Au moment de la Renaissance, le recours au poison pour des motivations illégales et répréhensibles a atteint son point culminant, il est sans doute devenu un outil essentiel pour tout assassin ou meurtrier. Ce pic de popularité du poison dans les cercles criminels était probablement dû, au moins en partie, aux nouvelles découvertes qui avaient été faites sur les poisons. Les alchimistes Italiens ont été les premiers à réaliser, au cours du14ème et du XVe siècle, le potentiel de la combinaison de plusieurs substances toxiques pour créer un effet encore plus puissant que la simple addition des effets de chaque substance prise isolément, et d'autres nouvelles propriétés des poisons sont devenues plus claires. Un nouveau domaine de la science était en train de naître, la discipline connue aujourd'hui sous le nom de toxicologie. Mais la notion de poison, au sein de la société, était tellement étroitement associée à l’idée d’homicide que l'on craignait même de participer à un dîner, de peur que la nourriture ou les boissons ne soient empoisonnées par l'hôte ou l'un des invités.
César Borgia est le fils du Pape Alexandre VI, peut-être l'un des papes dont la légitimité a été la plus contestée, parce qu’il avait utilisé son pouvoir pour promouvoir ses cinq fils à de hautes fonctions. Il avait la réputation être un homme rude et sans pitié, il était craint et on le fuyait. Borgia a été célèbre, non seulement parce qu’il était le fils d'un homme très controversé, mais aussi parce qu'il était connu pour être un meurtrier faisant usage du poison. Dans la citation suivante, Apollinaire décrit ce qu'il considère comme une sorte de " Recette Borgia " utilisée pour l'élimination de ses adversaires :
« La Cantarella. La substance que Borgia utilisait conjointement avec l’arsenic, mais sans le savoir, était le phosphore, un secret qui avait été divulgué aux Borgia par un moine espagnol, qui connaissait aussi l'antidote spécifique, ainsi qu’un antidote pour l'arsenic, on voit donc qu'ils étaient bien armés. »
— Guillaume Apollinaire
Après la mort du père de César Borgia, circulèrent de nombreuses rumeurs colportant plusieurs théories sur la cause de la mort du pape, même si pour la plupart des gens il s’agissait bien d’un horrible meurtre, probablement par empoisonnement. L'idée d’Apollinaire était que le pape avait été empoisonné par le vin qui était en fait destiné à un autre convive, assis à la table du dîner, le Cardinal de corneto. Sanuto a défendu une théorie similaire, au détail près qu’il mentionnait une boîte de sucreries, au lieu du vin. Quelle qu’en soit la cause, la mort du pape a suscité peu de regrets, elle était attendue après le scandaleux exercice de son pontificat. Des preuves historiques donnent à penser que le pape a effectivement été empoisonné de quelque manière que ce soit, car lorsque son corps a été exposé, il était dans un état de décomposition particulièrement avancé. Afin de ne pas donner prise à la suspicion, il n'a été exposé que de nuit et à la lumière des chandelles.
La disparition de César Borgia n'a pas suscité beaucoup de tristesse non plus, du fait de la réputation qu'il s’était lui-même forgée. Toutefois, sa sœur Lucrèce a porté le deuil de cet homme qui avait été accusé de nombreux crimes. Lucrèce a également été considérée comme une meurtrière, elle peut en effet être tenue pour responsable de certains des méfaits de César.
Au XVIe siècle, l'usage du poison est devenu une sorte d'art et, dans plusieurs villes d’ Italie, y compris Venise et Rome, il existait des écoles enseignant les méthodes de l’empoisonnement et l'art qui en était issu. Plus tôt, au quinzième siècle, une guilde des alchimistes et empoisonneurs connue sous le nom de Conseil des Dix a été formée. Cette secte d’empoisonneurs concluait des contrats d’assassinat avec les personnes qui lui donnaient suffisamment d'argent, et généralement toute personne sur la tête de qui un contrat avait été conclu était assassinée, tuée par une dose indétectable de substances létales.
Le Neopoliani MagioeNaturalis est une publication imprimée pour la première fois juste avant 1590 qui détaillait les subtilités de l'art de l'empoisonnement, et les méthodes les plus efficaces pour commettre un homicide à l'aide de poisons. Le moyen le plus efficace de tuer quelqu'un avec du poison, selon cet ouvrage, était de droguer le vin de quelqu'un, une méthode qui était très populaire à l'époque. Un «mélange très fort» préconisé dans le livre était le Veninum Lupinum qui se composait d'un mélange de d’aconit, de taxus baccata, d’oxyde de calcium, d’arsenic, d’amandes amères et de poudre de verre mélangés avec du miel. Le produit final était une pilule dont la taille approximative était celle d'une noix.