Abbaye du Mont Saint-Michel | |
---|---|
| |
Latitude Longitude | |
Pays | France |
Région | Basse-Normandie |
Département | Manche |
Ville | Le Mont-Saint-Michel |
Culte | Catholique romain |
Type | Abbaye |
Rattaché à | Fraternités monastiques de Jérusalem |
Début de la construction | Xe siècle |
Fin des travaux | 1523 |
Style(s) dominant(s) | Gothique |
Protection |
Classé MH Patrimoine mondial |
modifier |
L’abbaye du mont Saint-Michel se trouve sur la commune du Mont-Saint-Michel, en Normandie, dans le département de la Manche.
Classé au titre des Monuments historiques en 1862, le site figure depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au sein du mont Saint-Michel et de sa baie et est géré par le Centre des Monuments Nationaux.
Attestations anciennes: in monte qui dicitur Tumba v.850, revelatio. Monte Sancti Michaelis 966, AG NLM. Le mot tumba, tombe, rare en toponymie, est à interpréter dans le sens de sépulture, voire cimetière. Le nom de l'ilot voisin Tombelaine ne procède pas du dieu gaulois Belenos, mais d'un primitif *tumb-ell-ana dérivé du précédent, avec double suffixation, formation homonyme de Tombelaine, hameau du Calvados ou de Tomblaine, commune de Meurthe-et-Moselle.
Le Mont-Saint-Michel vu du Nord-Ouest, à la fin du Xe siècle. | Le Mont-Saint-Michel au Xe siècle. | Le Mont-Saint-Michel du XIe au XIIe siècle. | Le Mont-Saint-Michel des XVIIe et XVIIIe siècles. |
Le Mont-Saint-Michel au XXe siècle. |
Les chanoines du Mont-Saint-Michel se montrèrent, durant le premier siècle de leur institution, fidèles à la mission qui les avait attachés au culte de l’archange saint Michel : leur montagne devint à la fois un lieu de prière et d’étude, mais l’ère de stabilité connue par la Neustrie durant le règne de Charlemagne laissa place, à la mort de cet empereur, à une période de grands désordres. Tandis que le reste de la Gaule subissait les invasions barbares, la religion et la science trouvaient refuge et asile dans le diocèse d'Avranches, et surtout au Mont-Saint-Michel. Profitant de la désunion des petits-fils de Charlemagne, les raids et incursions des Vikings, précédemment contenus, reprirent une nouvelle vigueur.
Les évènements de cette sombre époque ne suspendirent pas d’abord les pèlerinages dont ce roc vénéré était devenu le centre. Les vikings atteignirent le Mont en 847. Le redoublement de calamités, que les invasions infligèrent à la Neustrie tout entière, força les religieux à quitter le Mont, qui ne resta pas cependant désert. Sa position au milieu des palus maritimes l’offraient comme un asile aux populations cherchant refuge contre les hommes du nord.
À la signature du traité de Saint-Clair-sur-Epte, le premier soin de Rollon fut de réparer, par de magnifiques bienfaits, la désolation qu’il avait fait essuyer aux lieux de culte. Le Mont-Saint-Michel fut un des établissements religieux qu’il dota de ses largesses, durant les six jours qu’il passa sous les blancs habits du catéchumène. Ce monastère lui dut la terre d’Ardevon, l’une de ses plus riches propriétés. Là ne s’arrêta pas sa bienveillance pour le Mont : il rappela sous la règle cénobitique les chanoines que la guerre en avait éloignés, et leur confirma leurs dotations anciennes. Ce refuge tumultueux redevint un lieu de prières, même cette restauration ne produisit pas l’effet que ce prince avait pu s’en promettre.
Le relâchement des mœurs, où le désordre des temps avait plongé les chanoines dans l’existence dissipée des villes, avait trop profondément vicié leur vie pour qu’ils pussent se plier de nouveau à l’abstinence de la vie solitaire. Guillaume Longue-Épée, qui succéda en 927 au premier duc de Normandie, Rollon, poursuivit la politique de restauration des monastères inaugurée par son père, jusqu’à son assassinat en 942, mais les nombreuses possessions dont il les enrichit, ne firent que développer leurs penchants mondains ; les villages de Madray ou Moidrey, Carcey, Mariney, Curey, les Forges, Solinnay, Macey, Dommaney, Scaley, la moitié de Crommerey, Pelton, Vergonçay, Mannay, Saint-Jean-sur-le-Rivage, avec l’église, le moulin, les prés et les vignes ; enfin le village de Mesnil-Rouge, furent ajoutés par la munificence de ce prince aux biens qui, avant les libéralités de Rollon, avaient pu suffire à leurs besoins. Les libéralités des ducs de Bretagne Conan le Tort, mort en 992, et Geoffroy Ier, mort en 1008, leur permirent de se faire ensevelir, au titre de bienfaiteurs, au Mont Saint-Michel.
