Maurice Allais - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Politique

Engagement personnel

Au cours de sa carrière d'enseignant, Allais a pris diverses positions politiques. En avril 1947, il participe aux côtés notamment des économistes libéraux Friedrich Hayek, Ludwig von Mises et Milton Friedman à la réunion de création de la Société du Mont Pèlerin, près de Vevey, en Suisse. Libéral utilitariste, il a cependant refusé de signer le texte constitutif de la Société à cause, selon lui, de l'importance excessive donnée aux droits de propriété. Dans ses Mémoires, George Stigler écrit que « Maurice Allais pensait que la possession privée de la terre était injustifiée », notamment parce qu'il croyait que les taux d'intérêt allaient tomber à zéro, ce qui donnerait une valeur infinie à la propriété immobilière. Les membres de la Société du Mont Pèlerin souhaitaient lutter contre la montée de l'étatisme et restaurer la liberté des échanges telle qu'elle régnait avant 1914.

Il est l'un des premiers des grands intellectuels français à avoir dénoncé dès mai 1962 dans le journal Combat, puis dans son ouvrage L'Algérie d'Evian, les accords d'Évian de mars 1962, qu'il considérait comme un « crime d'Etat » commis par le général de Gaulle envers les Français et les musulmans pro-français d'Algérie. En 1999, dans la 2e édition de son livre, il présente celui-ci comme « l'histoire d'un crime, d'un véritable génocide commis au nom de la France à l'égard de la minorité française et musulmane pro-française d'Algérie » et décrit l'abandon des harkis comme l'« une des plus grandes ignominies, l'une des plus grandes hontes de toute l'Histoire de France ».

À partir de 1994 ("Combats pour l'Europe 1992 - 1994"), Maurice Allais dénonce la politique de libre-échange qu'il appelle "mondialiste". approuvée par l'"Organisation de Bruxelles", en faisant apparaître sur les statistiques du chômage, du taux de croissance et du PIB par habitant, une nette cassure à partir de l'année 1974 au regard de l'évolution observée de 1950 à 1974. Cette politique en faveur du libre-échange est d'après lui - en l'absence de préférence communautaire - la cause de l'accroissement du chômage en France et plus généralement en Europe. Cette thèse est développée dans un ouvrage récent publié en juin 2007 : La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance.

En 2009, il soutient des propositions de réforme du système financier proches de celles mise en avant par Lyndon Larouche. Il dénonce une nouvelle fois ce qu'il appelle « l'aveuglement de la logique néolibérale et de la libéralisation totale du commerce international » en plaidant pour un « protectionisme éclairé. »

Utilisation politique de ses positions

Depuis 1993, le Front national dit s'inspirer des idées d'Allais dans son programme économique (Maurice Allais n'a pas fait de commentaire sur cette appropriation de ses idées).

Il a publiquement pris position contre le traité constitutionnel européen (Maurice Allais, "Aveuglements", Le Monde, 14 mai 2005), et s'est également exprimé sur l'Europe dans l'ouvrage paru en décembre 1995 L'Europe en crise. Que faire?.

L'économiste

Il explique lors de son allocution le 19 octobre 1993, quand il reçoit l'épée d'académicien, sa passion, ses centres d'intérêts en économie en ces termes : « Ma passion pour l'économie, je la dois aux circonstances, aux questions posées par la Grande Dépression dans le monde et par les troubles sociaux de 1936 en France, aux obstacles insurmontables rencontrés à l'époque pour me consacrer à la physique, et enfin aux implications de la seconde guerre mondiale. »

Les principaux thèmes de recherches d'Allais sont l'équilibre des marchés, la théorie du capital, les processus intertemporels (comme les modèles à générations imbriquées popularisés plus tard par Paul Samuelson, qui ont trouvé de nombreuses applications en macroéconomie et en théorie monétaire), la théorie de la décision avec le paradoxe d'Allais, la théorie de la monnaie en reformulant la théorie quantitative de la monnaie, ce qui l'amène à anticiper les modèles de demande de monnaie pour transaction de William Baumol. Maurice Allais développera également le concept de règle d'or de la croissance (Économie et intérêt, 1947) qui sera popularisé par les travaux d'Edmund Phelps. Il démontre que lorsque le taux d'intérêt est égal au taux de croissance la consommation est maximisée.

En 2007, Maurice Allais publie un ouvrage de synthèse sur la mondialisation intitulé La mondialisation : la destruction des emplois et de la croissance, l'évidence empirique dans lequel il conteste l'idée que le développement incontrôlé du commerce mondial soit bénéfique à tous les pays. Sa conclusion est basée sur une analyse statistique des courbes de croissance et de chômage en France entre 1950 et 2000.

La métaphore du voyageur de Calais

Maurice Allais pose la question de savoir « combien coûte un passager monté à Calais dans le train pour Paris ? ».

