Introduction
L’ancienne abbaye de Marche-les-Dames (ou encore abbaye Notre-Dame du Vivier) se trouve à Marche-les-Dames, à une dizaine de kilomètres en aval de la ville de Namur (Région wallonne de Belgique) sur un ruisseau (rive gauche) qui se jette directement dans la Meuse. Fondée en 1103 la communauté de moniales se rallia à l’ordre cistercien un siècle plus tard. L’abbaye fut officiellement supprimée en 1796. Ses bâtiments furent utilisés par après - et jusqu’à ce jour - par différentes œuvres ou associations de l’Église.
Origine (légende ?)
- Un chronique sérieuse mais non authentifiée fait remonter l’origine de l’abbaye à un groupe de dames, épouses de chevaliers partis en croisade à la suite de Godefroid de Bouillon (1095). Ces dames se rassemblent dans une simple chapelle de Marche-sur-Meuse qu’elles font rapidement reconstruire en une église plus adéquate. Pendant deux ans elles y prient pour le retour victorieux de leurs maris. À la fin de la croisade (1099) celles dont le mari n’est pas revenu s’installent à demeure à Marche - qui devient ‘Marche-les-Dames’ - et y fondent la première communauté monastique. La fondation est richement dotée par les chevaliers de Godefroid, remerciant ainsi la Vierge Marie pour leur retour victorieux au foyer.
- L’église du monastère est consacrée en 1103 : date qui marque la fondation officielle de l’abbaye. Comme durant des travaux de fondations on découvre une statue de la Vierge Marie dans une pièce d’eau le monastère est consacré à Notre-Dame du Vivier.
Différents occupants successifs
Les bâtiments passent au diocèse de Namur qui en gère les occupations successives :
- Après le décès de la dernière moniale cistercienne les sœurs de Saint Vincent de Paul occupent, pendant quelques années, les locaux de l’ancienne abbaye.
- En 1875, les ursulines de Cologne leur succèdent. Elles arrivent d’Allemagne chassées par le Kulturkampf, et ouvrent à Marche-les-Dames un pensionnat pour jeunes filles. Les religieuses allemandes rentrent dans leur pays au début de la Première Guerre mondiale (1914).
- Des carmélites françaises (non-cloîtrées) les remplacent en y ouvrant une institution pour jeunes filles orphelines de guerre. Une formation professionnelle est donnée à partir de 1924. Les activités d’enseignement cessent en 1965, et l’ancienne abbaye devient une maison de repos et d’accueil pour dames convalescentes. En 1969, l’abbaye et son site sont classés.
- De 1972 à 1980 l'IATA, de Namur, (Institut d’enseignement des arts, techniques et de l’artisanat) y a son internat.
- En 1981, les Petites Sœurs de Bethléem, une communauté monastique de religieuses contemplatives (de spiritualité cartusienne) y forment communauté. Elles quittent les lieux pour s’installer à Opgrimbie en 2000.
- En 2000 l’abbaye devient une des Madonna house fondée par un mouvement d’apostolat laïc fondé au Canada mais de caractère international. L’endroit devient un centre d’écoute et une maison d’accueil. Cela ne dure pas, cependant. En 2008 le diocèse de Namur est de nouveau à la recherche de locataires qui pourraient donner une nouvelle vie à cette ancienne et belle abbaye...
Histoire de l’abbaye cistercienne
XIIe et XIIIe siècles
- Peu de chose est connu du développement de la communauté primitive. Les premiers documents que l’on en possède datent du XIIIe siècle. Le passage de saint Bernard dans la région en 1146 (lors de la prédication de la deuxième croisade) a sans doute encouragé les moniales à adopter la règle cistercienne. En 1236, en tous cas, le monastère fait partie de l’ordre cistercien, et la première abbesse cistercienne s’appelle Ivette.
Abbaye cistercienne
Des personnalités - quelques noms seulement - émergent de ces temps obscurs de l’histoire :
- Une abbesse Marie en 1273
- 1291 : abbesse de Helwy
- 1330 : abbesse Clarisse de Bawegny
- 1340 : abbesse Marie de la Malaise
- 1392 : abbesse Ponche de Modave
- 1402 : abbesse Marguerite de Boen
Réforme du XVe siècle
- Après une période de décadence (à l’instar de tout le mouvement monastique) et de grande précarité l’abbaye revient à une discipline religieuse plus stricte grâce à l’abbesse Marie de Bervier (+1447) et de son groupe. Marche-les-Dames acquiert une réputation de ferveur et de réforme. L’abbaye essaime et soutient le renouveau, entre autres, à Soleilmont près de Fleurus.