Le rapide développement des richesses de l’abbatiale Saint-Michel finit par constituer un sérieux obstacle au bon fonctionnement, et même à la vocation religieuse de l’abbatiale. Dotés des moyens de satisfaire leurs passions, les chanoines dépensèrent en plaisirs les richesses provenant de la piété des princes tandis que l’église restait déserte ou n’était fréquentée par des clercs légèrement rétribués. Les nobles du pays cherchèrent à obtenir les bénéfices de la riche abbaye pour mieux les dépenser dans les plaisirs de la table, du monde et de la chasse, où se passa désormais exclusivement leur existence.
Lorsque Richard Ier « Sans Peur », le fils de Guillaume Longue-Épée, lui succéda comme duc de Normandie, il tenta de résoudre le problème en faisant comparaître les chanoines devant lui pour leur reprocher l’oubli leurs débordements et leur rappeler le caractère saint de l’abbaye. Après s’être efforcé, en vain, de les ramener à la régularité de la vie religieuse, par les remontrances, les prières et les menaces, Richard prit la résolution, après approbation du pape Jean XIII et du roi Lothaire, de les remplacer par un monastère de bénédictins.
S’étant rendu à Avranches, suivi d’un nombreux cortège de prélats et de seigneurs et de trente religieux sortis des abbayes normandes environnantes de monastère de Saint-Wandrille, de Saint-Taurin-d’Évreux et de Jumièges, Richard expédia un des officiers de sa cour avec plusieurs soldats au Mont Saint-Michel, pour notifier ses ordres aux chanoines : se soumettre aux austérités de la vie claustrale en prenant l’habit de saint Benoit, ou quitter le Mont. Seul un accepta, tandis que tous les autres abandonnèrent les lieux, laissant l’abbé Maynard Ier, qui venait de l’abbaye de Saint-Wandrille, y établir la règle bénédictine.
Au XIIe siècle, les bénédictins du Mont-Saint-Michel auraient eu, selon quelques auteurs, une grande influence sur le développement intellectuel de l’Europe en traduisant Aristote directement du grec en latin, à l’époque où d’autres traductions se font à Tolède depuis l’arabe.
« (...) la bibliothèque du Mont-Saint-Michel au XIIe siècle comportait des textes de Caton, le Timée de Platon (en traduction latine), divers ouvrages d'Aristote et de Cicéron, des extraits de Virgile et d'Horace... »
— Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Age, éd. Seuil, coll. Points Histoire, 1979, p.18..
En 1204, après la commise pour forfaiture, le roi de France Philippe-Auguste entreprit de s’emparer des fiefs continentaux du duc de Normandie Jean-sans-Terre. Ayant franchi, avec une armée, la frontière de Normandie pour exécuter cet arrêt, son allié, Guy de Thouars, duc de Bretagne, se jeta sur l’Avranchin à la tête d’une troupe de Bretons. Le Mont Saint-Michel fut le premier point vers lequel se dirigèrent les efforts de Guy de Thouars. Impuissantes à protéger la ville, les palissades, furent emportées d’un choc, la ville fut saccagée et les Montois massacrés, sans considération d’âge ou de sexe, mais l’assaut breton vint se briser contre les fortifications du monastère : après de longs et inutiles efforts, Guy de Thouars, désespérant de se rendre maître d’une enceinte défendue avec désespoir, effectua sa retraite en livrant la ville au feu. Le sinistre se développa avec une telle violence que les flammes, s’élançant vers le sommet du mont, débordèrent sur l’abbaye, dont elles réduisirent presque tous les bâtiments en cendres. Seuls, les murs et les voûtes résistèrent et échappèrent à cet embrasement. Philippe-Auguste ressentit la plus vive douleur de ce désastre, et, voulant effacer les traces de ce malheur, il envoya à l’abbé Jordan une forte somme d’argent destinée à réparer ces ravages. Reconstruit dans le style architectural normand, avec tailloirs des chapiteaux circulaires, écoinçons en pierre de Caen, motifs végétaux, etc., le cloître de la Merveille est achevé en 1228.
Au début du conflit, l’abbaye perd tous les revenus de ses prieurés anglais.
En 1356, les Anglais prennent Tombelaine et commencent le siège de l’abbaye. Peu de temps après, Bertrand du Guesclin est nommé capitaine de la garnison du Mont et remporte plusieurs victoires qui permettent d’écarter la menace anglaise pour plusieurs années.
