Controverse sur la brevetabilité du logiciel - Définition

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La controverse sur la brevetabilité du logiciel est un débat sur la pertinence de la possibilité de poser un brevet sur un logiciel, ou sur une invention présente ou alléguée dans un logiciel.

Cet article tente de recenser les différents arguments, l'article brevetabilité du logiciel, étant quant à lui une description factuelle de celui-ci.

Les arguments contre la brevetabilité du logiciel

Arguments techniques

Un droit relatif au brevet logiciel est difficile à mettre en oeuvre. Ils auraient pour conséquence une rupture antropologique[réf. nécessaire], ce qui pose un problème au législateur.

  1. Le principe des brevets a été conçu à une époque où l'information représentait peu de chose par rapport à la fabrication. Dans le domaine du logiciel les deux notions sont confondues, on ne peut différencier le savoir et sa mise en oeuvre. Il n'y pas de différence fondamentale entre une idée et sa mise en œuvre informatique, il suffit de faire appel à des techniques et outils largement connus et répertoriés.
  2. Les informaticiens considèrent que tout programme complexe est localement trivial, ou du moins facilement réalisable par un praticien du domaine ; depuis les débuts de l'informatique les principales techniques, algorithmes et méthodes de stockage, méthodes d'accès aux données et de communication entre les programmes et les procédures, qui constituent le cœur de tout logiciel, ont été décrites et répertoriées. Ces techniques sont par exemple documentés dans des ouvrages encyclopédiques de référence tels que The Art of Computer Programming de Donald Knuth. Il arrive que les brevets dits novateurs soient une simple application de ces techniques dans de nouveaux domaines comme Internet (exemple : one-click-shopping breveté par Amazon et qu'il a fallu une décision de justice pour invalider après des années de procédure). Accorder un brevet logiciel équivaudrait à accorder un brevet sur idée, sauf si le brevet impliquait une divulgation du code source complet (qui est l'équivalent de la divulgation d'un procédé industriel, contrepartie de sa protection), ce qui n'est pour le moment pas le cas.
  3. Un employé du bureau des brevets ne peut déterminer la valeur de certains brevets logiciels que s'il est programmeur lui-même, et ainsi bien au fait des pratiques de la profession qui évoluent très rapidement. (Compétence des employés du bureau des brevet)
  4. Le nombre de brevets croit de manière exponentielle, il est difficile pour un examinateur de passer en revue l'ensemble de ces brevets, sans parler des lignes de programmes qui sont écrites sans être brevetés.
  5. Un logiciel moderne comprend des dizaines ou centaines de milliers de lignes de code et vérifier qu'aucun brevet n'existe transformerait une course de fond en course d'obstacles, d'autant que les bureaux de brevets ne demandent plus de prototype prouvant la validité du brevet. De plus la formulation des brevets peut être large, imprécise et utiliser un jargon afin de masquer l'aspect trivial d'une invention, comme le montre Richard Stallman dans The anatomy of a trivial patent, 2000).

Liste de brevets triviaux

Dans un domaine complexe et mouvant comme l'informatique, il ne semble pas exister de moyen infaillible de distinguer ce qui est innovation réelle de ce qui ne l'est pas. De nombreux brevet logiciels suscitent la controverse, aussi bien pour le principe que pour la façon dont on les accorde; par exemple, les inventeurs de la transformée de Fourier rapide, qui est actuellement utilisée dans de nombreux appareils industriels, ou de l'algorithme de Boyer-Moore ne sont pas brevetées.

Les brevets suivants sont en revanche considérés comme triviaux pour des programmeurs normaux[1] :

  • chez Microsoft : la navigation au clavier sur Internet ;
  • le double clic ;
  • la barre de progression ;
  • la boutique web est brevetée[2] : Le commerce en ligne, les onglets Musique, Film ou Livre, la gravure en magasin, l'envoi d'offres en réponse à une requête, etc. ;
  • l'anti-spam.

Liste de brevets invalidés par décision de justice

La justice considère que les brevets suivants sont triviaux et n'auraient jamais du être acceptés.

  • Le shopping en un clic d'Amazon.com[3]

Arguments sur l'innovation

Les brevets logiciels ont été détournés de leur finalité initiale : les brevets logiciels ne soutiennent pas l'innovation mais des querelles stériles d'experts entourés d'une armée d'avocats.[réf. nécessaire] Ils coûtent cher aux vrais innovateurs.[réf. nécessaire]

