Un pétrolier est un navire citerne servant à transporter le pétrole ainsi que ses dérivés (essence). Pour le transport d'autres liquides, les navires ont d'autres appellations : les méthaniers qui transportent le gaz naturel, les chimiquiers pour le transport de produits chimiques. On les nomme également tankers (de l'anglais oil tankers, littéralement « citernes à pétrole »), ou supertankers pour les plus grands.
Les pétroliers représentent un élément essentiel du commerce mondial du pétrole ; certains atteignent des tailles gigantesques, représentant un véritable défi pour les ingénieurs. Ces navires sont aussi connus pour les marées noires que certains accidents ont causées.
Le transport du pétrole sur un navire remonte à la civilisation grecque et les « bateaux à feux », vers -670 ; toutefois, le pétrole était utilisé comme une arme et non comme une marchandise. Au XVIIIe siècle, en Chine, des jonques en transportaient aussi en vrac, certaines étant prévues à l'origine pour transporter de l'eau. Vers la même époque, les Perses en transportaient sur la mer Caspienne, les Russes sur la Volga et les Birmans sur l'Irrawaddy.
Cependant, c’est avec le développement du transport transatlantique que le navire pétrolier proprement dit apparaît.
Le début du transport du pétrole sur l'eau remonte au XIXe siècle, avec le percement d'un des premiers puits en Pennsylvanie, aux États-Unis, en 1859 : les barils sont alors transportés sur des barges le long de la rivière Allegheny, puis par chemin de fer. La demande commence alors à venir de l'Europe et la nécessité de navires pouvant transporter le pétrole en sécurité se fait sentir. La difficulté est alors d'autant plus grande qu'il s'agit d'un marché instable, aux prix fluctuants.
En 1864, à peine cinq ans après, environ 100 000 tonnes par an sont exportées vers l'Europe. Ne voulant pas prendre trop de risques, les armateurs préfèrent le transport en barils ou en bidons, sur des voiliers, les navires à vapeur étant encore chers. Les barils risquant de fuir, ils sont entreposés à l'avant pour éviter la contamination du reste du cargo. Les barils étant aussi longs à charger et décharger, susceptibles de s'enflammer, prenant de la place au détriment du pétrole lui-même, ils ne représentent pas une bonne solution.
Différentes idées apparaissent vers 1865 pour stocker le pétrole en vrac. L'idée est de pomper le pétrole dans de grandes cuves intégrées au navire, au lieu de le charger par petites quantités. Les premiers essais sont peu concluants, comme pour la Fanny française qui part de Philadelphie en 1880 pour ne pas arriver, avec un chargement de brut stocké à même la coque. Ce n'est qu'au XXe siècle que les coques en acier seront utilisées pour le transport direct de pétrole.
Un compromis entre le stockage à même la coque et les barils est alors trouvé grâce à un système de réservoirs métalliques : si les réservoirs viennent à fuir, la coque peut encore contenir le liquide, mais elle n'a plus à souffrir de contraintes supplémentaires. Le premier de ces navires est probablement le Elizabeth Watts anglais de 1863. Mais ces navires présentent un risque élevé de feu, puisque les espaces entre les citernes et la coque sont difficiles d'accès, les vapeurs peuvent s'y concentrer et mener à la catastrophe. En 1885, on ne dénombre que 10 navires de ce type.
C'est à Bakou en Russie(actuellement en Azerbaïdjan) que le premier pétrolier à vapeur fait son apparition en 1878 : le Zoraster, qui brûle d'ailleurs du fuel lourd et non pas du charbon. D'autres améliorations incluent des citernes sur les ponts intermédiaires, et une forme de coque différente, liée aussi au calme de la mer Caspienne par rapport à l'Atlantique.