En 1386, Pierre Le Roy est élu abbé et ordonne la construction de la tour Perrine, de la tour des Corbins et du Châtelet afin de défendre l’entrée du monastère. Après la bataille d'Azincourt, le nouvel abbé, Robert Jollivet, fait construire un rempart pour protéger la ville, ainsi qu’une citerne pour alimenter le Mont en eau douce. En 1419, Rouen tombe aux mains des Anglais. Le Mont est alors la seule ville de Normandie qui résiste à l’occupant. Craignant la puissance anglaise, Robert Jollivet offre ses services au roi d’Angleterre.
Charles VII nomme Jean VIII d'Harcourt capitaine du Mont. Le Mont est le seul site de Normandie resistant encore aux Anglais qui lancent une offensive en 1423 et font un blocus par la terre et la mer.
Le duc de Bretagne était averti, malgré son alliance avec l’Angleterre, des dangers que la possession de ce roc par ce pays représentait pour ses provinces. Sur ses ordres, le sieur de Beaufort, son amiral, Guillaume de Montfort, cardinal, et évêque de Saint-Malo, équipèrent secrètement dans ce port plusieurs vaisseaux que montèrent les seigneurs de Combourg, de Montauban, de Chateaubriand, etc., avec un grand nombre de chevaliers et d’écuyers bretons, tous résolus à attaquer les vaisseaux anglais. Cette expédition, armée en secret avec rapidité, fut prête à mettre à la voile sans qu’aucun bruit de ses préparatifs n’eût transpiré. Elle cingla aussitôt vers l’ennemi. Bien que surpris, les Anglais reçurent leur choc avec fermeté, et le combat s’engagea des deux côtés. L’habileté de leurs évolutions navales eût pu même donner quelque avantage aux vaisseaux anglais, si les Bretons, prévenant l’effet de ces manœuvres, ne les avaient abordés et immobilisés avec leurs grappins. À l’issue du corps à corps qui s’engagea alors sur chaque navire, la flotte anglaise fut jetée dans un tel désordre, que tout ce qui put échapper au fer chercha son salut dans une prompte déroute, ou périt dans les flots.
Lorsque l’escadre victorieuse vint aborder au Mont-Saint-Michel, les troupes assiégeantes, redoutant une attaque combinée des Montois et des chevaliers bretons, abandonnèrent à la hâte leurs bastilles, laissant toute liberté de ravitailler la place assiégée. À peine les Anglais eurent-ils vu s’éloigner l’escadre auxiliaire, qu’ils s’empressèrent de venir relever ses fortifications.
Le Mont Saint-Michel fut même serré avec plus de rigueur ; toutes ses communications avec la plage furent interceptées, et, à chaque marée, la garnison montoise ne pouvait tenter de ravitailler sans que la plage ne devint le théâtre d’escarmouches sanglantes.
Jean organise une attaque surprise et combinée d'allié, Jean de la Haye, et des assiégés contre des patrouilles anglaises qui se trouve écrasées (“plus de 200 cadavres restèrent sur place”) après quoi les Anglais se terrent dans leurs forts assiégants.
Jean d'Arcourt est tué à la bataille de Verneuil (août 1424) et est remplacé par Jean de Dunois, contesté en 1424. Les religieux du Mont renforcent leurs défenses sur leurs propres fonds. Les Anglais renforcent Tombelaine. Louis d'Estouteville remplace Jean le 2 septembre 1424, et ce dernier retire de la ville les femmes, les enfants et les prisonniers (17 novembre 1424). Tombelaine est encore renforcée. À chaque marée basse, les Anglais y descendent jusqu'aux murailles du Montt. La communication n'est possible qu'au prix d'escarmouches et de combats.
C'est en juin ou juillet 1425 que les Anglais recrutent des combattants, dont Robert Jollivet, y compris à Granville, dont Damour Le Bouffy (qui touche 122 livres pour 30 jours), et font une terrible attaque, qui échoue, contre les Michelistes et les chevaliers bretons.
En novembre 1425 : d'Estouteville organise une “sanglante leçon de prudence” : une sortie surprise en force qui culbute les Anglais, “le massacre fut horrible”. Les religieux gagent tous leurs accessoires précieux et renforcement leurs fortifications, construisent la porte, la herse et le pont-levis. Charles VII les encourage à la défense et, puisqu'isolés, les autorise à battre monnaie en 1426. Les Anglais se sont calmés jusqu'en 1433.