  • Ce mode de fonctionnement désavantage les petites entreprises, les développeurs indépendants et surtout les développeurs de Logiciel libre ou Open source qui constituent de plus en plus un moteurs d'innovation dans ce domaine.[réf. nécessaire] Pour mémoire, une société comme IBM dépose 10 brevets par jour[4] : même si tous ne concernent pas le logiciel, aucune PME ne peut suivre un tel rythme de surveillance[réf. nécessaire] (a contrario, IBM donne aussi parfois des brevets à la communauté du libre[5]).
  1. Compte tenu de la difficulté de vérifier l'état de l'art existant, la décision finale de la validité d'un brevet est implicitement laissée à la justice ;
  2. Déposer, défendre, ou se défendre contre un brevet coûte cher. Les grandes multinationales sont, de ce fait, largement avantagées.
  3. Ils peuvent servir à préempter un domaine particulier et à y bloquer l'innovation, empêchant des concurrents d'y entrer.[réf. nécessaire]
  4. Des formats de fichiers sont ainsi bloqués pour vingt ans (GIF de Compuserve); des protocoles de communication le sont aussi, ce qui rend difficile l'interopérabilité d'un produit avec des réalisations de ses concurrents. Les entreprises détentrices peuvent, de ce fait, maintenir leurs prix artificiellement hauts.[réf. nécessaire]
    1. D'autres laissent un concurrent prendre en charge les coûts de recherches, importants dans le domaine du logiciel puis déposent un brevet qui l'empêche d'exploiter son investissement. Cette entreprise est mise en grande difficulté.[réf. nécessaire]
  5. Les grandes sociétés informatiques se sont constitué d'immenses portefeuilles de brevets qui constituent une arme de défense.[réf. nécessaire] L'exemple le plus connu est celui de SCO essayant de faire mainmise sur la propriété intellectuelle du code Linux. Les accords de non-belligérance, ou des accords de licences croisées existent (Microsoft et Lotus disposent de tels accords pour leurs produits de bureautique)[réf. nécessaire].
  6. De petites sociétés dédiés à l'exploitation des brevets logiciels se sont constituées. Ces sociétés se constituent des portefeuilles de brevets, ce que certains appelle les brevet mines[6] et attendent que l'innovation vienne d'un grand groupe ou de l'état.[réf. nécessaire] Ces sociétés n'auraient pour seule raison d'exister que de permettre de faire des procès[7].

Argument économique

Le brevet logiciel freine le développement du logiciel libre et des petites structures.[réf. nécessaire] Il nuit au gouvernement lui-même.[réf. nécessaire]

  1. Les brevets logiciels ne bénéficieront pas à l'Europe car près de 3/4 des brevets logiciels accordés par l’OEB sont détenus par des pays extra-européens[8].
  2. Beaucoup de gouvernements européens qui utilisent le logiciel libre n'ont rien à gagner à proposer des lois qui les rendraient hors-la-loi.[réf. nécessaire]
  3. Désavantageant les PME/PMI, les brevets logiciels portent atteinte au dynamisme économique.[réf. nécessaire]
  4. Les brevets sont incompatibles avec les Logiciels libres et/ou Open source et, en particulier, Linux. Or, ces logiciels seraient une chance pour les pays dont l'industrie logicielle est en retard, autant que pour l'Europe elle-même, dont le marché est dominé par les éditeurs américains.

Action de pré-publication

Certains inventeurs ont intentionnellement pré-publié leurs inventions, les sortant du champs du brevetable.[réf. nécessaire]

Le système d'implémentation de hashs de taille variable en Perl aurait pu obtenir un brevet, de l'avis des spécialistes qui se sont penchés dessus[réf. nécessaire]. Larry Wall a fait le choix de mettre le code source correspondant dans le domaine public, renonçant à ses droits.

Une grande partie des inventions logicielles sont d'origine universitaire. Ces logiciels étant financés par l'État, il serait normal de les publier et de les faire ainsi tomber dans le domaine public afin que chacun puisse les utiliser librement.[réf. nécessaire]

Les arguments en faveur de la brevetabilité du logiciel

Arguments généraux en faveur de tous les types de brevets d'invention

Le brevet permet de publier un travail, de rendre public les méthodes de fabrication tout en interdisant l'exploitation par d'autres. Il n'y a donc jamais de secret de fabrication.

  • Chaque français peut directement déposer une demande de brevet d'invention à l'INPI, contre paiement d'une taxe de 35 euros.

Il est cependant recommandé de s'adjoindre les services d'un cabinet conseil pour rédiger une telle demande, (coût approximatif: 1 500 euros pour un petit brevet en mécanique) à moins de s'investir personnellement dans la compréhension de la propriété industrielle. Bon nombre d'inventeurs choisissent cette option. (source voir sous: http://ep.espacenet.com ) ( si le nom du déposant est indentique au nom de l'inventeur, et si aucun mandataire n'y figure, c'est que l'inventeur à déposé lui-même son brevet)

  • Après le dépôt, l'invention est protégée dans tous les pays du monde pour une durée d'un an. Après cette période, l'inventeur doit déposer une demande de brevet dans chaque pays où il souhaite continuer à être protégé et les montants à payer sont alors plus importants.
  • Grâce à son brevet, l'inventeur bénéficie d'une période d'exclusivité commerciale de 20 ans et il peut alors exploiter lui-même son brevet ou le négocier.
  • Après la période de 20 ans, le brevet échoit et tout le monde peut faire un usage gratuit de l'invention.
  • Une demande de brevet peut être négociée de la même manière qu'un brevet qui est déjà délivré !

