Peste de Marseille (1720) - Définition

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Bilan et conséquences économiques

La ville de Marseille comptait avant la peste, au début de 1720, environ 90 000 habitants. Le nombre de décès provoqués par cette épidémie varie suivant les estimations. Il se situerait entre 30 et 35 000 morts pour certains, tandis que d'autres retiennent le chiffre de 40 000 pour la ville et 50 000 pour la ville et son terroir réunis.

Cette perte de population est rapidement compensée en trois ou quatre ans seulement. Un tel phénomène s'explique par la chute de la mortalité et une poussée importante de la natalité liée à une multiplication de mariages mais aussi et surtout par une immigration en provenance des régions proches (actuel département des Alpes-de-Haute-Provence) ou lointaines. L'immigration a réparé la plus grande partie des pertes.

Pour l’économie le coup d’arrêt est brutal car le port est fermé trente mois et les fabriques arrêtées. Mais les conséquences dues uniquement à la peste sont difficilement identifiables car elles s'enchevêtrent avec celles provoquées par l'effondrement du système de Law. Il est cependant évident que la paralysie du port a eu des répercussions multiples sur l'économie. À cela s'ajoute une méfiance des ports envers celui de Marseille qui ne prend fin qu'en 1724, bien après la fin de l'épidémie en 1722.

Les responsables de l'épidémie et les intervenants

Durant cette épidémie plusieurs personnes interviennent pour apporter une aide matérielle ou morale à la population particulièrement éprouvée. Les diverses responsabilités relatives à la propagation de la peste sont difficiles à établir avec précision et impartialité.

Personnalités civiles

Le Grand-Saint-Antoine aurait dû effectuer sa quarantaine à l'île de Jarre conformément à une instruction de 1716 et n'aurait jamais dû débarquer directement ses marchandises aux infirmeries car le navire avait connu plusieurs décès à bord durant son retour vers Marseille. Pourquoi la réglementation n'a-t-elle pas été respectée et quelles sont les diverses responsabilités ?

À l'époque, la première personne mise en cause est le capitaine Chataud. Il sait très probablement que la peste était à bord de son navire mais il fait une déclaration conforme à la réglementation, sans cacher les décès survenus durant la traversée. Il est cependant écroué le 8 septembre 1720 au château d'If et ne sera libéré que le 1er septembre 1723, bien que sa non-culpabilité ait été admise depuis longtemps.

Le deuxième personnage qui fait l'objet de nombreuses controverses est le premier échevin de la ville de Marseille, Jean-Baptiste Estelle, qui est propriétaire d'une partie de la précieuse cargaison. Cette marchandise dont la valeur est estimée entre 300 et 400 000 livres appartient pour les deux tiers à un grand nombre de petits propriétaires, le reste, soit le tiers de la valeur, se répartissant à parts égales entre quatre propriétaires dont Estelle. Le premier échevin est donc propriétaire d'une marchandise d'une valeur d'environ 25 000 livres, somme certes élevée mais non considérable pour un négociant de cette importance. Estelle est tout d'abord soupçonné de trafic d'influence auprès des intendants de la santé aussi bien pour son propre compte que pour les autres négociants. Grâce au soutien de l'intendant Lebret, il sera reconnu innocent par le roi en 1722 qui lui octroie des lettres de noblesse et lui accorde une rente annuelle de 6 000 livres. Estelle ne bénéficie pas longtemps d'une telle faveur car il décède peu après le 16 janvier 1723 à l’âge de 61 ans. La responsabilité éventuelle de certaines personnes dans l'origine de l'épidémie ne doit pas faire oublier le grand dévouement des échevins et celui de leurs collaborateurs.

Le vœu des échevins
Vitrail de la basilique du Sacré-Cœur

Les intendants sanitaires ont probablement une lourde responsabilité. En effet ils sont juges et parties : non indépendants par rapport aux négociants et au pouvoir municipal, ils se sont probablement laissés fléchir pour adopter des règles moins rigoureuses pour la mise en quarantaine des marchandises du Grand-Saint-Antoine. Par ailleurs le laxisme généralisé peut s’expliquer par la non-propagation de maladies contagieuses pendant une soixantaine d'années. Le manque de discipline au sein des infirmeries a entraîné une sortie en fraude de tissus contaminés provenant notamment de diverses pacotilles appartenant à l'équipage. Ce sont très probablement ces tissus sortis en fraude des infirmeries qui ont propagé la peste.

Parmi les personnalités civiles, la figure qui se détache le plus est celle du chevalier Roze qui, nommé capitaine du quartier de Rive-Neuve, organise le ravitaillement et engage tous ses biens pour trouver du blé. L'épisode du nettoiement du quartier de la Tourette est le plus célèbre. La modestie du chevalier Roze l’empêchera de faire valoir ses mérites.

Enfin parmi les personnalités civiles il ne faut pas oublier les médecins qui, malgré une science balbutiante à l'époque, se sont sacrifiés. Le nom du docteur Peyssonnel doit être rappelé mais il faut aussi se souvenir que vingt-cinq chirurgiens sur trente moururent. De même une centaine d'adolescents servirent comme infirmiers et succombèrent en grand nombre.

Ecclésiastiques

Mgr de Belsunce consacrant la ville de Marseille au Sacré-Cœur de Jésus.
Vitrail de la basilique du Sacré-Cœur à Marseille.

La personnalité religieuse la plus connue est l’évêque de Marseille, Mgr de Belsunce. Si la qualification de comportement héroïque peut paraître trop forte, il ne faut pas oublier son dévouement infatigable. Face à cette épidémie sans précédent, il décide de rendre visite aux malades en leur administrant les derniers sacrements. On le vit aussi distribuer d'abondantes aumônes afin de soulager ses ouailles. Sur les conseils d'Anne-Madeleine Rémusat, il décide le 1er novembre 1720 de consacrer la ville au Sacré-Cœur de Jésus au cours d'une cérémonie expiatoire sur le cours qui porte aujourd'hui son nom. L'évêque célèbre la messe tête nue, pieds nus et un flambeau à la main.

Le 31 décembre 1720, il organise une procession générale sur les fosses communes situées pour la plupart à l'extérieur des remparts ; la bénédiction est donnée à chacune de ces fosses. Afin d'apporter une aide matérielle aux malades, il aliène une grande partie de son patrimoine.

Plus de deux-cent cinquante religieux, un cinquième d'entre eux, comme le père jésuite Millet succombent à l'épidémie en soignant et portant secours aux pestiférés. Malheureusement ces attitudes courageuses ne sont pas généralisées. Ainsi les moines de l'abbaye Saint-Victor se renferment derrière les murailles de leur monastère et se contentent d'envoyer quelques aumônes. De même les chanoines de l'église Saint-Martin, qui sera démolie au XIXe siècle pour la réalisation de la rue Colbert, se réfugièrent à la campagne.

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