- Marie II de Tournai, mourut en 1460.
- Marie III de Herstal (1460-1486) modernise l’abbaye en y installant un système de circulation des eaux. En 1480 elle obtient également la protection solennelle de l’archiduc Maximilien d’Autriche et Marie de Bourgogne (acte du 14 août 1480).
- Marie IV de Hustin (1486-1504) dirige l’abbaye durant une période trouble faite de conflits entre les ducs de Bourgogne et la principauté de Liège. L’abbaye n’échappe pas aux conséquences de la guerre.
XVIe et XVIIe siècles
- Catherine de Hodeige (1504-1531)
- Jacqueline de Houtain (1531-1565) dont la pierre tombale est conservée.
- Marie V de Dave (1565-1579)
- Jeanne Baduelle (1579-1602) a de l’influence auprès de la cour d’Espagne et obtient de Philippe II une importante exemption de taxes qui devaient être payées sur des fermes (Tillier, Namêche, Wartet) dont elles n’obtiennent plus de revenus car saccagées par des troupes de passages. Cela a peut-être sauvé l’abbaye de l’insolvabilité. La splendide pierre tombale de Jeanne Baduelle est préservée dans le cloître de l’abbaye.
- Clémence de Castro (1602-1635), d’origine espagnole, fait beaucoup pour le développement de la vallée. Les nouvelles techniques de forge à battre le fer et moulins à eau amènent la prospérité. Sur une vasque en pierre (de 1620) près du vivier, une inscription lui rend hommage : « Clémence, mère et dame de ce noble couvent, a rendu nouvelle vie à ce ruisseau d’argent ».
- Anne de Jamblinne (1635-1658)
- Christine de Hinnisdael (1658-1682)
- Catherine Woot de Trixhe (1682-1706) dirige l’abbaye durant la difficile fin de siècle. Le siège de Namur en 1692 fut particulièrement dévastateur pour toute la région des alentours. Les vivres se font rares. Charles II d'Espagne répond généreusement aux suppliques des moniales qui sont au bord de la disette.
XVIIIe siècle
- Le long abbatiat de Marguerite de Bulley (1706-1722) est une période de renaissance. Le monastère est restauré et embelli. L’église est rénovée et enrichie de magnifiques ornements, chandeliers et vases sacrés.
- Constance de Bulley succède (par élection) à sa sœur (1722-1743)
- Louise de Fumal (1743-1769) continue la restauration, comme en témoigne l’épitaphe de sa pierre tombale qui est conservée et peut se voir dans le cloître. En 1750, de nouvelles stalles sont installées dans le chœur de l’église.
- Dame Marie-Joseph de Boron est la dernière abbesse de Marche-les-Dames (1769-1809). Ses armes sont encore visibles près de la porte d’entrée. Le bassin d’eau que l’on voit devant l’entrée des bâtiments - dernier embellissement - porte son nom et la date de 1772.
Suppression et expulsion
- Un premier orage fut la suppression de l’abbaye sous le régime autrichien (1783): les ordres contemplatifs étant considérés comme ‘inutiles à la société’. Les moniales partent en exil en Westphalie, à Essen, où elles fondent un couvent. Elles rentrent cependant à Marche-les-Dames.
- En 1796, en application du décret du 1 septembre, elles sont expulsées par les révolutionnaires ; leurs biens sont confisqués. Pour contrer une propagande républicaine qui veut faire croire qu’elles avaient reçu dans la joie cette ‘libération de leur chaînes’, les moniales rédigent une protestation solennelle : « Unanimement devant le ciel et la terre nous déclarons que nous avons en horreur la suppression dont on nous menace et que nous n’aimons rien tant que de pouvoir observer les saints et rigides engagements que nous avons contractés par notre profession et de pouvoir vivre et mourir dans notre état… » L’abbaye est vendu comme bien national.
- Des amis rachètent l’abbaye pour permettre aux religieuses d’y revenir. Les quelques survivantes s’éteignent l’une après l’autre. La dernière, sœur Scholastique Baudhuin, meurt en 1856, à l’âge de 87 ans.