Une fois qu'un brevet est publié (18 mois après le dépôt), chacun peut :

  • en prendre connaissance,
  • l'utiliser gratuitement pour son usage personnel,
  • le copier,
  • le modifier,
  • l'intégrer dans d'autres logiciels,
  • le perfectionner,
  • faire breveter les perfectionnements.
  • interdire à quiconque de commercialiser lesdits perfectionnements, y compris au propriétaire du brevet copié,
  • commercialiser le brevet copié, munis desdits perfectionnements, une fois que ledit brevet copié est tombé dans le domaine public.

En droit français, tout brevet non exploité trois ans après la date de délivrance peut faire l'objet d'une licence obligatoire à un tiers qui le demande[9].

Les arguments neutre sur la brevetabilité du logiciel

Arguments divers des brevets logiciel dans le monde

Le monde est divisé quant à la brevetabilité du logiciel. Certains pays accordent des brevets à des logiciels, dont les États-Unis le Japon et le Royaume-Uni, mais d'autres le refusent.

En 1994, les pays membres de l'OMC ont ratifié les accords ADPIC qui doivent faire entrer les logiciels dans le champ des inventions brevetables.

Dans tous les pays du monde les brevets accordés (logiciels ou autres) peuvent éventuellement être déclarés caducs lors d'une procédure juridique ultérieure en cas de conflit.

En Europe

En Europe, en revanche, les logiciels sont actuellement protégés par une autre forme de propriété intellectuelle, le droit d'auteur (autrement utilisé pour les œuvres de l'esprit comme les écrits ou la musique). Cela signifie que le code d'un logiciel reste la propriété de celui qui l'écrit, mais que l'idée sous-jacente (l'algorithme) peut être utilisée par quelqu'un d'autre, tant qu'il ne commet pas directement ou indirectement un plagiat. Cette disposition rassure ceux qui accordent une grande importance à l'interopérabilité des différents logiciels.

Néanmoins, l'article 9 de la Directive européenne (91/250/CEE) concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur stipule que " Les dispositions de la présente directive n'affectent pas les autres dispositions légales concernant notamment les brevets, les marques, la concurrence déloyale, le secret des affaires, la protection des semiconducteurs ou le droit des contrats. " L'applicabilité du droit des brevets n'est donc pas du tout exclue.

Le droit européen des brevets est donné par la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen, dont l'article 52[10] dispose que :

Inventions brevetables :
(1) Les brevets européens sont délivrés pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle.
(2) Ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1 notamment :

a) les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
b) les créations esthétiques ;
c) les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateurs ;
d) les présentations d’informations.
(3) Les dispositions du paragraphe 2 n’excluent la brevetabilité des éléments énumérés auxdites dispositions que dans la mesure où la demande de brevet européen ou le brevet européen ne concerne que l’un de ces éléments, considéré en tant que tel.

Une nouvelle version de la CBE (Convention pour le brevet européen, ou convention de Munich) a été négociée et entre en vigueur le 13 décembre 2007.

Lorsque le demandeur voit sa demande de brevet rejetée, il peut faire appel. Des dizaines de décisions des chambres de recours de l'OEB ont donc étées prises concernant la brevetabilité des logiciels créant peu à peu une jurisprudence.

Les décisions suivantes sont considérées comme étant marquantes et représentatives de la position de l'OEB[11] quant à la brevetabilité ou non des logiciels :

  • VICOM T 208/84,
  • IBM T 38/86,
  • SOHEI T 769/92,
  • IBM T 1173/97 et T 935/97,
  • Hitachi T 258/03.

Une proposition de directive réglementant le brevet logiciel en Europe a été votée au Parlement européen en septembre 2003, mais, suite à un désaccord avec le Conseil des ministres, devait y passer en seconde lecture à l'automne 2004. C'était sans compter sur la position de la Pologne. Sa prise de position contre le projet de directive élaboré par le Conseil a suspendu la majorité qualifiée. Le vote a été repoussé par la Pologne lors de la réunion des ministres de l'Agriculture du 24 janvier 2005. Le 2 février 2005, la Commission juridique du Parlement européen demande à la Commission européenne de récrire sa proposition de directive et le 10 février, suite à un vote du parlement néerlandais, la directive est retirée du programme du Conseil des ministres européen du 17 février 2005. Finalement, le 6 juillet 2005, le Parlement européen a rejeté la position commune du Conseil des ministres avec 648 votes pour le rejet et seulement 14 contre. La Commission européenne avait annoncé auparavant qu'en cas de rejet par le Parlement, elle ne représenterait pas le texte.

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