Programme lunaire habité soviétique - Définition

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Introduction

Le lanceur lunaire N1
Deux lanceurs N1 sur leur pas de tir au cosmodrome de Baïkonour (3 juillet 1969)
Données générales
Mission Vol habité en LEO et vaisseau lunaire
Date des lancements 1969 à 1972
Nb de lancement 4
Pays d’origine URSS Union soviétique
Caractéristiques techniques
Dimensions
Hauteur 112,5 m
Diamètre 17 m
Masse au décollage 2 700 t
Nombre étages 4
Puissance et capacité d’emport
Charge utile en LEO 95 t
Charge utile pour la Lune
Poussée au décollage 4 620 t

Le programme lunaire habité soviétique avait pour but d'envoyer un cosmonaute sur la Lune, de préférence avant les astronautes américains du programme Apollo pour les battre dans la course à l'espace qui était lancée depuis 1955.

Il échoua du fait des désaccords profonds qui surgirent entre les principaux responsables des programmes spatiaux soviétiques : Valentin Glouchko, d'un côté, responsable presque unique jusque là des programmes spatiaux soviétiques, et partisan d'utiliser comme carburant des ergols toxiques qu'il maîtrisait bien ; Sergueï Korolev de l'autre, en charge du programme N-1 (l'équivalent soviétique de la fusée Saturn V du programme américain Apollo), qui pensait indispensable, pour une mission habitée, d'utiliser des carburants/comburants à la fois plus performants et non toxiques.

Pour contrer Sergueï Korolev, Valentin Glouchko s'allia au rival de Korolev, Vladimir Tchelomeï (en charge du projet Proton), pour proposer un projet plus gigantesque encore que le projet N-1, le projet modulaire UR-700, qui visait à permettre un atterrissage direct sur la lune, sans passer par une mise en orbite lunaire préalable. Faisant appel à des moteurs RD-270 à carburants toxiques, le projet UR-700 ne vit jamais le jour, et fut arrêté en 1969.

Gravement handicapée par la mort de Korolev en 1966, la fusée N-1, de son côté, rencontra des problèmes de développement majeurs, et, malgré des moteurs apparemment satisfaisants, s'écrasa lors des différents tirs expérimentaux effectués. Le gouvernement soviétique nia l'existence du projet N-1 et de ses échecs jusqu'à la période de la glasnost.

Le projet lunaire habité échoua donc, d'une part du fait de l'incapacité de l'URSS à fédérer les ressources sur un projet unique, et d'autre part du fait du retard pris sur le développement d'une propulsion faisant appel à l'hydrogène et l'oxygène comme carburant/comburant.

En revanche, le projet beaucoup moins ambitieux de Vladimir Tchelomeï, le UR-500 « Proton », conçu au départ comme un ICBM géant, capable d'un vol circumlunaire habité (mais non d'un alunissage), connut tout d'abord des échecs, mais devint de plus en plus fiable à partir de septembre 1968. Les fusées Proton permirent à l'URSS de placer des satellites en orbite géostationnaire, et d'envoyer des sondes vers la lune, Mars et Vénus. Dans les années 1990, les fusées Proton devinrent l'outil essentiel des lancements commerciaux effectués par la Russie. Mais elles ne permirent jamais l'envoi d'une mission habitée vers la lune.

Historique

Études des lanceurs lourds soviétiques

Moteur ionique et réacteur nucléaire (1957-1959)

Sur la demande de Sergueï Korolev, directeur du bureau d'études OKB-1 de l'Institut de R&D no 88 (ОКБ-1 НИИ-88), la section 12 dirigée par M. V. Melnikov débute en 1957 des études sur un moteur ionique. L'on espère qu'à l'horizon 1959, il pourrait propulser le vaisseau habité TMK-E vers Mars (lequel aurait néanmoins nécessité 36 000 m2 de panneaux solaires). Aussi, Konstantin Feoktistov propose l'utilisation d'un réacteur nucléaire pour alimenter le moteur ionique. Le 30 juin 1958, le Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) confie d'ailleurs par décret le soin à deux bureaux d'études différents (l'OKB-456 de Valentin Glouchko et l'OKB-670 de Mikhaïl Bondaryuk) de concevoir des moteurs-fusée propulsés par un réacteur nucléaire, toujours en vue d'une mission habitée vers Mars qui durerait du 8 juin 1971 au 10 juillet 1974. Pour ce faire, on pense que la N1 serait parfaitement adaptée. Le 31 décembre 1959, ce rêve grandiose s'évanouit avec la décision de Korolev d'abandonner les études sur des fusées propulsées par énergie nucléaire.

