L’alose savoureuse a une chair blanche tendre et floconneuse qui est l'une des plus savoureuses. Elle contient toutefois beaucoup d’arêtes, ce qui en décourage certains. L’offre accrue d’autres poissons a par ailleurs contribué à réduire la consommation d’alose.
L’alose savoureuse est une espèce faisant l’objet de pêche commerciale au printemps et en été dans certains secteurs de la côte est nord-américaine tels la baie de Fundy, le fleuve Saint-Laurent, les rivières Miramichi, Saint-Jean et Annapolis, etc. Aujourd’hui de faible intensité, la pêche commerciale de l’alose savoureuse a connu son heure de gloire vers la fin du 19e siècle, autant sur la côte est américaine qu’au Québec et dans les provinces maritimes du Canada. Au Québec, l’arrivée des aloses coïncidait avec la floraison des pruniers et des pissenlits et elle était très attendue par les riverains après un long hiver où la nourriture fraîche se faisait rare. La pêche à l’alose savoureuse est effectuée à l’aide de filets maillants fixes ou dérivants, de bordigues mouillées en zone intertidale, de fascines, de trappes ou de seines. L’importance économique de cette pêche a beaucoup diminué depuis 25 ans, en partie à cause d'une diminution de la demande du marché. Au Québec, l’espèce ne fait présentement l’objet d’une pêche commerciale que dans certains secteurs localisés du fleuve Saint-Laurent, en aval de Trois-Rivières.
La pêche sportive est populaire de longue date aux États-Unis, peut-être plus qu’au Canada. Dans les rivières Connecticut et Delaware, la valeur annuelle des captures d’aloses s’estime à 10 millions de dollars. Elle gagne en popularité dans les rivières de la Nouvelle-Écosse et du Québec. Dans les Maritimes, c’est principalement dans la rivière Annapolis que se pratique la pêche sportive à l’alose savoureuse, les quantités des prises dépassant même, pour certaines années, les prises commerciales de cette même rivière. Au Québec, cette pêche est essentiellement pratiquée dans la région de Montréal, surtout au site de la centrale de la rivière des Prairies. La pêche à la mouche est la méthode utilisée pour capturer l’alose savoureuse. Le rendement est le plus élevé vers la fin mai et entre 6h et 17h. L’espèce serait plus pêchée pour les sensations fortes procurées que pour la consommation de sa chair.
Espèce anadrome, l’alose savoureuse délaisse son aire de croissance en mer pour entreprendre une migration en eau douce et s’y reproduire. Ce phénomène instinctif de retour à la rivière natale est dénommé «homing». Le déclenchement de la migration, la fraie elle-même ainsi que l’éclosion des œufs semblent être régulés par la température de l’eau. La répartition même de la montaison des poissons migrateurs serait influencée de manière importante par l’importance des débits de la rivière, l’orientation des courants et la sensibilité olfactive du poisson.
Quelle que soit leur propre rivière d’origine, les aloses se rassemblent en bancs dans plusieurs secteurs pélagiques de la côte est américaine, mais sans jamais s’éloigner du plateau continental (Dadswell 1984). Elles s’exposent ainsi, dans leurs déplacements océaniques, à des conditions homogènes qui seraient en partie liées à leur sélection préférentielle de températures (allant de 13 à 18°C). Au contraire, le lieu précis où les géniteurs se reproduisent expose du même coup les jeunes de l'année à vivre ses conditions uniques.
Après la reproduction estivale, les géniteurs dévalent et se rassemblent en bancs dans l’océan. Les nouvelles larves issues des œufs vont quant à elles passer leur premier été en rivière avec leur 9 à 10 mm de longueur, alors que ce sera plus tard, après avoir dérivé en aval et être devenues des juvéniles de 51 à 76 mm de longueur, que ces jeunes de l’année entreront en mer à l’automne et y demeureront jusqu’à maturité sexuelle.
Dès la résorption de son sac vitellin, la larve commence à s’alimenter de zooplancton et au fil de sa croissance, son régime alimentaire se diversifie. Il inclut alors des œufs d’invertébrés, des copépodes, des insectes de jeunes stades et des alevins d’autres espèces de poissons (Marcy 1976). Son mode d’alimentation serait par ailleurs opportuniste d’après des études (Levesque et Reed 1972) révélant que le contenu stomacal reflète l’abondance des proies du milieu larvaire. Rendus au stade juvénile, on dénote chez les alosons leur tendance de regroupement en bancs dont la taille aurait une incidence sur le taux de survie des individus. Chaque juvénile y subit moins de stress et réduit ses dépenses métaboliques en comparaison avec un poisson solitaire. De cette manière, le regroupement en bancs des juvéniles contribuerait à rendre leur comportement d’alimentation plus efficace (Ross et Backman 1992). La période de résorption du sac vitellin du stade larvaire est considérée comme un moment critique dans le cycle de vie de l’alose. Il semblerait que la densité de sa nourriture, le zooplancton, soit corrélée avec la mortalité larvaire. La force d’une cohorte serait plus grande lorsque dans sa phase critique en eau douce la densité du zooplancton est élevée. L’alimentation peut donc être considérée comme un facteur clé de la force d’une cohorte (Crecco et al. 1983).
