Une application de
comme représentation de 1 se trouve dans la théorie des nombres élémentaire. En 1802, H. Goodwin a publié une observation sur l'apparition des 9 dans les développements décimaux périodiques de certaines fractions dont les dénominateurs sont certains nombres premiers. Par exemple :
, et
.
et
.
E. Midy a démontré en 1836 un résultat général sur ce genre de fractions, maintenant connu sous le nom de théorème de Midy. La publication était obscure, et il n'est pas clair si sa démonstration impliquait directement
, mais au moins une démonstration moderne par W. G. Leavitt s'appuie sur cette représentation de
. Si l'on peut démontrer qu'un développement décimal de la forme
est un nombre entier, alors ce doit être
. Ceci est la source du théorème. Les recherches dans ce sens peuvent motiver des recherches sur les PGCD, l'arithmétique modulaire, les premiers de Fermat, l'ordre des éléments de groupe et la réciprocité quadratique.
Positions de
et de
dans l'ensemble de Cantor
Pour retourner à l'analyse réelle, l'analogue en base
:
joue un rôle-clef dans la caractérisation de l'une des fractales les plus simples, l'ensemble de Cantor des tiers médians :
un point dans l'intervalle unité
fait partie de l'ensemble de Cantor si et seulement si on peut le représenter en base
en n'utilisant que les décimales
et
. Ceci signifie que l'on va éliminer successivement tous les développements contenant un
, soit le tiers médian du dernier intervalle conservé.
La
e décimale de la représentation reflète la position à la
e étape de la construction. Par exemple, le point
est donné par la représentation usuelle
, car il est supérieur au tiers médian de
, et inférieur au tiers médian de tous les intervalles conservés ultérieurement. Le plus intéressant ici est que
appartient à l'ensemble de Cantor, parce que sa représentation comme
ne contient pas de
.
Les suites de
apparaissent encore dans un autre des travaux de Cantor. Il faut les prendre en compte pour construire une démonstration valable de ce que l'intervalle réel unité est non-dénombrable, en utilisant son argument de la diagonale, de 1891. Ce genre de démonstration doit pouvoir déclarer que deux réels sont différents, sur la base de leurs développements décimaux, et il faut donc éviter des doublets comme
et
. Une simple méthode représente tous les nombres avec des développements infinis ; une autre exclut les suites infinies de
. Une variante qui peut se rapprocher de l'argument original de Cantor utilise en fait la base 2, et par la conversion du développement en base 3 en base 2, on peut aussi démontrer la non-dénombrabilité de l'ensemble de Cantor.
Généralisations
Le résultat que
se généralise facilement dans deux directions. Premièrement, tout nombre non-nul avec une notation décimale finie (ce qui signifie qu'il a ensuite indéfiniment des zéros), a une autre notation avec infiniment de 9 à la fin. Par exemple,
, exactement comme dans le cas que nous avons considéré. Ces nombres sont exactement les « fractions décimales », et elles forment un ensemble dense.
Deuxièmement, un théorème comparable s'applique dans toutes les bases. Par exemple, en base 2, (le système binaire),
, en base 3,
. Les manuels d'analyse réelle ont tendance à sauter le système décimal et à présenter l'une ou l'autre de ces généralisation pour commencer.
D'autres représentations de 1 existent aussi dans des bases non-entières. Par exemple, dans la base d'or, celle qui admet le nombre d'or comme base, les deux représentations standard de l'unité sont
et
, et il y a encore une infinité de représentations, contenant des suites de
adjacents. En général, pour presque tout
entre 1 et 2, il y a une infinité non-dénombrable de développements en base
de 1. Inversement, il y a aussi une multiplicité non-dénombrable de
(dont tous les entiers) pour lesquels il n'y a qu'un développement de 1 autre que le trivial, 1,000... Ce résultat a été obtenu en 1990 par Paul Erdős, Miklos Horváth et István Joó. En 1998, Vilmos Komornik et Paola Loreti ont déterminé la plus petite de ces bases, la constante de Komornik-Loreti
. Dans cette base,
; les décimales sont données par la suite de Prouhet-Thue-Morse, qui ne se répète pas.
Une généralisation bien plus profonde concerne les systèmes de numération positionnels les plus généraux. Ils admettent aussi des représentations multiples, et dans un certain sens, avec de pires difficultés. Par exemple :
Dans le système ternaire équilibré(en)
Dans le système factoriel inversé (utilisant les bases 2, 3, 4, ... pour les positions après la virgule), on a :
Impossibilité d'une représentation unique
Le fait que tous ces divers systèmes de numérations souffrent de représentations multiples pour certains nombres réels peut être attribué à une différence fondamentale entre l'ensemble ordonné des nombres réels et les collections de suites infinies ordonnées en ordre lexicographique. En fait les deux propriétés suivantes rendent compte des difficultés :
Si un intervalle des nombres réels est partitionné en deux parties non-vides L et R telles que tout élément de L est (strictement) inférieur à tout élément de R, alors : soit L contient un élément maximum ; soit R contient un élément minimum ; mais pas les deux à la fois.
La collection de toutes les suites de symboles choisis dans n'importe quel « alphabet », ordonnées lexicographiquement peut être partitionnée en deux parties non-vides L et R, telles que tout élément de L est plus petit que tout élément de R, et ce, de manière que L possède un élément maximum et R un élément minimum. En effet, il suffit de prendre deux débuts de suite avec un nombre donné de symboles, identiques à part leurs derniers symboles, qui se suivent, soient p1 et p2. Puis il suffit de prendre pour L toutes les suites commençant au plus par p1 et pour R toutes les suites commençant au moins par p2. Alors L a un élément maximum : la suite commençant par p1 et continuant avec toujours le symbole le plus grand possible, et R a un élément minimum : la suite commençant par p2 et continuant avec le symbole le plus petit possible à toutes les positions.
La première propriété découle d'une propriété de base des réels : L a un supremum et R un infimum, et ils sont égaux, sinon, il y aurait un intervalle entre les deux, et L,R ne serait pas une partition. Une extension de l'argument montre que ce nombre appartient soit à L, soit à R, sinon, il y aurait 3 parties : L, R et l'extremum commun. Mais ce réel ne peut pas appartenir à la fois à L et à R, qui sont par hypothèse disjoints.
On aura reconnu comment le deuxième point généralise la situation obtenue avec 0,999... et 1,000... Nous n'avons fait nulle part l'hypothèse que le nombre de symboles admissibles soit le même à tous les éléments, ni même qu'ils soient indépendants les uns des autres. Dans ces conditions, la contradiction entre les propriétés énoncées montre qu'il ne peut pas y avoir de correspondance monotone et bijective entre une collection de suites de symboles et un intervalle des nombres réels : soit certains nombres ne correspondent à aucune suite, soit certains correspondent à plus d'une.
Marko Petkovšek a démontré que dans tout système positionnel susceptible de nommer tous les réels, l'ensemble des réels avec des représentations multiples est toujours dense. Il appelle la démonstration « un exercice instructif en topologie des ensembles de points » ; elle implique de considérer des ensembles de valeurs positionnelles, comme des espaces de Stone(en), et de remarquer que leurs représentations réelles sont données par des fonctions continues.