En raison de la croissante conscience des risques de cancer de la peau qui sont dus aux dommages des rayons UV-A et UV-B, les filtres UV sont maintenant retrouvés dans beaucoup de produits de beauté appliqués quotidiennement (crème de jour, gel pour cheveux, stick à lèvres…). On estime que la production annuelle mondiale de ces produits contenant des filtres UV est d'environ 100 000 tonnes. On connait déjà par des études toxicologiques les risques potentiels des filtres organiques sur l'Homme avec une possible pénétration de certains filtres UV organiques, ce qui a mené à la mise en place de réglementations et normes pour l’utilisation des filtres UV dans les produits de beauté qui ne doivent pas excéder en général 10 % en concentration (Directive cosmétique de l’Union Européenne, législation sur les cosmétiques du Japon, Food and Drug Administration des États-Unis sont les principales réglementations et une cinquantaine de filtres UV sont répertoriés dans le monde). Récemment, le souci du devenir de ces filtres dans l’environnement a suscité un intérêt. En effet l’apport direct de filtres UV dans l’environnement par la baignade ou les activités nautiques est supplanté par les apports indirects reliés aux rejets des eaux provenant des stations d’épuration. L’utilisation accrue des produits de beauté contenant des filtres UV engendre un rejet plus important de ces même filtres UV dans les eaux usées suite à une douche ou bien un lavage de vêtements.
Plusieurs études ont évalué les quantités de filtres UV organiques les plus utilisés par l’industrie cosmétique dans différents environnements aquatiques, mais quelques groupes de recherche se sont aussi intéressés à la présence de ces filtres dans le sol et les sédiments et les poissons.
Pour mieux connaitre la source principale des filtres UV dans le milieu aquatique, des échantillonnages dans les lacs ont été faits au printemps, à l'été et au début de l'automne. Les concentrations les plus grandes ont été mesurées au cours de la saison estivale. La majorité des filtres UV proviennent des eaux traitées en sortie des stations d'épuration mais l'été l'apport direct a plus d'impact puisqu'il est démontré qu'il n'y a pas de relation entre les quantités retrouvées et la densité de population qui entoure les lacs.
L'estimation de la quantité totale de filtres UV organiques mis en circulation a été faite par enquête auprès de pharmacies et magasins commercialisant les produits solaires et auprès des personnes fréquentant les aires récréatifs entourant les lacs. Ceci a aussi permis de déterminer les types de filtres UV les plus utilisés pour diriger les recherches. Les concentrations totales mesurées dans les différents lacs sont 10 fois moins importantes que celles estimés par rapport aux enquêtes. La question qui se pose est « Est-ce que l'enquête a fourni une surévaluation ou bien il y a une dégradation dans la colonne d'eau ou même une forte assimilation par les organismes vivants des filtres UV ?».Le comportement des filtres UV organiques a très peu été étudié. Il est possible que ces polluants se dégradent en sous-produits à toxicité plus grande. Une étude récente a montré une dégradation très rapide (2 min) du BZ3 en milieu légèrement chloré (milieu similaire aux eaux de piscine et à l'eau potable) en 5 sous-produits aromatiques et multihalogénés. Pour ce qui est des mesures faites en rivière, elles ont été ponctuelles et principalement les composés du benzophénone ont été ciblés.
Rivière | Lac |
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Benzophenone (BZ) = moy 22 ng/L | butyl methoxydibenzoylmethane (BDM) = <20 à 24 ng/L |
Benzophenone-3 (BZ3)= moy 11 ng/L | BZ3 = <2 à 125 ng/L |
4-methylbenzylidene camphor (MBC) = 6.9 ng/L | MBC = <2 à 82 ng/L |
Ethylhexyl methoxycinnamate (EMC) = <2 à 26 ng/L | |
Octocrylene (OC) = <2 à 27 ng/L |
Les concentrations les plus grandes sont pour MBC et BZ3 et en effet il est retrouvé chez les poissons de lac un maximum de 166 ng/g de lipide MBC. En rivière, les poissons sont prélevés en sortie des stations d'épuration pour obtenir une situation critique et la teneur maximale en MBC est 1800 ng/g de lipide et 2400 ng/g de lipide pour OC.
Des études ont été faites dans les eaux usées et les eaux traitées ainsi que dans les boues dans le but de mieux comprendre le métabolisme anthropique de ces filtres UV organiques.
eaux usées | eaux traitées | boues d'épuration | |
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Octyl-methoxycinnamate (OMC) | 20070 ng/L | 20 ng/L | 110 μg/Kg mat. sèche |
OC | 1680 ng/L | < LOQ | 4834 μg/Kg mat. sèche |
MBC | 960 ng/L | 30 ng/L | 1777 μg/Kg mat. sèche |
Octyl-triazone (OT) | 720 ng/L | < LOQ | 5517 μg/Kg mat. sèche |
Le traitement avec processus biologique est très efficace comparativement à un traitement uniquement mécanique et chimique qui supprime moins de 50 % des polluants organiques.