Le long chemin de la N1

Les ébauches de la future N1 débutent en 1959 sous la direction de Korolev au sein de l'OKB-1. En décembre 1959, les autorités militaires réunissent les trois constructeurs généraux Korolev, son rival Vladimir Tchelomeï de l'OKB-52 et Mikhaïl Yangel de l'OKB-586 afin de faire un bilan de l'avancement de leurs études. Korolev propose la famille de lanceurs N (abréviation du russe Nositel pour lanceur) ainsi que des versions améliorées de la Semiorka, Tchelomeï une famille évolutive (du russe Universalskaya Raketa pour « fusée universelle ») basée sur un 1er étage commun (qui donnera naissance aux projets UR-500 Proton et UR-700) et Yangel les missiles balistiques R-26 et R-36 plus le lanceur SK-100. Finalement, Tchelomei et Yangel sont autorisés à développer des missiles balistiques, respectivement le léger UR-100 et le lourd R-36. Korolev reçoit des fonds pour développer le lanceur Molniya (8K78), une adaptation de la Semiorka, mais rien pour la N1, dont on ne perçoit pas encore l'utilité.

Le ciel se dégage

Finalement, un décret de janvier 1960 autorise les études sur la N1 et Korolev exprime dans la Pravda « La possibilité d'une exploration directe de la Lune, tout d'abord par l'alunissage de sondes scientifiques automatiques... et plus tard par l'envoi de chercheurs et la construction d'une station scientifique habitée sur la lune. » Dans une lettre du 7 avril 1960, Korolev demande la création d’une filière de production d’hydrogène liquide comme le font les États-Unis, puis en mai 1960, le développement d’une famille de lanceurs lourds. Seule la dernière demande sera acceptée par un décret de juin 1960. De 1960 à 1963 serait réalisé le lanceur lourd N1 d’une capacité de 40-50 tonnes en orbite basse terrestre (LEO) et de 12-20 tonnes en orbite d’évasion pour un 1er vol en 1965. Cette date est fixée en mai 1961 par un décret qui ordonne à Tchelomeï d'abandonner ses recherches sur les sondes interplanétaires Kosmoplan et de se concentrer sur une version de son Raketoplan, le vaisseau lunaire LK-1.

Rivalités d'hommes et retards étatiques

Alors que le 1erjuin 1961, le premier secrétaire du PCUS Nikita Khrouchtchev demande à son protégé Tchelomeï de débuter la phase de définition d'un lanceur, le UR-500 Proton (Прото́н) et du vaisseau LK-1 en vue d'un vol habité circumlunaire (dont la date n'est pas fixée), Korolev, qui est en désaccord avec l'utilisation d'ergols toxiques, riposte en proposant une mission de débarquement lunaire basée sur un vaisseau concurrent, le Soyouz (Союз), apte à des rendez-vous en orbite et un module d'atterrissage. En février 1962, une réunion secrète a lieu à la station balnéaire de Pitsounda, sur la mer Noire, et ménage la chèvre et le chou en autorisant le développement du Proton de Tchelomeï comme de la N1 de Korolev. En avril 1962 est approuvée la configuration générale de l'UR-500, qui tient compte des caractéristiques de l'UR-700, qui ne bénéficie d'aucune autorisation de développement. Enfin, le 24 septembre 1962, Khrouchtchev demande à Korolev le développement d'une version améliorée de la N1 apte à lancer la station spatiale militaire de 75 tonnes Zvezda (OS-1) mais une charge utile lunaire n'est toujours pas évoquée. Par ailleurs, Glouchko reçoit le feu vert pour étudier les moteurs RD-270 de la UR-700. Déjà mauvaises depuis les années 1930, les relations de Glouchko, qui bénéficie d'un quasi-monopole sur la construction de moteurs-fusée, avec Korolev se sont déjà détériorées au point que ce dernier lui préfère dès 1959 l'OKB-276 du constructeur de moteurs à réaction Nikolai Kouznetsov. Ces rivalités d'hommes minent l'effort spatial soviétique dans sa course à la Lune.

Par ailleurs, le 3 août 1964, soit 3 ans après le discours du président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy, Nikita Khrouchtchev décide les programmes Proton (Прото́н) / Zond (Зонд, « sonde ») de survol inhabité de la Lune et N1-L3 de débarquement d’un cosmonaute, bien que « les militaires fussent plus intéressés par les missiles balistiques que par la Lune et au milieu des rivalités, d'une organisation chaotique et d'un budget étriqué, l'effort soviétique se solda par des échecs cuisants. ». Le ministère des Constructions mécaniques générales (MOM), comprenant 2 millions de salariés environ (!) à la fin des années 1980, « créé dès 1965 pour gérer l’ensemble des activités de recherche et de production, avait aussi pour mission, en devenant l’interlocuteur obligatoire des principaux responsables d’entreprises et de programmes, les constructeurs généraux, de limiter les rapports directs que ceux-ci avaient établis avec les responsables politiques. Car, comme l’a montré le programme lunaire, ces relations avaient entraîné rivalités et gaspillage des ressources. ».

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