Rabîndranâth Tagore - Définition

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Œuvres

Les initiales de Tagore en bengali, inscrites dans un sceau de bois, montrent de proches similitudes avec les motifs employés dans les sculptures traditionnelles haida. Tagore agrémentait souvent ses manuscrits de telles figures.

La réputation littéraire de Tagore est principalement fondée sur ses poèmes. Toutefois, il est l'auteur d'un nombre important de romans, essais, nouvelles, récits de voyage, drames et de milliers de chansons. A la fin de sa vie, il s'adonna également à la peinture. Parmi ses œuvres en prose, ce sont sans doute les nouvelles qui recueillent le plus d'estime ; on lui doit notamment la genèse du genre en langue bengalie. Ces œuvres sont fréquemment remarquées pour leur nature rythmée, optimiste et lyrique. De telles histoires s'inspirent de sujets simples en apparence : la vie de gens ordinaires.

Poésie

Romans

Tagore a écrit huit romans et quatre romans courts (novella), parmi lesquelles Chaturanga (Quartet), Shesher Kobita (Farewell my Friend), Char Odhay, et Noukadubi (Le Naufrage).

  • Ghare Baire (La maison et le monde) dénonce - à travers le prisme du zamindar idéaliste Nikhil - l'émergence du nationalisme indien, le terrorisme, le zèle religieux dans le mouvement Swadeshi. C'est une franche expression des sentiments conflictueux de Tagore, qui ressortirent après un accès de dépression en 1914. Quoi qu'il en soit, ce roman se termine sur une scène de violence sectaire entre musulmans et hindous, et la blessure (probablement mortelle) de Nikhil.
  • D'une certaine manière, Gora partage le même thème, en amplifiant les questions controversées au sujet de l'identité indienne. Comme dans Ghare Baire, les questions de l'identité personnelle jāti, de la liberté individuelle et de la religion sont développées autour d'une histoire familiale et d'un triangle amoureux.
  • Jogajog (Liaison) est une autre grande histoire dans laquelle l'héroïne Kumudini, liée par l'idéal de Shiva-Sâti (Dâkshâyani) est déchirée entre la pitié pour la faillite de son frère aîné progressiste et compatissant et son mari, exploiteur, avare et patriarcal. Tagore montre là ses vues féministes, usant du pathos pour dépeindre la situation critique des femmes bengalies, piégées par la grossesse, le devoir et l'honneur familial. Simultanément, il évoque la décadence de l'oligarchie des propriétaires terriens.

D'autres romans sont plus réjouissants :

  • Shesher Kobita constitue son roman le plus lyrique, entrecoupé de poèmes et de passages rythmés composés par le personnage principal (un poète). Il contient toutefois des éléments de satire et de post-modernisme. Des personnages-types s'en prennent unanimement à la réputation d'un vieux poète démodé à la renommée accablante qui incidemment passe par le nom de Rabindranath Tagore. Pourtant ces romans demeurent parmi les moins appréciées de ces œuvres. Elles ont cependant bénéficié d'un regain d'intérêt à travers les adaptations cinématographiques de réalisateurs comme Satyajit Ray ; c'est le cas pour Chokher Bali et Ghare Baire. Dans leurs bandes originales figurent des extraits de son Rabindra sangeet.

Non-fiction

Tagore est aussi sorti du champ de la fiction et a écrit sur des sujets aussi variés que l'histoire de l'Inde ou la linguistique. À côté de ses œuvres autobiographiques, ses journaux de voyages, essais et conférences ont été compilés dans de nombreux volumes, au nombre desquels on peut citer Iurop Jatrir Patro (Lettres d'Europe) et Manusher Dhormo (La religion de l'Homme).

Pièces de théâtre

Âgé de 16 ans, Tagore expérimente pour la première fois le théâtre en tenant le rôle principal dans une adaptation par son frère Jyotirindranath du Bourgeois gentilhomme de Molière.

  • À 20 ans, il écrit son premier opéra dramatique Valmiki Pratibha (Le Génie de Valkimi), qui relate comment le bandit Valkimi amende son comportement, est béni par Sarasvatī et compose le Rāmāyana. À travers cette œuvre, Tagore explore avec vigueur un large palette de style et d'émotion dramatiques, recyclant par exemple des kirtans et des adaptations de mélodies populaires anglaises et irlandaises comme des chansons à boire.
  • Une autre pièce célèbre, Dak Ghar (Le Bureau de Poste), raconte comment un enfant qui s'efforce d'échapper à un étouffant confinement finit par "tomber endormi" (ce qui suggère sa mort physique). Cette histoire remporta un succès international, recevant des critiques enthousiastes en Europe, traite avec les mots de Tagore de "liberté spirituelle" dans "un monde d'abondance thésaurisée et de croyances certifiées". Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le médecin et éducateur polonais Janusz Korczak choisit de monter "Le bureau de Poste" avec les orphelins dont il s'occupe dans le ghetto de Varsovie. Cela se passe le 18 juillet, moins de trois semaines avant leur déportation dans le camp de la mort de Treblinka. Selon son principal biographe en anglais, Betty Jean Lifton, dans le livre Le Roi des Enfants, le Dr Korszak avait en haute estime la capacité de chacun à déterminer le moment et la manière de mourir. Il est possible qu'il ait essayé de trouver avec cette pièce de théâtre un moyen pour les enfants de son orphelinat d'accepter la mort.

