Le nickel de Raney est un catalyseur solide utilisé dans de nombreux procédés industriels. Constitué d'une fine poudre grise d'un alliage de nickel et d'aluminium, il a été développé en 1926 par l'ingénieur américain Murray Raney comme solution de remplacement aux catalyseurs utilisés à cette époque dans l'industrie pour l'hydrogénation des huiles végétales. Plus récemment, il est utilisé comme catalyseur hétérogène pour une grande variété de réactions de la chimie organique, le plus souvent pour des hydrogénations. En 1939, Leopold Ruzicka et Adolph Butenandt obtinrent le prix Nobel de chimie pour avoir synthétisé des hormones mâles à partir de cholestérol en utilisant le nickel de Raney comme catalyseur.
Le nickel de Raney est produit en traitant un morceau d'alliage nickel-aluminium par la soude concentrée. Au cours de ce traitement appelé « activation », la majeure partie de l'aluminium de l'alliage est dissous. La structure poreuse qui en résulte possède une surface spécifique très importante, ce qui contribue à son efficacité en catalyse. Le catalyseur est généralement constitué de 85 % de nickel (en masse), ce qui correspond approximativement à deux atomes de nickel pour un atome d'aluminium. L'aluminium qui n'est pas dissous aide à conserver la structure poreuse du catalyseur à l'échelle macroscopique. Sous sa forme activée, c'est un matériau pyrophorique qui doit être manipulé sous atmosphère inerte sous peine de subir des blessures.
Même si l’appellation « Raney » est la plus courante, c’est une marque déposée de W. R. Grace and Company, et seul celui produit par la division Grace Davison peut porter ce nom. Pour les catalyseurs possédant des propriétés physiques et chimiques similaires à celles du nickel de Raney, les termes les plus couramment utilisés sont des noms imagés tels que « spongy nickel » (« nickel spongieux ») ou « skeletal nickel » (« squelette de nickel » ) qui illustrent la structure de ce solide.
Murray Raney a obtenu son diplôme d'ingénieur en mécanique de l'université du Kentucky en 1909. En 1915, il est embauché par la société Lookout Oil and Refining Company au Tennessee, société dans laquelle il est responsable de l'installation des cellules d'électrolyse destinées à la production d'hydrogène pour l'hydrogénation des huiles végétales. À cette époque, le catalyseur utilisé dans l'industrie pour cette hydrogénation est à base d'oxyde de nickel II. Raney, croyant qu'il est possible de créer un catalyseur plus efficace, commence à mener des recherches indépendantes à partir de 1921 tout en continuant à travailler pour Lookout Oil. En 1924, il produit un alliage nickel-silicium en proportions égales, qui s'avère après traitement à la soude cinq fois plus efficace que le meilleur catalyseur utilisé alors pour l'hydrogénation de l'huile de graines de coton. En décembre 1925, il dépose un brevet pour cette découverte.
Juste après cette première découverte, Raney fabrique un nouvel alliage nickel-aluminium en proportions égales, en suivant la même procédure que celle utilisée pour l'alliage nickel-silicium, notamment le traitement à la soude. Les essais effectués montrent alors que ce nouveau catalyseur est encore plus efficace, et Raney remplit une demande de dépôt de brevet en 1926. Le choix de proportions égales pour le nickel/aluminium est tout à fait fortuit et ne repose sur aucune base scientifique réelle. Cependant, cette composition est toujours, en date de 2008, celle qui est la plus utilisée pour la production de nickel de Raney.
Suite au développement du nickel de Raney, d'autres alliages contenant de l'aluminium ont été étudiés, les plus importants contenant du cuivre, du ruthénium ou du cobalt. Des recherches ont montré par ailleurs que l'ajout d'un troisième métal (promoteur) au binaire permet d'augmenter le pouvoir du catalyseur. Les promoteurs les plus couramment utilisés sont le zinc, le molybdène et le chrome. Plus récemment, un nickel de Raney énantiosélectif a pu être préparé en utilisant de l'acide tartrique qui s'adsorbe en surface du catalyseur.