Tempête de feu - Définition

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Introduction

Une tempête de feu durant les incendies de 1988 à Yellowstone
Feux de brousses à Canberra en 2003

Une tempête de feu (ou ouragan de feu) est un incendie atteignant une telle intensité qu'il engendre et maintient son propre système de vents. C'est le plus souvent un phénomène naturel, créé durant certains des plus grands feux de brousse et feux de forêts. Le grand incendie de Peshtigo et les feux du mercredi des Cendres sont deux exemples de telles tempêtes de feu. Des tempêtes de feu peuvent aussi être le résultat délibéré d'explosions ciblées, telles que celles ayant résulté des bombardements aériens incendiaires de Dresde, Hambourg, Tokyo, et des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.

Mécanisme

Une tempête de feu est le résultat du phénomène de tirage (ou effet cheminée) dû à la chaleur de la combustion initiale aspirant de plus en plus d'air environnant, et entretenant la combustion. Ce tirage peut augmenter rapidement si un courant-jet de basse altitude existe au-dessus ou à proximité du feu, ou s'il vient à percer une couche d'inversion thermique. Alors que le courant ascendant s'étale en champignon, de fortes bourrasques se développent autour du feu, dirigées vers son centre. On pourrait penser que cela limite l'extension de l'incendie, mais la formidable turbulence qui se crée amène les vents à changer erratiquement de direction. Ce cisaillement du vent peut produire de petites formations tournoyantes, analogues à des tornades ou à des tourbillons de poussière, appelées tourbillons de feu, et qui peuvent jaillir de manière imprévisible, détruisant maisons et bâtiments, et propageant rapidement le feu au delà de l'aire centrale de l'incendie.

Un tourbillon de flammes

Le tirage accru apporte des quantités d'oxygène plus importantes, ce qui accroit la combustion, et donc la production de chaleur, de manière significative. Cette chaleur intense est essentiellement rayonnée (sous forme de radiation infrarouge), ce qui enflamme les matériaux inflammables à distance du feu d'origine.

Outre l'énorme nuage de cendres produit par une tempête de feu, elle peut aussi, si les conditions s'y prêtent, favoriser la condensation d'un pyrocumulus (ou nuage de feu). Un pyrocumulus assez vaste peut donner naissance à des éclairs, susceptibles d'allumer de nouveaux feux. En dehors de ceux résultant des feux de forêt, les pyrocumulus peuvent également se former lors d'éruptions volcaniques.

Incendies en zones urbaines

La même physique des combustions s'applique à des incendies en zones urbaines ; on pense que des tempêtes de feu ont fait partie du mécanisme des grands incendies historiques, tels que le grand incendie de Rome et le grand incendie de Londres, ainsi que de ceux consécutifs à des tremblements de terre, comme celui de San Francisco en 1906. Des tempêtes de feu furent aussi créées par les bombardements incendiaires de la deuxième guerre mondiale, particulièrement à Dresde, Tokyo, Hambourg, et aussi lors des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Le tableau suivant recense les tempêtes de feu (en zone urbaine) pour lesquelles on possède des observations fiables.

Ville / Événement Date de l'incendie Notes
Grand incendie de Rome          18 juillet 64 - 24 juillet 64 Plusieurs milliers de victimes ; les trois quarts de la ville rasés.
Grand incendie de Londres          2 septembre 1666 - 5 septembre 1666 La plus grande partie de la City, (connue comme le « Mile Carré »), une surface néanmoins bien plus faible que celle occupée par le Londres moderne.
Grand incendie de Chicago
Incendie de Peshtigo
Incendie de Port Huron
8 octobre 1871 Des centaines de morts à Chicago du 8 au 10 octobre ; 2500 morts à Peshtigo ; d'autres victimes dans des feux semblables à Holland et Manistee (Michigan).
Tremblement de terre de San-Francisco 18 avril 1906 Parmi les conséquences du tremblement de terre, la tempête de feu (due principalement aux ruptures de canalisations de gaz) causa la destruction de plus de 500 pâtés de maisons.
Grand incendie de 1910 (en) (Idaho et Montana) 20-21 août 1910 87 morts (y compris une équipe complète de pompiers composée de 28 hommes), trois villes au moins brulèrent en partie durant deux jours de tempêtes de feu. On peut toutefois considérer que celles-ci relèvent plutôt du cas des feux de forêts : on estime que 12 000 km2 de forêts brûlèrent, dans quatre des états de l'ouest des États-Unis. La fumée s'étendit jusqu'à l'est du continent, et on retrouva des cendres dans les neiges du Groenland.
Grand tremblement de terre de Kantō 1 septembre 1923 140 000 morts, la plupart dans des tempêtes de feu à Tokyo et dans le port de Yokohama. Les dommages s'élevèrent à 40% du PNB de cette année.
Bombardement de Londres septembre 1940 30 à 40 000 morts
Bombardement de Hambourg (Allemagne) 27 juillet 1943 45 000 morts
Bombardement de Kassel (Allemagne) (en) 23 octobre 1943 10 000 morts
Bombardement de Braunschweig (Allemagne) (en) 15 octobre 1944 2600 morts
Bombardement de Darmstadt (Allemagne) (en) 11 septembre 1944 12 300 morts
Bombardement de Heilbronn (Allemagne) (en) 6 décembre 1944 6500 morts
Bombardement de Dresde (Allemagne) 13 février 1945 25 000 morts
Bombardement de Pforzheim (Allemagne) (en) 23 février 1945 17 000 morts
Bombardement de Tokyo 9 mars 1945 120 000 morts
Bombardement de Würzburg (Allemagne) (en) 16 mars 1945 5000 morts
Bombardement de Kobe (Japon) (en) 17 mars 1945 8841 morts
Hiroshima 6 août 1945 90 000 morts ou plus, mais en partie dus à l'explosion atomique elle-même.
Nagasaki 9 août 1945 40 000 morts ou plus, mais en partie dus à l'explosion atomique elle-même ; il semble de plus qu'il n'y ait pas eu de véritable tempête de feu à Nagasaki, des collines ayant partiellement protégé la ville.
Tempête de feu d'Oakland (en) 20 octobre 1991 25 morts, 1,5 milliards de dollars de dégâts

