Théorème du minimax de von Neumann - Définition

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Histoire d'une découverte

Von Neumann à Göttingen

Au début de l'année 1926 John von Neumann, âgé de 22 ans, vient de soutenir son doctorat à Budapest. Bien qu'inscrit à l'université de sa ville natale, il ne l'a fréquentée qu'au moment de passer des examens et a suivi sa formation à l'Université de Berlin de 1921 à 1923 puis à l'École polytechnique fédérale de Zurich. Ayant accédé à un Fellowship de la Fondation Rockefeller, il va séjourner pendant l'année universitaire 1926-1927 à l'Université de Göttingen où exerce alors David Hilbert. C'est pendant cette période qu'il va concevoir sa première démonstration du théorème du minimax, qu'il exposera en décembre 1926 au séminaire de mathématiques.

Pour expliquer pourquoi von Neumann s'est intéressé à la théorie des jeux, des raisons psychologiques assez peu convaincantes ont été apportées : on a ainsi noté son goût pour le poker, signalé qu'il avait constitué une collection de jeux d'enfants, voire souligné qu'il faisait preuve d'un humour parfois assez puéril. Plus intéressantes sont les analyses de Philip Mirowski et Robert J. Leonard pour qui la conception du théorème du minimax ne doit pas être détachée du séjour de von Neumann à Göttingen et de l'influence qu'exerce alors sur lui l'« école formaliste » constituée autour de Hilbert. En même temps qu'ils travaillent sur le programme de Hilbert de formalisation finitiste des mathématiques, les représentants de cette école s'intéressent en effet aussi à la formalisation mathématique de la réalité, notamment en physique mathématique — ainsi c'est également à Göttingen, en 1925, qu'un jeune privatdozent, Werner Heisenberg, en collaboration avec Max Born et Pascual Jordan, met au point la formulation de la mécanique quantique en termes de mécanique matricielle. On peut aussi rappeler que c'est aussi un ancien collaborateur de Hilbert à Göttingen, Ernst Zermelo qui, en 1913, a été le pionnier de la théorie des jeux non synchrones par son travail de mathématisation des échecs.

En revanche, la recherche économique ne semble guère avoir influencé l'élaboration du théorème du minimax, même si une note dans l'article de 1928 montre que von Neumann est conscient qu'il y a là un champ de développement de ses idées. Pour Robert J. Leonard, qui ne constate des échanges de correspondance entre von Neumann et des économistes qu'à partir de 1927 et se fonde sur le mode d'exposition du théorème dans les années 1930, la théorie des jeux reste d'abord pour von Neumann jusqu'aux alentours de 1940 ce qu'elle est dans le titre de son article de 1928 : une théorie des « jeux de société ».

Les précurseurs du minimax

Nombre de cours ou traités consacrés à la théorie des jeux dans son ensemble mettent en relief le caractère profondément innovant du théorème de von Neumann, où ils lisent l'invention de la théorie des jeux synchrones.

Dans les études historiques plus complètes, les précurseurs de von Neumann sont davantage considérés. La première référence où les historiens observent l'élaboration d'une stratégie de jeu par recherche d'un maximin est une lettre de novembre 1713 de Pierre Rémond de Montmort où il décrit une solution du jeu de Le Her due à James Waldegrave qui est déjà ce qu'on appelle aujourd'hui une stratégie mixte.

Mais ce sont surtout trois notes d'Émile Borel aux comptes rendus de l'Académie des sciences qui attirent l'attention des spécialistes de l'histoire du minimax. Dans celles-ci, Borel formalise mathématiquement pour la première fois la notion générale de stratégie mixte, prouve le théorème du minimax pour des jeux symétriques à moins de cinq stratégies pures, mais conjecture l'existence de contre-exemples pour des matrices de taille plus grande.

À l'en croire, quand il découvre de son côté le théorème du minimax, von Neumann ignore tout des travaux de Borel. Dans son article de 1928, von Neumann précise avoir découvert ceux-ci postérieurement à l'envoi pour publication, et en fait mention par une note de bas de page.

En revanche, les travaux de Borel ne sont nulle part signalés dans son ouvrage influent de 1944 (Theory of games and economic behavior) publié conjointement avec Oskar Morgenstern qui va contribuer à populariser la nouvelle théorie des jeux.

La discussion de l'importance respective des contributions des deux grands mathématiciens prend un ton polémique lorsqu'en 1953, au sommet de la gloire de von Neumann, Maurice Fréchet publie deux notes où il qualifie Borel d'« initiateur » de la théorie des jeux ; il ajoute incidemment que même si Borel avait démontré le premier le théorème, il n'aurait, comme von Neumann, qu'« enfoncé une porte ouverte » (« simply entered an open door ») puisque le théorème et même des versions plus générales avaient été prouvés très antérieurement aux travaux de Borel. Von Neumann répond sèchement à l'agression, soulignant encore qu'il ne connaissait pas les travaux du mathématicien français quand il a lui-même découvert le théorème, et que cela valait sans doute mieux puisque la conjecture de celui-ci était fausse ; il ne lui paraît pas que la mise sous forme mathématique du problème soit une contribution aussi essentielle que la complète résolution qu'il y a apportée, et refuse de reconnaître en Borel l'initiateur de la théorie (« In view of this, Borel did hardly "initiate" the theory »).

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