Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa (en russe : Надежда Константиновна Крупская), née à Saint-Pétersbourg le 14 février 1869 et décédée à Moscou le 27 février 1939, était l'épouse de Lénine, une militante bolchévique et une pédagogue soviétique.
Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa voit le jour à Saint-Pétersbourg le 14 février 1869 au sein d’une famille de petite noblesse. Son père, Konstantin, est un officier dont la carrière militaire a été brisée par ses opinions politiques. Après sa mort, en 1883, sa mère, Elizaveta Vasilevna, l’élève en défendant elle aussi des idées libérales, celles d’une intelligentsia qui accepte de plus en plus mal les principes de l’autocratie. Cette éducation influence nettement la jeune fille qui démontre par ailleurs d’évidentes capacités scolaires ainsi qu’une insatiable curiosité intellectuelle.
Après avoir brillamment achevé ses études secondaires, Kroupskaïa étudie la pédagogie à l’université pendant une année mais ne parvient pas, ensuite, à trouver un emploi d’institutrice ni en province, ni dans la capitale. Elle doit alors se contenter de donner des leçons particulières. Elle exerce aussi comme répétitrice dans un internat. Elle y fait preuve d’un véritable don pour l’enseignement.
Marquée par son éducation, Nadejda a très vite épousé les idéaux progressistes. Elle s’intéresse aux théories marxistes qui supplantent peu à peu en Russie le courant populiste. Son engagement politique appuie une activité pédagogique de plus en plus tournée vers les pauvres. A partir de 1891, elle se consacre ainsi à l’alphabétisation des enfants et des adultes de familles ouvrières en donnant des cours du soir aux travailleurs dans une école du dimanche de Saint-Pétersbourg.
Confrontée à la dure réalité d’une vie ouvrière issue du vigoureux développement industriel de la Russie à la fin du XIXe siècle, Kroupskaïa s’attache à dénoncer ces contrastes sociaux. Grande lectrice, elle dévore les ouvrages à résonance sociale, avec un intérêt de plus en plus marqué pour les fondateurs du communisme, Karl Marx et Engels, auteurs dont elle remarque elle-même que les traductions dont elle dispose se limitent à des fragments du Capital tandis que les autres œuvres des philosophes, en premier lieu le Manifeste du parti communiste, sont introuvables en Russie.
Dès 1890, Kroupskaïa devient membre d’un cercle d’étudiants marxistes. Elle travaille dès lors vigoureusement à répandre les idées révolutionnaires parmi les travailleurs qu’elle côtoie lors de ses leçons d’alphabétisation. Ces cinq années d’activisme lient définitivement la jeune fille noble aux milieux prolétaires, puis, un peu plus tard, à Vladimir Oulianov. Durant l’automne 1893, en effet, elle découvre ce « marxiste très savant » en lisant un de ses textes, une étude économique dans laquelle elle apprécie, en bonne pédagogue, la clarté d’expression et la netteté d’analyse.
En novembre 1905, elle retourne en Russie, à la suite de la révolution qui oblige le tsar à libéraliser les institutions, ouverture politique fugace dont profitent toutefois tous les opposants au régime, SR, Menchéviques et surtout Bolchéviques. Pour des raisons de sécurité, elle ne partage pas la vie de Lénine durant ce séjour dans la capitale mais devient secrétaire du Comité Central. Peu après, en décembre, l’échec de l’insurrection oblige le couple à quitter la Russie. Dès lors, Kroupskaïa va connaître une période d’errance à travers l’Europe au gré des refuges que le couple obtient auprès de ses appuis extérieurs.
Après la Finlande et un court passage à Berlin et le retour en Suisse, Nadejda débute alors ce qu’elle nomme elle-même la seconde émigration, la divisant en trois périodes d’inégale importance. La première de 1908 à 1911 - où elle est à Genève puis Paris à partir de décembre 1909 - est celle de la répression policière mais celle de l’incertitude pour Lénine et les Bolchéviques, attaqués de toutes parts par leurs adversaires, menchéviques, "otzovistes", "constructeurs de Dieu" ou autres opposants interne ou externes. La seconde de 1911 à 1914 – Kroupskaïa se rapproche de la Russie en s’établissant à Cracovie à l’été 1912 - voit le parti bolchévique se développer, structuré sur les principes léninistes qui commencent à faire leurs preuves contre les factions adverses. La troisième, enfin, de 1914 à 1917 - avec le retour en Suisse, Berne et Zurich - est celle où la guerre, qui bouscule tous les repères, offre peu à peu aux Bolchéviques les conditions tant attendues de la prise du pouvoir.
Durant cette période d’exil et de combat, Kroupskaïa participe aux nombreux combats qui parsèment l’histoire du POSDR, aux côtés de Lénine toujours soucieux de conserver la ligne correcte contre ses ennemis. Elle soutient aussi l’émancipation féminine, appuyant la création d’une "Journée internationale des femmes" proposée en 1910 par Clara Zetkin. Elle travaille aussi avec Inès Armand à la publication du premier magazine "Rabotnitsa" (Ouvrière) en mars 1914 (la guerre interrompt rapidement la publication) et, un an plus tard, à la "conférence internationale des femmes" organisée à Berne.
Kroupskaïa n'abandonne pas pour autant son propre domaine d'étude. Elle étudie attentivement les œuvres des grands pédagogues, Comenius, Jean-Jacques Rousseau, Johann Heinrich Pestalozzi, Constantin Ouchinsky, Tolstoï, John Dewey, ainsi que les systèmes éducatifs appliqués. Au moment de la révolution d'Octobre, elle a déjà écrit plus de quarante ouvrages sur le thème de l'éducation, dont le plus important, Instruction publique et démocratie — rédigé en 1915, publié en 1917 -, structure l'évolution future de la pédagogie marxiste. On y trouve un éclairage nouveau sur les rapports de l’enseignement avec le travail productif, notion en forte évolution au début du XX° siècle, à l'heure de l'industrialisation des sociétés occidentales. Une formule de Kroupskaïa résume sa pensée : « Seule la classe ouvrière peut faire de la formation au travail un instrument propre à transformer la société contemporaine. »