Au début des années 1890, l'arrivée de pipelines accroît le trafic du pétrole dans le nord-est américain, et ainsi la demande pour un meilleur trafic sur l'Atlantique : d'anciens voiliers sont reconvertis par l'ajout de citernes et de « cofferdams », longues cloisons étanches permettant de contenir les fuites. Les coques métalliques apparaissent en 1896, l'acier supplante le fer 4 ans plus tard. La voile est elle aussi peu à peu remplacée par la vapeur, car les nouvelles formes de coque présentent une mauvaise manœuvrabilité sous voiles. Controversé, ce changement s'imposera tout de même rapidement grâce à la Grande-Bretagne.
Afin de contrer les dangers présents lors du transport du pétrole par voie maritime, un navire spécialement étudié dans ce but voit le jour en 1886 : le Gluckhauf, construit à Newcastle-upon-Tyne (Angleterre). D'une capacité de 3 500 tonnes, il stocke le pétrole à même la coque entièrement rivetée. Son moteur à triple expansion est situé à l'arrière, ce qui réduit les risques en maximisant l'espace disponible.
Il déclenche à son arrivée à New York une protestation des dockers, qui s'inquiètent légitimement de son système de chargement du pétrole par pompes, craignant qu'ils ne soient ainsi remplacés par la machine. Il doit de ce fait ravitailler à St John. Il reçoit aussi le surnom de Fleigauf, soit «explosif».
Malgré ce début difficile, son arrivée introduit les modifications des navires de la Caspienne dans le monde des traversées océaniques, tant en matière de construction que d'opération. À partir de 1886, la flotte mondiale de pétroliers s'agrandit considérablement.
À la fin du XIXe siècle, la principale route reste la traversée transatlantique, sur laquelle environ 300 000 tonnes sont transportées par an ; mais les routes de la mer Caspienne et de la Méditerranée se sont développées plus rapidement, passant respectivement de 50 000 à 180 000 tonnes et de 20 000 à 190 000 tonnes par an entre 1885 et 1900. Le pétrole reste cependant une source d'énergie peu importante.
La flotte atlantique est composée d'environ 80 navires, plus de trois quarts d'entre eux étant des vapeurs, tandis que sur la Méditerranée, tous les voiliers ont été remplacés par des vapeurs. Sur les autres autres routes, les pétroliers sont encore rares et le brut est en général transporté sur des cargos conventionnels. La flotte mondiale atteint 109 navires d'une capacité moyenne de 4 900 tonnes, soit 500 000 tonnes au total, la taille d'un pétrolier géant de 1970.
La flotte britannique est encore la plus importante, formant 56 % de la flotte mondiale, suivie par l'Allemagne (15 %), les Pays-Bas (8 %) et les États-Unis (3 %). L'Europe domine largement le tableau, notamment par les compagnies Anglo America Oil Co. Ltd anglaise et Deutsch-Amerikanisch Petroleum Ges allemande. La plupart des navires construits en Europe sont contrôlés par le Standard : le Standard Group, au pouvoir impressionnant, et qui limite en partie l'expansion du marché du pétrole sur les mers par sa mainmise.
Durant la période 1900 à 1938, le monde du transport pétrolier est marqué par l'émergence des États-Unis comme leader mondial, la restructuration du marché face à la forte hausse de la demande, et l'évolution majeure de la forme de la coque des pétroliers.
La domination des États-Unis sur le marché survient à partir des années 1920, quand la consommation d'énergie par pétrole commence à remplacer sérieusement le charbon. Ce changement survient d'abord sur le continent américain, vers lequel est alors dirigé la majeure partie de la production mondiale, en particulier du Venezuela. C'est ce continent qui a alors la principale influence sur la conception des pétroliers. En Europe, la Première Guerre mondiale détruit une bonne partie de la richesse et empêche une croissance similaire à celle des États-Unis. De plus, la révolution soviétique de 1917 entraîne la nationalisation des ressources pétrolifères de Bakou, qui deviennent réservées quasiment exclusivement à un usage interne à l'URSS.
La production mondiale passe de 20 millions de tonnes en 1900 à 273 millions de tonnes par an, en hausse constante malgré une légère récession en 1929 suite au krach boursier. En 1925, l'Amérique possède 85 % du marché, et encore 80 % en 1938.