Au début de la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs villes anglaises subirent des bombardements incendiaires ; l'un des plus remarquables fut celui de Coventry le 14 novembre 1940. À l'occasion du bombardement de Coventry, les forces allemandes mirent en jeu plusieurs innovations qui devaient influencer tous les bombardements stratégiques ultérieurs durant la guerre. Ces innovations étaient :

  • L'utilisation d'avions de reconnaissance munis d'aides électronique à la navigation, pour marquer les cibles avant l'attaque principale;
  • L'utilisation de bombes lourdes et de mines aériennes (blockbusters) couplée avec celle de milliers de bombes incendiaires.

La première vague de bombardement, utilisant des explosions de grande puissance pour détruire les réseaux de service (eau, gaz et électricité), et créant des cratères rendant les routes peu praticables pour les équipes de pompiers ; les bombes explosives n'étaient pas seulement destinées à gêner les secours, mais étaient également conçues pour éventrer les toits, facilitant le passage des bombes incendiaires. Les vagues de bombardements suivantes combinaient explosifs et bombes incendiaires, ces dernières étaient de deux types : à base de magnésium, et à base de pétrole. Arthur Travers Harris, commandant de la forces de bombardement de la RAF, écrivit après la guerre « Le bombardement de Coventry était assez ramassé dans l'espace [pour amorcer une tempête de feu], mais trop dispersé dans le temps », aussi ne s'en créa-t-il pas. Ils n'avaient pas le nombre d'engins aériens nécessaire, et ceux-ci n'avaient pas une capacité suffisante (ils n'avaient que des bombardiers bi-moteurs).

Ce n'est que vers la fin de la guerre que Bomber Harris et la RAF parvinrent à une concentration quasi-simultanée de bombardements suffisante pour qu'un tempête de feu se déclenche. Par exemple, durant le bombardement de Dresde le 13 février 1945, la première attaque fut entièrement menée par le groupe n°5, utilisant leurs propres méthodes de marquage à basse altitude. Les avions-traceurs marquèrent le stade de Ostragehege comme point de chute initial, et les 244 bombardiers se déployèrent en éventail à partir de ce point, chacun lâchant ses bombes à un instant légèrement différent ; l'ensemble du bombardement dura moins de deux minutes. La zone de destruction ainsi créée était un triangle de deux kilomètres de long et trois kilomètres de large. Ce raid de la RAF (suivi par d'autres vagues de bombardement de la RAF et de l'USAAF) donna naissance à l'une des plus dévastatrices et tristement célèbres tempêtes de feu de l'histoire.

Une autre terrifiante tempête de feu résulta du bombardement de Hambourg le 27 juillet 1943. Plusieurs facteurs concoururent à l'énorme destruction qui s'ensuivit : le temps inhabituellement sec et chaud, la concentration du bombardement et l'impossibilité pour les équipes de pompiers d'atteindre le centre de la ville (ils étaient encore en train de lutter en périphérie contre les conséquences du bombardement du 24 juillet). Cette tempête de feu (qui donna naissance à l'expression allemande Feuersturm) se transforma en tornade, créant une sorte de haut-fourneau naturel, avec des vents allant jusqu'à 240 km/h et des températures de 800 °C, causant l'embrasement de l'asphalte des rues, carbonisant les gens dans les abris anti-aériens, soulevant les piétons dans les airs comme des feuilles mortes, et détruisant 21 km² de la ville. La plupart des 40 000 victimes de l'opération Gomorrah furent tuées cette nuit-là.

En 1945, Tokyo avait une densité moyenne de 40 000 habitants au km2, avec des concentrations pouvant dépasser 50 000 h/km2, la plus haute densité pour une ville industrielle où que ce soit dans le monde. Les équipes de pompiers s'avérèrent ridiculement sous-équipées pour la tâche, alors que furent détruits 15,8 km2 de la ville pendant la nuit du 9 mars ; des vents violents attisèrent les flammes et des murs de feux bloquèrent des dizaines de milliers d'habitants fuyant pour sauver leurs vies. On estime qu'un million et demi de personnes habitaient la zone incendiée.

Les armes nucléaires peuvent également créer des tempêtes de feu en zone urbaine ; cela fut la cause d'une grande partie des destructions à Hiroshima (mais, semble-t-il, pas à Nagasaki).

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