En 1433, un incendie ayant détruit une partie de la ville, les Anglais en profitent pour attaquer l’abbaye. C'est une grande offensive de Thomas de Scales le 17 juin, par grande marée basse, avec artillerie et machines de guerre. Les chevaliers normands défenseurs du Mont Saint-Michel en firent un tel massacre que les Anglais sont repoussés, et poursuivis sur les grèves. C'était la dernière attaque des Anglais, après laquelle ils se contentent de les surveiller depuis Tombelaine et leurs bastilles. Dès lors, le Mont ne subira plus de siège jusqu’à la libération de la Normandie en 1450.
L’abbaye avait été, sous l’Ancien Régime, un lieu de détention pour plusieurs personnes incarcérées en vertu de différentes juridictions mais les derniers bénédictins ayant quitté le Mont en 1791, sous la Révolution, celle-ci devient alors une prison où sont incarcérés, dès 1793, plus de 300 prêtres réfractaires. Après la détention de socialistes au Mont de Martin Bernard, Armand Barbès et Auguste Blanqui, divers intellectuels, dont Victor Hugo, dénoncent l’abbaye-prison qui sera fermée par décret impérial en 1863.
En 1794, un dispositif de télégraphe optique, le système de Chappe, est installé au sommet du clocher faisant ainsi du Mont-Saint-Michel un maillon de la ligne télégraphique Paris-Brest. En 1817, les nombreuses modifications effectuées par l’administration pénitentiaire entraînent l’écroulement de l’hôtellerie édifiée par Robert de Torigni.
Viollet-le-Duc visita le mont en 1835, mais ce furent ses élèves, Paul Gout et Édouard Corroyer (1835-1904), qui furent destinés à restaurer ce chef-d’œuvre de l’art gothique français.
Des travaux urgents de consolidation et de restauration de l’abbaye, classée monument historique en 1874, sont effectués par Édouard Corroyer. En 1896, une flèche s’élevant à plus de 170 mètres au-dessus de la mer est érigée.
L’archange Saint Michel qui couronne la flèche a été réalisé dans les ateliers Monduit qui avaient déjà travaillé pour Viollet-le-Duc .
En 1898, Paul Gout redécouvre, lors de fouilles sous le plancher de l’église, Notre-Dame-Sous-Terre qui sera complètement dégagée en 1959 une fois que l’architecte Yves-Marie Froidevaux aura installé une poutre en béton précontraint.
En 1966, à l’occasion de la célébration sous l’égide d’André Malraux du millénaire de l’abbaye, plusieurs monastères bénédictins envoyèrent quelques moines passer l’année 1966 au Mont, afin de célébrer à leur manière le caractère religieux millénaire du lieu, sans lequel le rocher serait sans doute resté à l’état quasi naturel. Une fois l’année passée, avec son flot de visiteurs et de colloques, une poignée de moines resta, en accord avec l’État, propriétaire des lieux. Leur premier prieur était le père Bruno de Senneville, venu de l’abbaye du Bec-Hellouin.
Cette petite communauté effectua pendant près de trente-cinq ans, par sa présence et la célébration du culte, une sorte de pèlerinage permanent sur les lieux, recevant elle-même les pèlerins de tous horizons. Ces pionniers permirent alors la restauration d’une communauté plus importante.
Depuis 2001, les Fraternités monastiques de Jérusalem, venues de l’église Saint-Gervais de Paris assurent la présence religieuse au Mont. Une communauté d’hommes et une communauté de femmes se retrouvent pour les offices dans l’abbatiale (ou dans la crypte Notre-Dame des Trente Cierges en hiver), rendant ainsi à l’édifice à sa destination originelle.
Depuis le début du XXe siècle, le père abbé de l’Abbaye Saint-Michel de Farnborough porte de droit le titre de « père abbé de l’Abbaye du Mont-Saint-Michel ». En effet, à cette époque, l’évêque de Coutances et Avranches le lui octroya pour récompenser l’abbaye de Farnborough pour le service rendu par certains de ses moines (des bénédictins français de l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes en exil) qui sont venus assurer une présence spirituelle au Mont auprès des pèlerins, de plus en plus nombreux à y revenir, rien n’étant fixé pour les accueillir. La charte d’octroi stipule que le père abbé portera ce titre jusqu’à ce qu’une nouvelle communauté bénédictine se réinstalle au Mont et réélise un nouveau père abbé, ce qui, n’étant pas réalisé à ce jour, est encore valable.
Les armes de l'abbaye du mont Saint-Michel se blasonnent ainsi :
Le nombre des coquilles a varié selon les époques. Le blason d'origine était probablement inversé quant aux couleurs (champ d'argent et coquilles de sable) en raison des coquilles naturelles du lieu, fort sombres. |