Le château de Beaumesnil est situé dans la commune de Beaumesnil, département de l’Eure, en Haute-Normandie.
Une partie du château et du parc fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 20 décembre 1966.
Description
De la forteresse élevée au XIIIe siècle, il ne subsiste, pour la mémoire, qu’une motte couverte d’un labyrinthe végétal qui matérialise l’emplacement d’une ancienne tour talutée.
Rare exemple de château d’époque Louis XIII (l’essentiel de la construction, dirigée par l’architecte Jean Gallard, se situe entre 1633 et 1640), la demeure actuelle, contemporaine de la fontaine Médicis et de l’hôtel de Sully, porte l’empreinte de la Renaissance finissante, mais on y trouve aussi la marque de courants nouveaux, venus d’Italie (style florentin) et de Hollande. Les matériaux utilisés sont la brique et la pierre. La brique, bon marché, était produite en grande quantité en Normandie mais, pour remédier aux éventuels défauts de fabrication, il était d’usage de renforcer les parties les plus fragiles avec de la pierre.
Côté ouest, l’entrée principale est précédée par un pont, une vaste cour formant terrasse et un escalier de x marches aboutissant à mi-hauteur entre le sous-sol et le premier étage. Venant du parc, côté est, on franchit un autre pont qui débouche sur un double escalier donnant directement sur le premier étage. L’ensemble comprend :
un avant-corps central surmonté d’un lanternon, symbole de puissance où deux feux signalaient toute la nuit aux alentours l’emplacement du château ;
un corps de logis rectangulaire comportant trois travées de part et d’autre de l’avant-corps, où se trouvaient les appartements des maîtres de maison et les pièces réservées aux invités de marque ;
deux pavillons latéraux, ajoutés au XVIIIe siècle, où on logeait les personnes de moindre importance ;
Le logis se compose de quatre niveaux : un sous-sol, deux étages et un étage de combles.
Sur les façades, construites par les Frères Martin et Toussaint La Flèche, c’est la ligne verticale, soulignée notamment par la hauteur des baies et des cheminées, qui domine. La décoration est assez chargée : chaque baie, chaque fenêtre, chaque lucarne est surmontée d’un fronton cintré ou triangulaire dont le centre est occupé par un mascaron inspiré des masques de la Commedia dell'arte. Le motif répétitif d’un M et d’un D entrelacés rappelle les initiales de la première propriétaire (Marie Dauvet Des Marets). On note l’association de trois couleurs : le bleu de l’ardoise, symbole du ciel, le blanc de la pierre, couleur royale, et le rouge de la brique, couleur des empereurs romains.
Le grand escalier d’honneur est entièrement logé dans l’avant-corps. Au niveau inférieur du corps de logis, qui abrite un musée de la reliure, se trouvent :
une pièce de rangement dans laquelle on entreposait notamment les bûches et le vin à servir le jour-même ;
la cuisine avec sa cheminée monumentale, à l’intérieur de laquelle les cuisiniers pouvaient circuler, un puits, un coussiège (sorte de banc en pierre construit dans le renfoncement des fenêtres) qui permettait de profiter de la lumière naturelle pour effectuer des travaux de couture ; la cuisine est directement reliée au premier étage par un escalier de service.
Au second niveau, on découvre successivement :
La bibliothèque
Le Grand Salon
la bibliothèque, dans laquelle on conserve un extrait des minutes de l’interrogatoire de Ravaillac, exposé dans une vitrine ; un tableau représente Marie de Médicis (le grand-père de l’épouse du premier propriétaire fut un de ses ministres) ; au-dessus de ce tableau, on lit la devise des Montmorency ; le carrelage rouge reprend différents emblèmes de cette famille (l’aigle, le lion, le trèfle à quatre feuilles au milieu d’une branche de laurier et la croix des Croisés) ;
le Grand Salon en partie Louis XV, avec, au centre, des sièges dits « courants » (qu’on déplaçait fréquemment), recouverts de tissus aux motifs de fables de La Fontaine et de personnages exotiques et, le long des murs, des sièges cannés dits « meublants » (qu’on ne déplaçait pas), dont on recouvrait l’assise d’une galette en hiver; un paravent à quatre pans protégeait des courants d’air la personne installée sur le lit de repos, meuble confortable souvent utilisé pour la conversation ; la cheminée est décorée d’une coquille Saint-Jacques au naturel ; des lambris, sculptés dans les parties supérieures, sont présents sur les quatre murs ; le tapis, qui recouvre une grande partie du parquet, était roulé et rangé quand la pièce n’était pas utilisée ; au-dessus de la cheminée, la glace est composée de cinq éléments car la technique française du début du XVIIe siècle ne permettait pas encore la fabrication d’une grande surface d‘un seul tenant ; au plafond, la partie centrale, peinte en bleu, est encadrée par un bandeau d’ornement.
une salle à manger, dont le sol est carrelé, comme dans la bibliothèque, aux armes des Montmorency; des tapisseries ont été posées par la suite mais la règle voulait qu’il n’y ait pas de tissu accroché aux murs en raison du risque d’imprégnation des odeurs ; de même, la cheminée a été ajoutée au XIXe siècle ; avant, elle n’avait pas sa place dans ce type de pièce ;
les appartements de Madame, dont une chambre dans laquelle on reconnaît un portrait d’Henriette de France, reine d’Angleterre; le secrétaire était équipé d’un dispositif ingénieux : l’ouverture du cylindre déclenchait le déplacement de la tablette et le retrait de celle-ci commandait la fermeture du cylindre ; le décor d’un dessus de porte est agrémenté de brins de muguet.
un petit bureau.
Les niveaux supérieurs ne sont pas ouverts à la visite.
Le domaine de 80 ha (il atteignait près de 3 000 ha au XVIIIe siècle) comprend également :
à l’est, un parc traversé par une longue allée dans le prolongement du château, bordée symétriquement par des carrés de pelouse et, au-delà, par une zone boisée ; il fut à l’origine réalisé par Jean-Baptiste de La Quintinie ;
au nord, des jardins à la française dits « la demi-lune » et « les quatre saisons » ; ils sont parsemés de statues ;
une vaste pièce d’eau entourant complètement le château et la motte féodale qui s’y reflètent ; ces sortes de douves sans fonction défensive sont agrémentées de jets d’eau ;
à l’ouest, des communs et une ferme situés de part et d’autre de l’allée qui mène du portail à la cour d’honneur.
On y trouvait aussi une glacière, chaque domestique devant deux jours de corvée en hiver pour récupérer de la glace aux alentours.