Baroque sicilien - Définition

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Naissance du baroque sicilien

Illustration no 5
La Piazza Pretoria de Palerme. La fontaine (vers 1554), œuvre de Francesco Camilliani, est le seul exemple d’art de la Haute-Renaissance dans la cité. Elle est surplombée par l’église Sainte Catherine (vers 1556) et par son dôme baroque plus tardif.

La Sicile, petite terre volcanique de la Méditerranée centrale, a été colonisée par les Grecs, durement administrée par les Romains, soumise à l’Empire byzantin, conquise par les hordes barbares, érigée en émirat musulman, puis en duché normand, avant d’être cédée aux Hohenstaufen, gouvernée par les Plantagenêts et enfin par l’Espagne. L’île passera ensuite aux Bourbons napolitains, et ne sera finalement unie au Royaume d’Italie qu’en 1860. Les Siciliens ont ainsi absorbé de nombreuses cultures, ce qui se traduit par une grande variété architecturale.

Une forme innovante d’architecture décorative et classique, spécifique à la Sicile, avait commencé à s’affirmer dès les années 1530. Fortement influencée par les ruines des monuments grecs et par les cathédrales normandes édifiées sur l’île, cette émancipation passa notamment par l’adoption de motifs architecturaux typiques de l’art de la Grèce antique, tels que celui de la « clé grecque ». L’empreinte de l’art normand, quant à elle, continuait à se faire sentir par l’utilisation d’arcs et par l’importance accordée aux ouvertures de fenêtres.

Cette architecture naissante est à plus d’un titre exceptionnelle : contrairement à celle de l’Europe continentale, en effet, elle ne trouvait pas sa source dans l’architecture de la Renaissance mais constituait en réalité une forme évoluée de Gothique normand. L’art de la Renaissance toucha à peine la Sicile : même dans la capitale qu’est Palerme, le seul ouvrage appartenant à la Haute-Renaissance est une fontaine apportée de Florence, où elle avait été construite vingt ans plus tôt. (illustration no 5)

Quelle que soit la raison pour laquelle le style de la Renaissance ne devint jamais populaire en Sicile, il ne s’agissait en aucun cas d’ignorance. Antonello Gagini était engagé dans la construction de l’église Santa Maria di Porto Salvo lorsqu’il trouva la mort en 1536. Il fut remplacé par l’architecte Antonio Scaglione, qui abandonna le style Renaissance de son prédécesseur pour finir l’édifice dans un style normand. C’est donc bien cet art normand qui semble avoir influencé l’architecture sicilienne pratiquement jusqu’au tremblement de terre de 1693. Même la période du maniérisme semble avoir oublié la petite île. Au final, seule la ville de Messine présente un réel héritage de la Renaissance, en partie pour des raisons géographiques : Messine, si proche du continent que l’on peut y apercevoir les côtes de l’Italie, a toujours été plus réceptive aux courants artistiques qui y fleurissaient. Les mécènes de l’aristocratie locale faisaient souvent appel à Rome ou Florence pour leur fournir un architecte : un exemple nous en est fourni par le Florentin Giovanni Angelo Montorsoli, qui importa à Messine un art typiquement toscan vers le milieu du XVIe siècle. Toutes ces influences restèrent toutefois largement confinées à Messine et à ses environs immédiats.

Cela ne signifie pas que la Sicile était indifférente à ce qui se passait ailleurs en Europe. Le paysage architectural des principales villes siciliennes fut profondément influencé par la famille du sculpteur Domenico Gagini, qui arriva de Florence en 1463. Cette fratrie de sculpteurs et de peintres commença à décorer les églises et les autres édifices de sculptures très décoratives et figuratives. Entre 1531 et 1537 – moins d’un siècle après l’arrivée de sa famille – Antonio Gagini acheva l’arc aux allures de proscenium de la Cappella della Madonna, dans le Santuario dell'Annunziata de Trapani. Cet arc agrémenté d’un fronton est non pas gravé de décorations, mais lourdement orné de bustes de saints en relief. Le fronton est quant à lui décoré de saints allongés, qui soutiennent une frise menant jusqu’au bouclier qui couronne le fronton. Cette composition audacieuse fut le premier signe indiquant que la Sicile développait sa propre forme d’architecture décorative. On retrouve un style très similaire sur la Chiesa del Gesù de Palerme, édifiée entre 1564 et 1633, et qui montre elle aussi des signes précoces de baroque sicilien (illustration no 15).

Illustration no 6
La place Quattro Canti de Palerme, tracée vers 1610, est un bon exemple de baroque sicilien précoce.

On peut ainsi constater que l'architecture baroque avait commencé à évoluer en Sicile bien avant le séisme de 1693. Il est cependant difficile d'évaluer et d'apprécier pleinement la valeur architecturale de ces bâtiments plus anciens, dont la plupart remontent aux années 1650, étant donné que beaucoup ont précisément été détruits par le tremblement de terre. Souvent, même les documents répertoriant ces constructions ont disparu, effaçant ainsi toute trace de ces dernières. Les informations ont été un peu plus brouillées par la suite du fait de nouveaux séismes et des lourds bombardements de la Seconde Guerre mondiale.

L’exemple d'urbanisme baroque le plus précoce encore subsistant sur l'île est la place du Quattro Canti à Palerme, construite vers 1610, un carrefour réalisé par Giulio Lasso où se rejoignent les deux principales artères de la ville. Tout autour de l’intersection s'étend une piazza (ou cirque) de forme octogonale. Aux quatre espaces ouverts par les rues correspondent quatre édifices dont les façades courbées épousent harmonieusement la forme circulaire de la place. Ces quatre grands bâtiments sont agrémentés de fontaines à leur base, qui ne sont pas sans rappeler les Quattro Fontane du pape Sixte V à Rome. Les trois étages des édifices sont décorés de statues nichées dans de petites alcôves et représentant respectivement les quatre saisons, les quatre souverains espagnols de la Sicile et les quatre saintes patronnes de Palerme : sainte Christine, sainte Ninfa, sainte Olive et sainte Agathe. Bien que chacune des façades soit très plaisante à l'œil, l’ensemble est disproportionné par rapport à la taille modeste de la place : comme la plupart des autres exemples de baroque sicilien précoce, le Quattro Canti peut donc être taxé d'une certaine naïveté, d'une lourdeur excessive dans l'exécution, voire de provincialisme, surtout en comparaison des ouvrages à venir.

Au-delà de ses mérites ou de ses défauts, il était évident dès le XVIe siècle que le baroque des architectes et sculpteurs locaux commençait déjà à dévier du baroque de l’Italie continentale. La régionalisation du baroque n'était d'ailleurs pas spécifique à la petite île, et se reproduisait dans d'autres contrées européennes telles que la Bavière ou la Russie. Le baroque Narichkine, typique de la région moscovite, est par exemple aussi excentrique que son cousin sicilien.

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