),
un idéal fractionnaire est un idéal de A si et seulement si toutes les puissances, dans sa décomposition en produit d'idéaux premiers, sont positives (« si » est immédiat, « seulement si » se déduit de la fin du théorème).