Très peu d'études ont été menées sur les sols et sédiments mais une équipe de recherche en Corée s'est intéressée à la famille des benzophénones (BZ) et à mesurer une concentration moyenne pour BZ de 4,7 μg/kg sédiment et pour BZ3-3' (2,2'dihydroxy-4-methoxy benzophenone) une moyenne de 0,95 μg/kg sédiment (les concentrations dans les eaux de surface correspondantes sont sous la limite de quantification, LOQ). Leurs recherches sur des sols (parcs, terrains résidentiels et commerciaux) ont trouvé des teneurs du même ordre de grandeur avec une moyenne de 4,6 μg/kg sol pour BZ, 2,6 μg/kg sol pour BZ3 et 1,7 μg/kg sol pour BZ3-3'. Le benzophénone et ses dérivés sont des composés organiques beaucoup moins lipophiles que la plupart des autres molécules organiques utilisées comme filtres UV, il est donc normal de retrouver des concentrations moins importantes dans les matières solides.
Suite aux problèmes dermatologiques rencontrés chez l'humain par certains filtres chimiques, des études toxicologiques ont été menées :
La stimulation de la reproduction n'est pas bénéfique car la population d'escargots maintient un équilibre en régulant sa croissance par cycle annuel et si celle-ci est trop brutale un déséquilibre s'en suit qui peut avoir un impact sur l'écosystème.
Ces organismes sont connus pour bioaccumuler les composés organiques lipophiles, ils sont donc utilisés comme modèle en écotoxicologie. Ils peuvent être une des raisons de la bioaccumulation des filtres chimiques UV chez les poissons qui sont leurs prédateurs.
Plusieurs méthodes analytiques ont été développées pour réussir à obtenir des limites de détection au μg/L et ng/L. Vu la variété de filtres ultraviolet utilisés dans les formulations cosmétiques c'est un challenge de mettre au point une méthode qui peut extraire, séparer et analyser plusieurs molécules organiques avec des groupements fonctionnels différents tout en obtenant une efficacité à mesurer des si basses concentrations.
Méthode classique qui demande un volume d'échantillon assez important (500 mL à 1 L) et qui consiste à concentrer l'analyte sur une phase solide par percolation de l'échantillon puis de récupérer l'analyte avec un solvant assez fort pour le déloger de la phase solide. La phase solide de type C ou polystyrène se présente dans des cartouches de 10 mL ou des disques de 47 mm. Les solvants organiques d'élution peuvent être du dichlorométhane et/ou de l'acétate d'éthyle. L'échantillon peut être purifié par la suite en effectuant une chromatographie sur gel de silice ou une extraction liquide-liquide (LLE). L'analyse peut se faire par chromatographie en phase liquide couplé à un détecteur UV à barrette de diode (LC-UV/DAD) ou par chromatographie en phase gazeuse couplé à un détecteur de spectroscopie de masse (GC-MS). Rendement > 86 %, RSD < 5 % et limite de détection au niveau du ng/L.
Autre méthode classique qui a la même procédure que la SPE si ce n'est que son principe est fondé sur le partage et l'affinité de l'analyte entre la phase aqueuse et la phase organique. Plusieurs solvants organiques d'extraction sont utilisés (pentane, éther diéthylique). Rendement > 74 %, RSD < 4 % et limite de détection au ng/L.
Méthode innovatrice qui consiste à forcer les molécules d'analyte à former des vésicules par ajout de surfactant puis la silice est incorporée à la solution qui va adsorber les vésicules. Le tout est filtré puis l'élution des analytes (par méthanol par exemple) est effectuée pour les récupérer de la silice. Le volume d'échantillon est plus petit que les méthodes précédentes avec 250 mL. L'analyse se fait par LC-UV. Rendement > 96 %, RSD < 5 % et concentration mesurés de l’ordre du μg/L.
Méthode qui montre beaucoup d'avantage, premièrement un volume de 10 mL d'échantillon suffisse, deuxièmement le barreau est recouvert d'une phase polydiméthylsiloxane (PDMS) qui peut se reconditionner une cinquantaine de fois et enfin la récupération de l'analyte se fait par désorption thermal (TD) qui est couplé directement à la GC-MS. Rendement > 98,5 %, RSD < 5 % et limite de détection au niveau du ng/L.
Elles permettent de faire une mesure dans le temps et de donner un indice de bioaccumulation. Ceux sont des membranes de polyéthylène contenant des molécules de trioléine qui ont une forte affinité avec les composés organiques lipophiles.
Cette méthode a pour même principe que LLE mais l'affinité et le partage se font entre un solide et un liquide organique. Le pentane, le dichlorométhane, l'acétone sont des exemples de solvants d'extraction. Il est important de faire une purification sur gel de silice pour éliminer le maximum d'impuretés. L'analyse peut se faire en LC-UV/MSMS et GC-MS. Rendement > 75 %, RSD < 10 % et limite de détection au niveau μg/kg de matière sèche.
La chair des poissons est prélevée et homogénéisée puis extraite avec un solvant organique (pentane, éther, éthanol). Une purification par chromatographie sur gel perméable ou chromatographie d'exclusion stérique suivie d'une chromatographie sur gel de silice est nécessaire pour éliminer les tissus adipeux. L'analyse se fait en GC-MS et la limite de détection est au ng/g de masse lipidique.