Un nouveau militantisme
Les mouvements de malades ne se revendiquent explicitement d'aucune théorie politique prédonnée ou généralisante, et apparaissent comme des réponses pragmatiques à des situations de « crise », mobilisant une éthique du care, l'une des divergences internes à ces mouvements concernant par ailleurs la pertinence d'une recherche des voies éventuelles de leur connexion à d'autres luttes (comme le mouvement des chômeurs, suivant le diagnostic que la précarité entraîne une plus grande vulnérabilité à la maladie).
Affiliations théoriques
Pour autant, et pour ce qui est de la France, le thème de la santé a fait l'objet d'approches philosophiques et sociologiques critiques ayant obtenues une certaine audience dans les années 1970, d'Ivan Illich (Némésis médicale, 1975) à André Gorz (Écologie et politique, 1978) en passant par Erving Goffman (Asiles, 1968 ; Stigmates, 1975), Robert Castel (L'ordre psychiatrique, 1977) ou encore Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique, 1972), notamment à travers leur critique de l'enfermement psychiatrique, qui alimenta en partie le mouvement de l'antipsychiatrie. Dans le même temps la Grande-Bretagne et les États-Unis voient l'émergence des premiers mouvements de personnes handicapées.
La lutte contre le sida
C'est encore à une série de déplacements qui s’était au cours de ces années inscrite dans l'histoire occidentale (de la cause à l’identité, de la révolution au corps, autant de « points de capiton » où se croisaient des stratégies politiques divergentes qui cherchaient alors leur langage) que le militantisme anti-sida renvoie, encore que peu d’acquis des mouvements sociaux de cette époque furent transférables dans l’invention de la réponse à l’événement radicalement nouveau qu’était le sida, qui prenait à revers les discours et les effets de la libération sexuelle. La nouveauté tint ici, selon Daniel Defert, dans « un militantisme découpé par un virus plus que par une cause, une scène sociale que bornent d’abord famille et institution médicale, la découverte de l’émotionnel et du ressenti dans l’inscription sociale, la prise de parole sur soi dans l’espace public alors que le soi est souvent indicible dans un champ d’interdits et de normes ». Elle s'illustra notoirement par une dimension esthétique de la lutte forte.
Références, liens internes et externes
- Voir Comment rendre la santé publique ?, revue Cosmopolitiques, n°14, mars 2007
- Voir Martial Calvez, « Le risque comme ressource culturelle dans la prévention du sida », in Jean-Pierre Dozon et Didier Fassin (éds), Critique de la santé publique. Une approche anthropologique, Paris, Éditions Balland, 2001.
- François Buton, « Sous l’empire des risques sanitaires : les métamorphoses de la santé publique », Savoir/agir, no 5, 2008
- Voir, à un niveau général, le point de vue de l'économiste Patrick Dieuaide sur ce qu'il définit comme la « politique des savoirs » (2004).
- Ainsi,
- Le Pôle « Suspension de peine », né à l’initiative d’Act Up-Paris en novembre 2002, veut promouvoir une application effective et égalitaire de la suspension de peine pour raison médicale.
- L'Observatoire du droit à la santé des étrangers, collectif d’associations, entend dénoncer les difficultés rencontrées par les étrangers dans les domaines de l’accès aux soins et du droit au séjour pour raison médicale.
- Aux États-Unis, les malades du sida font face à ce que le sociologue Gilbert Elbaz appelle la « criminalisation de la séropositivité ».
- Sites de/sur
- l'Association Française contre les Myopathies
- la Fédération des maladies orphelines
- la Fédération Nationale des Associations d'Insuffisants Rénaux (FNAIR)
- l'Association d'Information et de recherche sur les maladies Rénales Génétiques (AIRG)
- la dialyse
- « Drogues : ce qu'expérimenter veut dire » par Stany Grelet et Aude Lalande (2006)
- Voir sur le site de la revue Prescrire, le Collectif Europe et Médicament (et l'Association pour sa Coordination ACCEM), ou encore Philippe Pignarre, « Imposer une responsabilité sociale aux multinationales. Mettre les labos pharmaceutiques sous contrôle », L'Autre Campagne, La Découverte, 2007.
- Crise de la sécurité sociale, « système fini face à une demande infinie » : le point de vue de Michel Foucault sur les droits des usagers de la santé (1983)
- Voir Relation médecin-patient — et sur la question de cette relation, deux articles de Georges Canguilhem, « Une pédagogie de la guérison est-elle possible ? » et « La santé, concept vulgaire et question philosophique » réunis dans ses Écrits sur la médecine, Seuil, 2002.
- Comme c'est le cas pour l'épidémie de sida, et la bataille des médicaments génériques.
- Voir par exemple le site de TAC, Treatment Access Campaign
- ou encore le site de la la Coalition Internationale des Associations de Lutte contre le Sida (ICASO en anglais)
- Voir Luc Van Campenhoudt, « Le sida comme crise » dans Face au sida (Jacques Sojcher et Virginie Devillers éd.), Revue de l'Université de Bruxelles, 1993.
- « La honte de rater une mort est peut-être encore plus douloureuse que la fin inéluctable avancée. C'est un défi qui nous est lancé à la face et rares sont ceux qui savent trouver les mots et les gestes qui prouvent qu'ils sont vraiment humains. » (Didier Lestrade, Act Up, une histoire, Denoël, 2000, p.317)
- Voir « Précaires en marche » : un article d'Emmanuelle Cosse relatif à 10 ans de mouvements sociaux des précaires, paru en mai 2008 dans le livre américain In the middle of the whirlwind
- « Santé, sécurité et contrôle social » par André Gorz (1978)
- L'influence de Foucault peut se retrouver encore plus tard dans la lutte contre le sida. Voir Philippe Mangeot, « Sida : angles d'attaque », Vacarme, no 29, 2004.
- Voir Philippe Mangeot, « 1983 : identification du sida », Les Revues Parlées. Histoire des Trente 1977-2007, Centre Georges Pompidou, 2007
- Daniel Defert, « Sida et mouvement du corps », Chimères, n°28, 1996, p.87. Voir, comme témoignage de cette nouveauté, les Principes de Denver (déclaration fondatrice de la coalition des personnes atteintes du sida) (1985)
- L'œuvre de l'artiste américain Gran Fury, par exemple, illustre le « détournement de l'art et des médias pour une efficacité politique » de la lutte contre le sida. . Voir encore Act Up-Paris, « Action = Vie », Éditions Jean di Sciullo, coll. « Democratic Books », Paris, 2009, 224 p. : 100 photographies, 120 affiches et interventions graphiques et les textes fondateurs (extraits).
- Voir, par exemple, l'argumentaire du Séminaire « Subjectivité et santé publique » organisé par le Centre Georges Canguilhem, le CERMES et le Centre d'Etudes du Vivant depuis juin 2006, ou celui des Journées sur la philosophie du soin en juin 2009.
- Voir Roland Gori et Marie-José Del Volgo, La santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l'existence, Champs essais, 2009.
- Voir les réflexions et positions du TRT-5 : prise en charge médicale et recherche thérapeutique (1992-2007).
- Voir Désobéissance civile
- Voir la note de lecture Vololona Rabeharisoa, Politix, no 61, 2003 .