Je suis un vrai homme des villes. J’aime l’air libre et les jardins. JCN Forestier, cité par Jean Giraudoux dans Pleins pouvoirs, 1939.
Jean Claude Nicolas Forestier est un grand botaniste. Il a une connaissance horticole pointue (des espèces et de leurs utilisations) qui représente un des piliers de sa nouvelle conception des parcs urbains. Forestier réalise sa carrière en tant qu’urbaniste-paysagiste. Il se distingue nettement par sa conception du projet urbain de l’entre-deux-guerres du mouvement moderne fédéré par Le Corbusier et le CIAM qui mettent en avant les théories fonctionnalistes. Il a souvent été assimilé à un paysagiste « bourgeois et élitiste » qui défend les idées totalitaristes et empiristes de l’époque napoléonienne, du fait de son appartenance à la lignée de Haussmann-Alphand. Mais de ce courant, il ne conserve que la volonté d’embellissement par de grands projets à l’échelle de la ville. Son projet reprend plutôt les idées du parkway de Frederick Law Olmsted. Il souhaite créer un système de parcs, qui apparaît comme une promenade urbaine où chaque espace naturel vient jouer un rôle de halte pour un promeneur. Cette approche, favorisant la marche, s’inspire des théories hygiénistes : la santé par une activité physique en plein air. C’est une approche qui nécessite aussi une opération à grande échelle pour un projet démocratique, démocratie qui est pourtant réticente à ce type de projet.
En découvrant au Maroc les jardins ibérico mauresques traditionnels Forestier va entrer en contact avec une conception totalement opposée de jardins clos et habités, intimes avec l'univers botanique sensuel du climat de l'oranger. Il en fait une théorie et poursuit sa recherche en Andalousie, terre où ces jardins connurent leur apogée médiévale.
Forestier fait entrer le jardin comme élément à part entière d’un projet urbain, comme le jardin andalou est en continuité avec l'habitation. Le jardin est le lieu de vie, du repos, de la méditation. Il va même jusqu’à affirmer que le plan de ville est insuffisant s’il n’est pas complété par un programme d’ensemble et un plan spécial des espaces libres intérieurs et extérieurs, pour le présent et pour l’avenir, - par un système de parcs. Forestier développe une méthodologie. Tout d’abord il faut réaliser un inventaire à grande échelle des espaces libres et des potentialités. Puis il étudie les archives pour comprendre les intentions initiales des concepteurs, les divergences et leurs raisons. Puis Forestier calcule les besoins en fonction du nombre d’habitants : Il y a non seulement à calculer quelle doit être la surface moyenne d’espaces libres à prévoir pour une population déterminée, il faut aussi se préoccuper de leur plus efficace distribution et de leur uniforme répartition. Enfin il confronte les éléments historiques, les contraintes et potentiels actuels et les besoins à venir pour établir son projet.
Il organise les espaces libres selon un classement comportant 7 éléments qui sont hiérarchisé ainsi :
Forestier est un visionnaire à plus d’un titre. Il sensibilise le projet urbain aux questions d’environnement et au respect du site (topographie, réseau hydrologique…). Il développe un schéma global à l’échelle de la ville et propose même un projet inter-départemental. De plus il tire parti des progrès de la botanique pour incorporer de nouvelles variétés aux parcs. Il a une connaissance des jardins tempérés et du climat de transition sud méditerranéen et de leur histoire. Il s’inspire des autres arts (notamment de Monet) pour intégrer l’évolution de la notion de paysage. Forestier est un moderne mesuré qui revisite la tradition savante et archaïque afin d’articuler mémoire et modernité.