Ses autres pièces, mêlant étroitement courant lyrique et rythme émotionnel chevillés à une idée centrale, diffèrent de tous les drames bengalis antérieurs. Elles cherchent à articuler, selon les propres mots de Tagore « le jeu des sentiments et non de l'action ».

  • En 1890 il compose Visarjan (Sacrifice), considéré comme son meilleur drame. Ses premiers drames composés en langue bengalie comportent des intrigues secondaires et des monologues étendus.
  • Chandalika (Jeune fille intouchable) est construit d'après une ancienne légende bouddhiste, dans laquelle Ananda (le disciple de Gautama Bouddha demande de l'eau à une jeune fille Adivasi ("intouchable").
  • Enfin Raktakaravi (Red Oleanders, Les lauriers-roses rouges) compte parmi ses plus fameux drames : c'est l'histoire d'un roi kleptocrate qui s'enrichit en obligeant ses sujets à extraire des minerais. Nandini, l'héroïne, parvient finalement à rallier les gens ordinaires pour détruire les symboles de l'assujettissement.
  • Parmi les autres pièces de Tagore on peut citer Phalguni (Le cycle du printemps)Chitrangada (Chitra), Raja (The King of the Dark Chamber) et Mayar Khela.

Les drames dansés tirés des pièces de Tagore sont couramment désignés comme les Rabindra Nritya Natya.

Nouvelles

La période "Sadhana" de Tagore, qui se situe entre 1891 et 1895, tient son nom d'un de ses magazines dans lequel il publia nombre de ses nouvelles. C'est une des plus fécondes, au cours de laquelle sont écrites plus de la moitié des histoires contenues dans le recueil en trois volumes Galpaguchchha (A Bunch of Stories, Bouquet d'histoires), recueil qui en comprend 84. Il demeure une des recueils les plus populaires de la littérature bengalie, inspirant de nombreux films à succès et pièces de théâtre (certaines publiées en français dans Epousailles et autres histoires et Le vagabond et autres histoires).

Ces histoires sont souvent prétexte à Tagore pour des réflexions sur son environnement, sur des idées modernes et à la mode, ou encore sur des jeux de l'esprit (auxquels Tagore s'adonnait pour tester son intelligence). Tagore associait ses premières histoires (comme celles de la période "Sadhana"), avec une exubérance de vitalité et de spontanéité : ces caractéristiques sont intimement reliées à sa vie dans les petits villages de Patisar, Shajadpur et Shidala, entre autres, tandis qu'il administrait les grands domaines familiaux. Là, il contemplait la vie des pauvres et des gens ordinaires. Il porte alors un regard pénétrant dans l'examen de ces vies, une singularité dans la littérature indienne jusqu'alors.

  • Dans Le vendeur de fruits de Kaboul, Tagore s'exprime à la première personne, comme citadin et romancier qui rencontre par hasard le marchand afghan. Il tente d'instiller le sentiment de nostalgie ressenti par ceux retenus longtemps prisonniers du confinement mondain et tâtonnant de la vie urbaine en Inde, rêvant d'une autre vie dans les montagnes lointaines et sauvages. « C'était des matins d'automne, à l'époque des conquêtes des rois d'antan ; et moi, frissonnant depuis mon petit quartier de Calcutta, je laissais vagabonder mon esprit à travers le vaste monde. Au simple nom d'un autre pays, mon coeur bondissait vers lui... Il me fallait m'abandonner au tissage d'un trame onirique : les montagnes, les vallées, la forêt... » De nombreuses autres histoires de Galpaguchchha sont écrites durant la période Sabuj Patra, de 1914 à 1917, ainsi nommée d'après un des magazines de Tagore.
  • La nouvelle controversée de Tagore, Nastanirh (Le nid brisé), est à la base du scénario de Charulata, le film de Satyajit Ray.
  • Dans Atithi (également adapté au cinéma), le jeune brahmane Tarapada est accueilli à bord du bateau d'un zamindar (propriétaire terrien) en croisière d'agrément. Le garçon révèle qu'il a fui sa maison pour entamer une longue errance. Le prenant en pitié et s'attachant à lui, le zamindar l'adopte et va jusqu'à arranger quelques mois plus tard, le mariage avec sa propre fille. Mais la nuit qui précède la noce, Tarapada fugue à nouveau.
  • Strir Patra (La lettre de l'épouse) est au sein de la littérature bengalie une des premières descriptions de l'émancipation montante des femmes. Mrinal, l'héroïne, mariée à un bourgeois bengali patriarcal typique rédige une lettre tandis qu'elle est en voyage. Dans sa lettre (qui constitue la nouvelle), elle détaille la petitesse de sa condition et ses luttes. Elle conclut en déclarant qu'elle ne retournera pas au domicile conjugal par ces mots : Amio bachbo. Ei bachlum, c'est-à-dire "Et je veux vivre. Là, je vis".
  • Dans Haimanti, Tagore s'en prend au mariage hindou et à la morne existence des femmes mariées bengalies, à l'hypocrisie qui afflige la bourgeoisie indienne. Haimati, une jeune femme sensible, doit se résoudre à sacrifier sa vie, à cause de sa liberté de penser. Dans le dernier passage, Tagore attaque directement la coutume indienne de glorifier la tentative d'auto-immolation de Sita pour se disculper aux yeux de son époux Rama.
  • Il décrit aussi les tensions entre hindous et musulmans dans Musalmani Didi, un texte qui à bien des titres résume l'essence de l'humanisme de Tagore.
  • Dans un tout autre registre Darpaharan met en avant la tendance de Tagore à l'introspection, en décrivant un jeune-homme nourrissant des ambitions littéraires. Bien qu'aimant sa femme, il souhaite étouffer sa carrière littéraire, la jugeant peu féminine. Il semble que Tagore ait lui-même eu de telles vues dans sa jeunesse. Darpaharan décrit l'humiliation finale de l'homme à travers l'acceptation des talents de son épouse.
  • Jibito o Mrito a donné aux Bengalis un de leurs épigrammes les plus en usage : Kadombini moriya proman korilo she more nai ("Kadombini est morte, prouvant ainsi que non").

