La perspective mathématique est exacte dans un univers réel, mais sera souvent « aberrante » visuellement : exemple, la sphère qui mathématiquement sera une construction basée sur l'intersection logique d'ellipses, ce qui visuellement paraîtra aberrant, alors qu'un simple cercle semblerait beaucoup plus juste… des artistes comme Scott Roberston ou Feng Su sont maîtres dans la perspective visuelle appliquée au jeu ou au cinéma.
L'anamorphose est extrêmement utilisée comme palliatif à la restriction bidimensionnelle pour simuler un mouvement (perspective cylindrique, sphérique ou anamorphique).
En fait on ne représente qu'un cône d'espace, un demi-espace (au maximum si l'ouverture d'angle est de 180° dans la perspective curviligne), car tout ce qui est derrière le peintre est ignoré. Les seuls rayons lumineux qui sont pris en compte viennent de devant, on ne se permet pas d'y superposer les images qui viendraient de l'arrière, sauf par l'artifice d'inclure dans le décor des miroirs réfléchissant cet arrière-plan.
Auparavant, le fond n'était pas un ciel, c'était souvent un aplat vertical doré, on n'avait pas besoin de technique de perspective pour cette surface. Il représentait l'espace sacré, divin, les personnages étaient surtout des saints, Dieu, le roi de droit divin. À la Renaissance les cieux deviennent bleus, avec ou sans dégradé atmosphérique, avec ou sans nuages, verticaux comme un fond de théâtre ou horizontaux comme un haut plafond. Il s'agit d'un espace réel, humain, redécouvert par les humains, profane pour le moins.
À la Renaissance l’être humain (et non pas Dieu) est placé au centre de l'univers, ce que l'on traduit en première lecture par le peintre (son œil) est au centre du tableau. C'est un raccourci. Car ce qui est au centre du tableau est la projection de l'œil. Sur le centre de la peinture il s'agit souvent d'un monument, d'un personnage profane, d'un personnage religieux (est-ce Jésus dans les Noces de Cana de Véronèse ?). Quelquefois le personnage central regarde ailleurs, quelquefois il regarde le peintre ou le spectateur droit dans les yeux. Mais il est vrai que ce n'est plus Dieu qui est majoritairement au centre du tableau. D'où une nouvelle énigme de la perspective, s'il n'y avait ni Dieu ni personnage ni bâtiment, qu'y aurait-il ? Le point central à l'infini, concept en cours d'élucidation.
Cette énorme question reste longtemps suspendue dans l'hésitation. Il est certain que la Renaissance a bien compris les règles de représentation du sol pavé, carrelé régulièrement avec la règle de décroissance des intervalles. La construction d'Alberti donne, sur le bord du tableau, l'abaque de dessin du raccourci des carreaux au fur et à mesure qu'on s'éloigne du peintre.
Mais en général on se garde bien de prolonger le sol jusqu'à l'infini, jusqu'au point où toutes les fuyantes perpendiculaires au tableau convergeraient, qui d'ailleurs est le projeté de l'œil du peintre. On risquait de retomber sur deux contradictions, d'une part l'œil du peintre est à distance finie du tableau et ce même point serait à distance infinie de l'autre côté, d'où dissymétrie flagrante ; d'autre part on élimine le Divin du centre de l'univers et on le remplacerait par une nouvelle Transcendance, l'infini. D'ailleurs, à la Renaissance aussi bien qu'aujourd'hui aucun savant ne se risquerait à affirmer que l'univers est d'une taille infinie ; le peintre est en droit d'hésiter à remplacer Dieu par un concept peut-être physiquement faux.
Fort opportunément le plus souvent le rayon visuel de l'infini du carrelage est arrêté en cours de route par un personnage, un mur, une montagne, un bâtiment. Si la porte du bâtiment s'ouvre, le rayon visuel avance un peu mais cogne contre la paroi du fond du bâtiment. Plus tard on pourra remplacer le bâtiment par un arc de triomphe, une route continuera après l'arc, on pourra même placer deux arcs successifs, le second étant représenté dans le vide du premier, la route continuera imperturbablement, ses deux bords pourraient se rejoindre au centre du tableau, que faire ? Mais a-t-on vu une route aller jusqu'à l'infini ? À la rigueur on arrivera au bord de la mer, l'entité qui va aussi loin qu'on veut sera le plan de la mer qui, si la Terre est plate ou sphérique se traduira par la « droite d'horizon » sur le tableau, on esquivera le mystère de la figuration du point central à l'infini en représentant une frontière horizontale centrale qui délimite deux zones de couleurs peintes, la zone d'eau et celle de ciel.
Bien après la Renaissance, il reste l'artifice de placer un navire providentiel sur le point central, comme Claude Gellée qui y recourt dans Ulysse remet Chryséis à son père (v. 1644), ou d'y placer un soleil dans un halo éblouissant, ou encore, une brume où ciel et eau se mélangent, voir Pèlerinage à l'île de Cythère.