Dans la région marocaine des Doukkala, dans l'arrière-pays d'El-Jadida, à 90 km au sud de Casablanca, existent, à proximité des douars, des cabanes entièrement en pierre sèche, appelées tazotas. Leur inventeur est l'ethnologue Sergio Gnesda, auteur d'une monographie à leur sujet publiée en 1996 par l'association CERAV.
Dans la région, le terme tamazight tazudea ou tazoda signifie « bol », « écuelle renversée » . Effectivement, ces cabanes sont d'une forme qui peut rappeler un bol renversé. Par ailleurs, le terme n'est pas sans rappeler le mot espagnol pour « tasse » : tazota.
En épierrant les terres rocailleuses, les paysans font de petits monticules de pierres calcaires blanchâtres ou rousses. Ils les emploient ensuite à l’édification de murs de séparation, d’enclos, de cabanes en pierre sèche (tazotas), et de couvertures de silos enterrés (toufri) .
Les Doukkala sont une plateforme du crétacé, d’une altitude moyenne de 80 mètres. On y trouve une pellicule de limon sur un sous-sol karstique. Les roches découvertes que l’on voit sont du calcaire cénomanien.
Le sol rougeâtre, léger, siliceux, dit hamri, se dessèche rapidement. Sans être d'une grande fertilité, la terre est apte à la culture pourvu que la pluie soit abondante.
Il semble que la morte saison des activités agricoles ait été consacrée à l'édification de ces bâtiments.
La durée du chantier, d’après des propriétaires de tazotas, depuis le choix des pierres jusqu’à son achèvement, pouvait être d'un an.
Le maâllem (le maître maçon) mettait de côté des pierres, sélectionnant parmi les pierres rapportées des champs celles qui lui semblaient les meilleures. Puis une chaîne d’hommes (environ 8) se faisaient passer les pierres et rejetaient celles qui n’avaient pas la bonne densité.
Ces maâllem étaient vraisemblablement des spécialistes de ce type complexe de construction.
Les tazotas composées d’une seule pièce ressortissent de deux types de formes architecturales.
En règle générale on a un tronc-de-cône simple, ou cylindre à fruit, avec à l’intérieur une pièce voûtée par encorbellement. Les parois ont entre 1,20 m et 2,50 m d'épaisseur.
Plus rarement, la forme est celle deux troncs-de-cônes ou cylindres à fruit de taille dégressive, superposés. Le tronc-de-cône inférieur est prolongé par un massif donnant une façade rectiligne. Le tronc-de-cône supérieur est percé, dans l’axe de l’entrée, d’une lucarne carrée d’environ 50 cm de côté. L’entrée et la lucarne sont surmontées d’un linteau en pierre ou, parfois, en bois.
Les tazotas ont des ressemblances morphologiques avec certaines cabanes en pierre sèche à degré(s) du pourtour méditerranéen.
Les tazotas comportent latéralement un ou deux escaliers pour monter sur le rebord du tronc-de-cône inférieur, et un seul pour monter au sommet du tronc-de-cône supérieur. Parfois, l’escalier est entre deux tazotas jumelées.
Ces escaliers facilitaient l’ascension et le travail lors de l'étape de l'édification, puis l'accès à la terrasse pour faire sécher des produits agricoles (à l'abri de la poussière du sol et en profitant de l'ensoleillement et des pierres surchauffées). Ils servaient aussi au remplissage de l'intérieur : en effet, après avoir rempli de paille ou de foin la pièce, on en bouchait l'entrée avec des pierres et l'on poursuivait le remplissage par la lucarne du niveau supérieur. La terrasse permettait aussi de surveiller les alentours.
Le sommet des tazotas est légèrement arrondi car recouvert d'une couche de gravier et d'une couche de terre en guise de protection contre les infiltrations d’eau. Dans certaines tazotas, la pierre qui coiffe la voûte peut être basculée pour permettre l’aération.
Les tazotas ont en général une hauteur de 2,5 à 3 mètres, mais il en existe de plus hautes.
La base est constituée de moellons pouvant supporter une charge de plusieurs tonnes. Les plus belles pierres sont utilisées pour le tour des ouvertures, les chaînages d'angle, et les marches d'escalier. Dans la partie supérieure, le poids des moellons est celui qu’un homme peut porter en gravissant les marches extérieures.
L’entrée, d'élévation trapézoïdale, est étroite (environ 70 sur 160 cm). Le linteau et les arrière-linteaux sont constitués de grands blocs placés côte à côte. Un couloir mesurant au maximum 2 m de longueur, permet d'accéder à l'intérieur tout en empêchant la chaleur d'entrer.
L'orientation de l'entrée semble dépendre de la position de la tazota.
La paroi intérieure s’incurve légèrement au fur et à mesure qu’elle monte pour former, à partir du deuxième degré, une voûte d'encorbellement au sommet fermé par une dalle taillée. Dans cette voûte, les pierres de chaque assise ont une inclinaison vers l'extérieur qui permet d’évacuer les infiltrations d'eau de pluie. Ces pierres sont plates, il n’y a aucune trace de coups de ciseau ou de massette.
Les tazotas n'ont pour ainsi dire pas de niches murales. La plupart des rares niches observées ont été faites postérieurement à l'édification, par l'extraction de pierres de la paroi.
Le sol intérieur est brut, sans dallage, en terre battue, et parfois le rocher y affleure.
On peut estimer qu’une tazota courante représente un volume de 100 m3, soit l’épierrage d’un champ de 250 m², et une masse de 300 tonnes. Compte tenu des différentes manipulations des moellons, deux personnes déplaçaient donc 10000 kg de pierres par jour, pendant trois mois.
Certaines tazotas se dressent à l'écart du logis, tandis que d'autres sont accolées au bâtiment principal. Il existe, en outre, des tazotas isolées dans la campagne.
On trouve souvent deux tazotas jumelées.
Les tazotas forment souvent un ensemble entouré d'un enclos et associé à un douar habité ou abandonné.
Il existe, dans la commune de Sebt Dwit, un ensemble de sept tazotas, deux jumelées et cinq autres accolées à angle droit : deux d’un côté et trois de l’autre. Ce groupe de cinq tazotas est remarquable car il possède à l’étage un poste d’observation et un chemin de ronde pour surveiller les récoltes contre les voleurs.
Le toufri (terme berbère signifiant « cache » ou « lieu de conservation ») est un édifice composite consistant en une nef en pierre sèche recouvrant une rampe creusée dans le sol pour accéder à une galerie souterraine transversale, destinée à la conservation des grains.
Il est généralement associé à un ensemble de tazotas.