Musique

"Dancing Girl", une encre sur papier non datée de Tagore

Tagore a été un musicien prolifique. Il est le compositeur d'environ 2 230 morceaux, au nombre desquels son Rabindra Sangeet (রবীন্দ্র সংগীত—"Chant de Tagore"), désormais partie intégrante de la culture bengalie. Sa musique est indissociable de son œuvre littéraire, puisque les paroles de ses chansons sont très souvent des extraits de ses romans, histoires ou pièces. D'abord influencées par le style thumrî de la musique classique hindoustanie, elles explorent toute la gamme des émotions humaines, de ses premiers chants funèbres - tels que les hymnes de dévotion Brahmo - jusqu'à des compositions quasi-érotiques. Elles empruntent la couleur tonale des ragas classiques dans des proportions variables. Dans certains cas, ces chansons adoptent scrupuleusement la mélodie et le rythme d'un raga donné, dans d'autres il se permet d'assembler des éléments de différents types de ragas pour créer des formes novatrices.

Pour les Bengalis, l'attrait de ces chansons, produit par l'effet conjugué de leur puissance émotive et de leur beauté, surpasse même la poésie de Tagore. Au point que le magazine londonien Modern Rewiew fait observer qu'« au Bengale il n'y a pas un foyer cultivé où les chansons de Tagore ne sont pas chantées ou au moins tentées de l'être... Même les villageois illettrés les entonnent ». Le critique musical Arthur Strangways de The Observer est le premier à introduire des non-Bengalis au Rabindrasangeet avec son livre The Music of Hindostan (La musique de l'Hindoustan), où il le décrit comme le "médium d'une personnalité... [qui] va puiser dans l'arrière-plan de tel ou tel système musical, pour transporter à une telle beauté du son qui surpasse tous les systèmes." Avec l'hymne national du Bangladesh Amar Shonar Bangla (আমার সোনার বাঙলা) et celui de l'Inde Jana Gana Mana (জন গণ মন), Tagore est le seul à avoir jamais écrit les hymnes nationaux de deux pays. À son tour, le Rabindra Sangeet a influencé la manière de jouer de musiciens tels que le grand maître de la sitar Vilayat Khan et les sarodiyas Buddhadev Dasgupta et Amjad Ali Khan.

Dessin au pastel de R.Tagore inspiré d'un masque de Malanggan du Nord de la Nouvelle-Irlande.

Peinture

Âgé de soixante ans, Tagore se remet au dessin et à la peinture. Cette entrée tardive en peinture s'explique par l'admiration qu'il vouait à l'œuvre picturale de son neveu, le peintre Abanindranath Tagore. Longtemps, il se limita donc à employer son œil artistique pour sa propre calligraphie, embellissant les gribouillis, les rayures et la disposition des mots de ses manuscrits avec de simples leitmotivs artistiques, dont des motifs purement rythmiques. Quand il se résolut à prendre les pinceaux, il fut, comme pour ses autres disciplines, très prolifique. Plusieurs expositions réussies de ses œuvres ont lieu en Europe, d'abord à Paris, encouragé par des artistes rencontrés dans le Sud de la France.

Il a été avancé que Tagore était atteint de protanopie (une forme de daltonisme) ou d'une déficience partielle dans le discernement des couleurs (rouge-vert dans le cas de Tagore). Il peignait en effet dans un style caractérisé par des singularités dans les ordonnancements esthétiques et picturaux.

Parmi ses nombreuses inspirations dans des genres divers, on peut noter celui de l'art du peuple Malanggan du Nord de la Nouvelle-Irlande, des sculptures haida de la côte ouest du Canada ou des gravures sur bois de Max Pechstein.

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