Pendant sa période de croissance en mer, peu de choses sont connues sur la vie de l’alose savoureuse, surtout dans les premières années de son cycle de vie, sinon qu’elle s’y rassemble en bancs. Son régime alimentaire comprend essentiellement des copépodes et des mysidacés ainsi que des quantités moindres d’autres crustacés planctoniques et de petits poissons. Toujours en groupe, elle se déplacerait surtout dans les zones pélagiques turbides et riches en plancton au large des côtes du plateau continental et se livrerait à des migrations verticales pour suivre les organismes dont elle se nourrit (Neves et Depres 1979). Par ailleurs, tous les stocks d’aloses se maintiendraient dans des aires communes de croissance l’été comme l’hiver (études de marquage réalisées par Dadswell et al. 1983 et Mervin et al. 1992).
Lorsqu’elle a atteint la maturité sexuelle et entame la montaison en eau douce, elle mange peu ou pratiquement rien, fixant ses priorités sur l’accomplissement de la reproduction. Par après, elle recommence à manger en eau douce lors de sa dévalaison.
Les mâles sont les premiers arrivés à la rivière de fraie. Lorsque les femelles y parviennent peu de temps après, l’acte de fraie sera accompli si les conditions sont propices, soit plus particulièrement à des températures d’au moins 12°C ainsi qu’à partir du crépuscule. L’apogée des activités de reproduction survient à des températures près de 18.3°C en mai et juin, voire jusqu’en juillet dans les eaux canadiennes.
L’acte se produit tout juste sous la surface de l’eau, la femelle accompagnée de plusieurs mâles. L’action des géniteurs est visible par leur nage vigoureuse qui laisse une trace d’écume. Cette parade nuptiale coupant à travers l’eau est accompagnée de sons particuliers dénommés clapotements (littéralement ce sont les sons émis lors des «sauts d’aloses»). La femelle relâche ses œufs en eau libre et c’est ainsi que les mâles les fécondent.
Étudiés attentivement et avec prudence, ces sons permettent aux chercheurs d’évaluer l’intensité de l'activité de fraie et l’abondance des géniteurs sur un site, d’en délimiter l’aire, voire de découvrir d’autres sites de fraie dans des régions potentielles à la présence de l’espèce. La confirmation de la fraie s’effectue ensuite par l’ajout d’autres techniques. La méthode auditive est alors complétée par la pêche au filet des géniteurs et plus souvent par l’échantillonnage des œufs. Les œufs fécondés ont un diamètre de 2.5 à 3.5 mm et sont transparents, de coloration rose pâle ou ambrée. D’autre part, ils ne sont pas adhérents et sont un peu plus denses que l’eau ambiante. C’est ainsi que libres dans l’eau, ils sont emportés par le courant et éclosent dans les 8 à 12 jours suivants alors que la température se situe entre 11 et 15°C.
L’alose savoureuse serait prolifique par son nombre d’ovules en développement chez la femelle reproductrice qui se situerait entre 58 000 et 659 000 (Cheek 1968 et Roy 1968). Mais en moyenne, la production de la femelle est estimée entre 20 000 et 150 000 œufs suivant sa taille. Cependant, les plus grandes femelles ne produisent pas nécessairement plus d’œufs, car la fécondité varie avec la taille mais est aussi fonction de la latitude de la rivière d’origine.
Une gradation dans la répartition géographique des stratégies de reproduction a été identifiée dans une étude portant sur cinq populations d’aloses savoureuses de la côte est américaine. Le facteur principal semblant influencer le comportement de reproduction est la variabilité du régime de températures qui affecte la survie des œufs et des larves dans leur environnement natal en eau douce. Les populations les plus au nord de la répartition de l’espèce (e.g. dans le secteur du fleuve Saint-Laurent, au Québec) sont exposées à l’instabilité du régime thermique alors que la reproduction s’effectue seulement à l’intérieur d’une étroite bande de températures.
On dit que la durée de l’optimum thermique pour le développement des œufs et des larves diminue vers le nord alors que la variabilité du régime thermique augmente. En fait, la proportion de géniteurs itéropares est importante au nord du 32°N alors que cette proportion chute au sud pour donner lieu à des géniteurs en majeure proportion semelpares. La fécondité relative reflète une relation inverse (et linéaire). Vers le nord, les populations distribueraient leurs risques en des reproductions multiples moins fécondes sur une durée de vie plus longue (fréquence de survie post-fraie élevée) alors que vers le sud, où les conditions environnementales sont plus stables et la durée des températures optimales plus longue, elles se reproduiraient en une seule fraie beaucoup plus féconde sur une durée de vie plus courte (fréquence de survie post-fraie faible). Ainsi, l’âge à maturité augmente avec la latitude.
Cette tendance dans les caractéristiques de reproduction représente différentes adaptations liées aux coûts imposés lors de la migration de fraie ainsi qu’à l’instabilité des conditions propices aux stades clés (e.g. la survie des œufs et des larves dépend d’une gamme étroite de températures), et ce, de manière indépendante aux conditions de croissance (les aloses de toutes les populations produiraient globalement la même quantité d’œufs au cours de leurs existences). Ainsi, il doit nécessairement y avoir un compromis pour l’allocation de l’énergie entre la survie des géniteurs (croissance pré- et post- fraie variable) et la production des gonades (fécondité relative variable) pour une adaptation particulière. Ce compromis diffère selon la variabilité de l’environnement et donc du même coup selon la stratégie locale. Ainsi, une fine régulation de l’histoire de vie et du retour à la rivière de fraie des populations, combinée aux caractéristiques uniques à ces tributaires, aurait amené ces variations intraspécifiques mesurées chez l’alose savoureuse, que l’on associe aux différentes stratégies locales d’adaptation. Par ailleurs, les caractéristiques génétiques propres à l’alose savoureuse la rapprochent plus de l’espèce européenne que des autres espèces américaines d’alose lorsque le degré de divergence génétique entre en jeu.