  • Un contrôleur estimera que la consommation de ressources supplémentaires n'est pas vraiment chiffrable, et sera tenté de répondre presque rien (coût marginal nul).
  • Le chef de train sera plus mesuré : si soixante passagers font comme lui, il faut ajouter une voiture au train. Il sera donc tenté d'imputer 1/60e du coût de la voiture pendant le temps du transport.
  • Le chef de ligne ne l'entend pas de cette oreille : on ne peut pas ajouter indéfiniment des voitures à un train, et au bout de 20 voitures il faut doubler celui-ci. Il souhaite donc imputer pour sa part, en plus du 1/60e de voiture précédent, 1/1 200e du prix de la motrice et du salaire de son conducteur.
  • Le chef de réseau n'est pas du tout d'accord : on ne peut pas multiplier ainsi les trains sans risque sur une même voie, et à partir de 50 trains par jour il est obligé de doubler la voie. Il ajoute donc pour sa part 1/120 000e du coût de la voie (toujours rapporté au temps du transport).

Maurice Allais montre ainsi que par approximations successives on arrive à ce que doit être le coût minimal du billet pour que la compagnie ferroviaire ne se retrouve jamais dans une impasse. Cet exemple lui est associé sous le nom de métaphore du voyageur de Calais, qui illustre qu'on ne peut jamais proprement parler du coût d'un bien ou d'un service, mais qu'il est plus exact de parler de coût d'une décision en indiquant à quel niveau on la considère.

Les économistes reconnaissent depuis longtemps le caractère relatif de la notion de coût puisqu'ils disent que le coût n'est jamais qu'un « coût d'opportunité » : la valeur de ce à quoi on renonce au moment d'agir. Le paradoxe est que les économistes mathématiciens ne raisonnent pas en termes d'action mais en termes de situations, de sorte qu'ils ne sont pas les mieux placés pour en tirer les conséquences logiques. Maurice Allais a notamment compris que le coût dépend des conséquences de la décision ; se pose alors la question de savoir à qui la décision coûterait effectivement quelque chose, pourquoi c'est à lui qu'elle coûterait cela, comment celui qui subira le coût peut s'assurer que ses représentants (le contrôleur pour la SNCF, par exemple) prendront les bonnes décisions...

Le paradoxe d'Allais

La plus célèbre intervention d'Allais est son paradoxe, mis en évidence à une conférence de l'American Economic Society qui s'est tenue à New York en 1953 et divers articles publiés dans les années 1950. Il mit en cause l'axiome d'indépendance dans la théorie « d'utilité espérée » forgée par John von Neumann.

La théorie de l’utilité espérée s’appuie sur une série d’axiomes concernant l’attitude d’un individu rationnel ayant à faire des choix en situation risquée. Allais a montré, par l’expérimentation, qu’un de ces axiomes était fréquemment violé par les individus : l’axiome d'indépendance. Cet axiome s’énonce de la façon suivante : « si la loterie A est préférée à la loterie B, alors, quelle que soit la loterie C et quelle que soit la probabilité p, la loterie [A (p) ; C (1-p)] est préférée à la loterie [B (p) ; C (1-p)] ». [A (p) ; C (1-p)] désigne une méta-loterie dans laquelle on joue la loterie A avec la probabilité p, et la loterie C avec la probabilité (1-p).

Cet axiome semble parfaitement naturel : quoi que pense l’individu de la loterie C, si on lui demande de la « mélanger » soit avec A soit avec B, avec une probabilité identique p dans les deux cas, on doit s’attendre à ce qu’il choisisse celle qu’il préfère, soit, par hypothèse, A. Pourtant, l’expérience montre que la présence d’un gain qui devient très incertain dans l'alternative proposée conduit un grand nombre de personnes à ne pas se conformer à cet axiome. Ce phénomène peut être illustré par l’exemple suivant. Il est demandé aux personnes interrogées, dans un premier temps, de choisir entre les deux loteries A et B suivantes :

A : [10 000 € (100%)]
B : [15 000 € (90%) ; 0 € (10%)]

En règle générale, une majorité de personnes préfèrent la loterie A, qui procure un gain certain, même si l'espérance de la loterie B est supérieure : 13 500 €.

Dans un second temps, il leur est demandé de choisir entre les loteries C et D suivantes :

C : [10 000 € (10%) ; 0 € (90%)]
D : [15 000 € (9%) ; 0 € (91%)]

En règle générale, les mêmes personnes qui préfèrent A à B préfèrent aussi la loterie D à la loterie C, parce que D procure en cas un gain significativement plus important que C pour une probabilité de non-gain à peine plus forte.

Pourtant, on voit que

C : [A (10%) ; Z (90%)]
D : [B (10%) ; Z (90%)]

où Z est la loterie zéro, celle qui dans tous les cas ne rapporte ni ne coute rien : Z : [0 € (100%)]

La simultanéité de ces deux choix viole l’axiome d’indépendance, car selon cet axiome, si A est préféré à B, alors C devrait être préféré à D, ce qui n’est pas le cas en pratique.

Allais ne remet pas en cause la théorie de l'utilité comparée dans son ensemble : il démontre néanmoins expérimentalement que lorsque le risque est extrême, le joueur se focalise davantage sur la prime de risque. Les implications du paradoxe d'Allais donneront lieu à de multiples développements en théorie de la décision et en économie comportementale.

Page générée en 0.139 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise