L’architecture baroque apparaît au début du XVIIe siècle en Italie et se propage rapidement dans toute l'Europe. Elle utilise le vocabulaire esthétique de l'architecture Renaissance d'une façon nouvelle, plus rhétorique, plus théâtrale, plus ostensible afin de servir le projet absolutiste et triomphal de l'État et de l'Église. L'architecture baroque, comme le baroque lui même, est caractérisée par un usage opulent et tourmenté des matières, des jeux d'ombre et de lumière, de la couleur.
Le développement du style baroque est généralement défini comme consubstantiel de la Contre-Réforme. Il a néanmoins été adopté par les élites des pays protestants du nord de l’Europe et par celles du monde orthodoxe slave. Sa naissance à Rome est concomitante avec celle de la compagnie de Jésus, fondée en 1537 pour renforcer l’influence catholique perdue et évangéliser le Nouveau Monde ; et avec celle du concile de Trente (1545-1563) qui réforme les excès les plus patents de l'Église catholique romaine dont la réputation était entachée par le népotisme systématique et le scandale des indulgences. Il a ainsi essaimé dans l’Europe entière et le Nouveau-Monde.
Le dernier édifice de Michel-Ange, la basilique Saint-Pierre, peut être considéré comme le précurseur de l’expression baroque en architecture, de par ses dimensions colossales inédites. Son élève, Giacomo della Porta en développe le langage, en particulier à travers l’élévation de la façade l’église du Gesù (1584), église-mère de la compagnie de Jésus alors en pleine expansion. Cet édifice est souvent considérée comme le premier exemple d’architecture baroque lequel influencera l’architecture religieuse pour le siècle à venir.
Le style baroque se développe à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, d’abord à Rome, puis dans le reste de l’Italie. Il respecte tout d'abord le paradigme romain de la basilique en croix dont le chœur est surmonté d'un dôme. Outre l’Église du Gesù sus-citée, on considère que le pionnier de l'architecture baroque religieuse est Carlo Maderno avec son église Sainte-Suzanne, construite entre 1585 et 1603. Le rythme dynamique des colonnes et pilastres, la façade centralisée et complexe, liant rigueur et jeu sur les codes classiques de la Renaissance, les statues placées dans des niches et rappelant furieusement la structure de la scène d'un théâtre romain antique en font l'un des premiers exemples du baroque. Ce premier essai est poursuivi par Pierre de Cortone dans son église Notre-Dame-de-la-Paix de Rome (1656) avec des ailes concaves qui rappellent une scène de théâtre et dont la partie centrale s'avance comme pour occuper la petite place qui lui fait face.
La mode architecturale est lancée - elle lie théâtralité et domination sur l'espace urbain environnant. Elle sera la norme pour les cent cinquante ans à venir.
L’exemple le plus abouti est sans conteste l'approche trapézoïdale vers la basilique Saint-Pierre qu'offre la place Saint-Pierre dessinée par Le Bernin et qui est reconnue comme un chef d’œuvre de la théâtralité baroque sur une échelle colossale sans précédent. Deux ailes de colonnades donnent sa forme au parvis monumental, elles s'écartent depuis la basilique comme deux bras protecteurs qui accueilleraient la foule. Le plan elliptique est typique de l'architecture baroque. De son propre aveu, l’œuvre favorite du Bernin est l’église Saint-André du Quirinal (1658) qui utilise le plan ovale. Avec son maitre-autel aérien et sa décoration de marbres polychromes, elle va servir de modèle à toute une série d'églises baroques.
Le Bernin a également été actif en architecture civile avec les palais Barberini (1629) et Chigi (1664), à Rome. À mi-chemin entre sculpture et architecture, sa fontaine des Quatre-Fleuves provoque l’admiration pour son génie dans toute l’Europe.
Le rival du Bernin dans la capitale de la chrétienté est Francesco Borromini dont les plans s'éloignent encore plus des canons esthétiques de la Renaissance avec des compositions encore plus dramatiques. Applaudi par la génération suivante comme un architecte révolutionnaire, qui écarte l'approche anthropomorphe de la Renaissance pour privilégier une approche modulaire, l'interpénétration géométrique savante des courbes et contre-courbes qui est le mieux illustrée par la façade de son église Saint-Charles-des-Quatre-Fontaines au plan elliptique aux indentations concaves et convexes et dans le clocher en spirale de l'église Sant'Ivo alla Sapienza qui présente une façade en arc de cercle inversé (voir illustration ci-dessus).
Suite au décès du Bernin en 1680, Carlo Fontana s'impose comme l'architecte le plus influent à Rome. Certaines de ses réalisations (la façade concave de l’église San Marcello al Corso en particulier) valent d'être mentionnées mais il n'atteint pas la créativité débridante de ses prédécesseurs. Au XVIIIe siècle la capitale culturelle de l'Europe se déplace de Rome à Paris.
Des variantes plus flamboyantes et moins classiques du baroque apparaissent dans le courant du XVIIe siècle dans le sud de l'Italie, en Sicile notamment sur la fin du siècle (voir l'article consacré au baroque sicilien) mais bien avant dans la ville de Lecce dans les Pouilles où son principal représentant, l'architecte Giuseppe Zimbalo, s'inspire du style plateresque espagnol - le royaume de Naples étant alors sous domination espagnole.
Le rococo italien qui fleurit au XVIIIe siècle , surtout à partir de 1720 est profondément influencé par les idées de Borromini. Les architectes les plus talentueux, alors actifs à Rome sont Francesco de Sanctis, auteur du degré monumental de la Piazza di Spagna en 1723 et Filippo Raguzzini qui conçoit la place Saint-Ignace de Loyola (1727) comme une scène de théâtre — mais ils n'ont qu'une influence limitée hors des frontières italiennes, pas plus que les plus doués représentant du très raffiné baroque sicilien, comme Giovanni Battista Vaccarini, Andrea Palma ou Giuseppe Venanzio Marvuglia.
Le baroque tardif en Italie s'exprime dans toute sa splendeur dans le Palais de Caserte construit par Luigi Vanvitelli, sans doute l'une des plus vastes constructions du XVIIIe siècle qui en a tant vues. Influencé par les modèles français et espagnol (le royaume des Deux-Siciles vient à peine de conquérir son indépendance de la couronne d'Espagne et ses souverains sont néanmoins Espagnols), le palais royal de Caserte s'intègre harmonieusement dans le paysage alentours. Le bâtiment est classicisant dans le détail et annonce le néoclassicisme qui va prendre la place du baroque
Il y a trois facteurs principaux du baroque, initialement italien, au-delà des Alpes et dans toute l'expansion d'Europe :
Les Français appellent « classique » l’architecture du siècle de Louis XIV et de ses successeurs et rejettent l'appellation, péjorative en français de « baroque ». Cette opposition entre un classicisme « raisonnable » à la française et un baroque « excessif » à l’italienne trouve sa source dans la volonté, affirmée dès le XVIIe siècle, de supplanter Rome et, dans les faits, c’est le moment où Versailles et la cour du Roi-Soleil prennent la place de l’Italie comme foyer de rayonnement culturel. Le tournant est le refus des plans du Bernin en avril 1665 pour la colonnade du Louvre : l’architecte le plus célèbre, le plus demandé d’Europe est rejeté par la Cour de France ! Ceci dit, l’architecture française des règnes de Louis XIV et Louis XV comporte tous les éléments baroques : goût pour la magnificence, la perspective, le décor et la plupart des historiens de l’art considèrent l’architecture du temps comme baroque.
L'architecture baroque est redevable aux Français de l'invention du château à trois corps de bâtiments. Le modèle en vigueur jusque là est celui du palazzo italien : une austère sinon grandiose façade sur la rue, une ou plusieurs cours intérieures bordées de colonnade ou non. La créativité des architectes s'expriment dans les marges : grand escalier, galerie intérieure.
Avec le Palais du Luxembourg (1615-31), la reine mère et son architecte, Salomon de Brosse mettent au point le palais à trois corps de bâtiments qui deviendra le modèle obligé de l'architecture palatine. Pour la première fois, le corps de logis est mis en avant, hiérarchiquement parlant, alors que les ailes latérales sont sciemment plus dénudées.
De Brosse y mélange habillement des éléments à la française (toits mansardés et décorés) et italiens (en particulier le traitement « rustique » du parement de pierre, comme au Palais Pitti). Cette synthèse est caractéristique du style Louis XIII.
L'architecte le plus accompli dans ce nouveau style qui émerge est sans aucun doute François Mansart, l'infatigable perfectionniste qui introduit le baroque en France. Ses plans pour le château de Maisons-Laffitte (1642), réussissent à concilier les approches françaises et italiennes tout en démontrant un respect pour la tradition gothique syncrétique en France. Maisons-Laffitte fait la transition entre le château de la Renaissance et celui du XVIIIe siècle. Strictement symétrique, sa façade s'articule sur trois éléments, un corps central et deux pavillons latéraux, elle reprend une invention italienne : un ordre architectural pour chaque étage. Le frontispice avec son ornementation et son toit surhaussé est typiquement baroque.
Avec le château de Vaux-le-Vicomte, Louis Le Vau reprend le standard imposé par Mansart et le « baroquise » encore un peu plus. Il s'agit d'affirmer la puissance du propriétaire, le surintendant Nicolas Fouquet.
L’hôtel des Invalides est édifié entre mars 1671 et février 1677 par Libéral Bruant et sa chapelle aux dimensions baroquement basilicales est achevée en 1706 par Jules Hardouin-Mansart.
De nombreuses églises françaises, de nombreux retables adoptent la manière baroque. La volonté de prestige de Louis XIV fait passer pour un classicisme, ce « baroque à la française » qui concurrence dans de nombreuses cours européennes l’art italien qui décline alors. Qu'elles soient religieuses ou civiles, la plupart des constructions « classiques » françaises auraient pu être édifiées ailleurs en Europe et sont, dans leur essence même, totalement baroques.
Il faut également citer l'Art baroque savoyard qui est un style artistique religieux issu de la Contre-Réforme (milieu du XVIe siècle) consistant à l'aide de l'architecture, de la peinture et de la sculpture à mettre en scène la foi, notamment autour du retable. Ce mouvement connut un véritable dynamisme dans les églises de Savoie aux XVIIe et XVIIIe siècles .
Au fur et à mesure que pénètre l'influence italienne au-delà des Pyrénées, elle fait reculer l'approche classicisant en vogue jusqu'alors sous la férule de Juan de Herrera. En 1667, les façades de la cathédrale de Grenade par Alonso Cano annoncent la victoire du baroque en Espagne. S'ensuit la cathédrale de Jaén par Eufrasio López de Rojas qui intègre les leçons baroques au structures architecturales spécifiquement espagnoles.
En contraste avec l'art du nord de l'Europe, les Espagnols ont créé un art qui fait appel aux sens plus qu'à l'intellect. La famille Churriguera, architectes spécialisés dans le dessin et la construction d'autels et de retables s'est opposée au style dépouillé qu'on appelle « herreresque » en référence à son inventeur et promoteur principal, Juan de Herrera, et a promu un style exagéré, élaboré, presque capricieux qui couvre chaque pouce de surface disponible avec un motif et qui est passé à la postérité sous le vocable de « churrigueresque ». En moins d'un demi-siècle, les Chirrugera transforment Salamanque en une cité modèle du style churrigueresque.
Le Portugal, sous domination espagnole entre 1580 et 1640, est dans la sphère d'influence culturelle de son grand voisin et ne s'en distingue (ce qui est vrai aussi pour le Brésil vis-à-vis des colonies espagnoles d'Amérique latine) que par une atténuation sensible, empreinte d'une douceur toute portugaise.
Aux riches Pays-Bas espagnols (peu ou prou la Belgique actuelle), la même approche prédomine, qui lie une surcharge décorative à la structure architectonique et qui fait passer la fluidité au second plan. On mentionnera l'église Saint-Michel de Louvain avec sa façade exubérante sur deux étages, ses bouquets de colonnes et l'intégration complexe d'un modénature sculptée de style français.
L'Amérique latine est dans la sphère d'influence du baroque chirrigueresque espagnol et se caractérise par une surcharge décorative mâtinée d'influences locales qui donnent toute sa saveur au baroque latino-américain.
Typiquement, les villes qui se construisent alors comprennent une Plaza Mayor (le célèbre Zócalo de Mexico en est l'exemple le plus grandiose) qui réunit les bâtiments des pouvoirs administratif et religieux : palais du vice-roi ou de son représentant et la cathédrale (là encore, Mexico se distingue avec sa cathédrale métropolitaine, la plus large du continent).
La conquista avait eu pour conséquence un dramatique déclin démographique, les conquistadores apportant avec eux la variole, une maladie des plus virulentes qui décimèrent les populations amérindiennes lors de leur arrivée sur le continent en 1518. Le XVIIe siècle voit un renouveau démographique et la construction de nombreuses villes dont certaines ont gardé leur cachet originel. Citons Ouro Preto au Brésil, Morelia au Mexique.
Comme dans la vieille Europe, les ordres religieux ne sont pas en reste. Les Jésuites en particulier y ont laissé un témoignage architectural unique de leurs missions, comme à São Miguel das Missões.
L'Église Saint-Michel de Munich, commandée par les Jésuites et construite entre 1583 et 1597, est souvent considérée comme le premier exemple du baroque au-delà des Alpes, mais, tout comme l’œuvre d’Elias Holl (1573 - 1646) à Augsbourg, cette tentative avait été interrompue par la guerre de Trente Ans et n'avait pas donné suite. Il faut attendre 1648 et la fin de la guerre de Trente Ans pour que l’art baroque s’épanouisse avec force dans le Saint Empire romain germanique. Cette période faste atteint son apogée entre 1690 et 1720, notamment suite au déclin du nombre de chantiers en Italie. Nombre de maitres-maçons italiens traversent alors les Alpes, les magistri Grigioni, les Carlone de Lombardie, les Lurago du Tessin trouvent à s’employer alors que la guerre de Trente Ans et l’absence de chantiers a dépeuplé les rangs des spécialistes allemands de la construction.
Dès lors les nouveaux foyers de création sont Vienne et Prague. Aux alentours, les ordres ecclésiastiques sont amenés à se construire de somptueux bâtiments : leurs abbayes et monastères ont souvent été détruits ou pillés par les troupes protestantes. L'Allemagne est morcelée par le Kleinstaaterei, le prince de chaque micro-État entre en compétition avec son voisin et se fait construire de fastueux palais.
Parallèlement, la puissance de l'Autriche s'affirme, et comme pour mieux souligner l'ascension de la monarchie des Habsbourg, la noblesse se fait bâtir nombre de palais par les grands architectes que furent Lukas von Hildebrandt et Johann Bernhard Fischer von Erlach qui développe un style « impérial » aux multiples références historicisantes particulièrement visible dans l'église Saint-Charles-Borromée de Vienne. Aidés par leurs importants revenus fonciers, les Monastère d'Ottobeuren, Benediktbeuern, Rottenbuch, Melk, Břevnov, etc., font appel aux grands architectes allemands, dont beaucoup se sont formés en Italie, mais qui n'en développent pas moins un style propre à l'Allemagne méridionale, fait de mouvement et de couleur qui aboutira au rococo.
Le renouveau du baroque au début du XVIIIe siècle est bien en Autriche, autant dans les campagnes grâce à Jakob Prandtauer que à Vienne.
À Dillingen, les Jésuites innovent et inventent un nouveau concept, le « mur pilier » (Wandpfeiler) qui tient son origine dans le principe (allemand déjà et somme toute ancien puisque gothique) de l’église-halle : les contreforts sont placés à l'intérieur de la construction sous forme de colonnes ou de piliers reliés au mur externe par des murs non-porteurs, mettant à nu le « squelette » structurel. On parle d'« école de Vorarlberg » à ce sujet, les premiers essais étant situés dans cette région limitrophe. La voûte est généralement en berceau et repose sur un entablement horizontal qui retombe sur des arcs transversaux, entre les arcs de hautes baies vitrées éclairent des chapelles latérales.
Cette solution architectonique procure plusieurs avantages : un éclairage latéral, un espace central facilement modulable et facile à redécorer au goût du jour comme cela sera le cas dans plusieurs églises (qui connaissent un « toilettage » rococo ou néoclassique).
En Bohême, on voit apparaitre un « baroque radical » sous l'influence de Christophe Dientzenhofer et surtout de son fils Kilian Ignace Dientzenhofer qui s'inspirent de Camillo-Guarino Guarini et se caractérise par l'ondulation des murs piliers et l’usage d'ovales, dans la conception de l’arcature de la voûte, qui s'intersectent. Le chef d’œuvre du baroque radical est sans conteste l’église Saint-Nicolas de Malá Strana à Prague.
L'influence du baroque radical est perceptible dans beaucoup d'églises bavaroises du l'architecte Johann Michael Fischer comme par exemple à Ottobeuren et au monastère de Benediktbeuern. Les réalisations de Johann Balthasar Neumann, en particulier en l'église de pèlerinage des Quatorze saints intercesseurs, sont considérées comme la synthèse définitive du baroque allemand et du baroque radical de Bohême.
L'architecture palatine du baroque allemand de l'époque est trop variée et trop nombreuse pour qu'on nomme tous les palais et châteaux que les potentats, princes, évêques, électeurs, margraves, rois ou empereurs se construisent alors. Citons dans le désordre le Belvédère, cadeau au prince Eugène de Savoie-Carignan pour services rendus à la couronne, le palais Schönborn, les châteaux Augustusburg et Falkenlust de l'évêque de Cologne, la résidence de Wurtzbourg des princes-évêques de la ville, Schönbrunn construit pour l'empereur du Saint Empire - tous, à un degré ou un autre, réalisent la synthèse entre le modèle français illustré par Versailles (château entre cour et jardin avec cour d'honneur côté ville) et le modèle italien ou espagnol (un « pâté » aussi large et imposant que possible avec une façade uniforme). Plus le siècle avance, plus le modèle français prend le dessus mais intègre des éléments spécifiquement allemands que sont l'escalier « à l'impériale » et la salle d'honneur. Alors que le château ou l'hôtel particulier français possède une cage d'escalier relativement sobre au parement de pierre de taille où la décoration se concentre dans la rampe en fer forgé et le « grand salon » conserve une taille modeste, le palais allemand et autrichien fait de ces pièces un espace de représentation, y concentre toute la décoration et n'hésite pas à percer la salle d'honneur sur deux étages.
Le palais Zwinger fait exception et mérite qu'on s'y attarde. Œuvre de Matthäus Daniel Pöppelmann, Oberlandbaumeister d’Auguste II, roi de Saxe et de Pologne, le Zwinger se destinait à être une cour pour les tournois et les fêtes de la brillante cour de Saxe. Pöppelmann l'appelait lui-même le « théâtre romain ». On y retrouve tous les éléments baroques : théâtralité, affirmation de la puissance et richesse du souverain, perspective (l'axe principal aboutit vers une tour qui domine la ville et la campagne environnante) et lignes horizontales continues interrompues par les pavillons.
Autre témoignage, plus modeste celui-ci, de la créativité débridée et ludique des architectes baroques (quand leurs commanditaires le leur permettait) est le château de Karlova Koruna construit pour l’archichancelier de Bohême, le comte František Ferdinand Kinský : le plan au sol est étonnamment triangulaire, de la salle d’honneur ronde et centrale rayonnent trois corps de bâtiments en forme de carrés partiellement intersectés avec le cercle central.
L'architecture sacrée protestante est de moindre importance durant l'époque baroque. Elle n'est pas inexistante pour autant, mentionnons la Frauenkirche de Dresde et, à Berlin, la cathédrale Sainte-Hedwige (catholique mais construite par le roi protestant Frédéric II de Prusse) et, sur le Gendarmenmarkt les temples jumeaux du Französischer Dom et du Deutscher Dom.
L'architecture baroque ne dessert pas moins les ambitions des princes protestants au nord de l'Allemagne qu'elle ne le fait au sud pour l'Empereur catholique et sa cour. Potsdam et le palais de Sanssouci de Frédéric II, Copenhague et l’Ermitage et la place Amalienborg voulus par Christian VI et Frédéric V de Danemark en témoignent.
Si, comme on l'a vu, le baroque est compatible avec le protestantisme, il n'est pas en revanche soluble dans la démocratie. Les Provinces-Unies des Pays-Bas qui connaissent pourtant une prospérité économique et un âge d'or artistique sans précédents en témoignent : le baroque architectural en est quasiment absent et sa peinture, si spécifique, n'est pas, à proprement parler, baroque. La Grande-Bretagne connait un interrègne anglais avec le protectorat d’Oliver Cromwell avant la restauration anglaise (1660). Entre le décès d’Inigo Jones en 1652 et la fin du Grand Tour de Christopher Wren en 1665, il n'y a pas d'architecte de premier plan sur le sol anglais.
On doit à Wren l'introduction du baroque architectural dans le royaume rétabli. Il se démarque de son équivalent continental par la clarté de son dessin et sa tendance classicisante (en particulier, en se référant de façon constante au modèle palladien qui correspond mieux au puritanisme anglais). Comme en Allemagne avec la guerre de Trente Ans ou en Sicile avec le tremblement de terre, c'est à une catastrophe, le grand incendie de Londres, que l'on doit un renouveau dans la construction. En quelques années, Wren supervise l'édification de cinquante-trois églises dont la cathédrale Saint-Paul de Londres qui soutient la comparaison avec les plus ambitieux projets du baroque religieux continental. Les palais et églises qui se construisent alors sont « classiques » dans leur décoration et « baroque » dans leur ampleur majestueuse et leur proportions monumentales. La tentative de Thomas Archer avec son église St. John's de Smith Square (1728), d'introduire le baroque italien du Bernin dans l'architecture religieuse anglaise rencontre beaucoup moins de succès.
Bien que Wren soit également un architecte actif dans le domaine civil, c'est à William Talman qu’avec la Chatsworth House (1687), l’on doit la première country house (l’équivalent anglais du château de plaisance continental) véritablement baroque. L'apogée du baroque anglais vient avec Sir John Vanbrugh et Nicholas Hawksmoor.
Ils ont la plupart du temps collaboré ensemble sur des projets grandioses comme Castle Howard (1699) et le palais de Blenheim (1705) même si chacun est capable de s'affirmer individuellement de manière complète.
Quand bien même ces deux palais apparaitraient pompeux et rigides pour un visiteur continental, leurs lourds pinacles et leur masse presque oppressantes ont, un temps, fasciné le public anglais. Castle Howard est la conjonction flamboyante et animée des masses géométriques dominées par une tour cylindrique couronnée d'un dôme qui n'eut pas dépareillé à Munich ou Dresde. Blenheim, qui porte le nom d'une victoire austro-anglaise, est un cadeau de la couronne au duc de Marlborough en remerciement des services rendus. Le bâtiment est massif, le portique central imposant, le portail d'entrée pensé comme un arc de triomphe. John Vanbrugh réalise encore le Seaton Delaval Hall (1718), une mansion plus modeste et cependant unique dans son audace architectonique et son style baroco-palladien. Cependant, dès le second quart du XVIIIe siècle, le baroque tombe en désuétude en Grande-Bretagne qui invente alors le jardin anglais et préfère des country houses moins imposantes et moins guindées.
En Russie, l’architecture baroque passe par trois phases - la première correspond au baroque Narichkine surtout visible à Moscou, avec ses élégantes décorations de pierre blanche sur mur de briques rouges ; la seconde, phase de maturité, correspond au baroque petrin qui prend son nom du tsar Pierre le Grand couvre le règne de ce dernier entre les années 1680 à 1720 et correspond à la construction de Saint-Pétersbourg ; la dernière phase, le baroque rastrellien, du nom de l'architecte des tsarines Élisabeth et Catherine II, Bartolomeo Rastrelli correspond au style Louis XV français ou rococo allemand.
L’Union de Pologne-Lituanie vit, durant l’ère baroque, ses derniers feux avant son dépeçage par ses puissants voisins. C’est, cas rare dans l’histoire, un royaume électif réunissant deux (la Pologne et la Lituanie) puis trois (l’Ukraine occidentale) nations. Dans les faits, les magnats de la Szlachta sont presque exclusivement polonais et la Rzeczpospolita (République), une oligarchie de grands propriétaires terriens qui se font édifier palais et châteaux au grandiose goût du jour qui sied à leurs ambitions. Les ordres religieux ne sont pas en reste dans cette région de frontière entre les mondes orthodoxe (Ukraine), catholique (Pologne) et calviniste (Lituanie) où vit de plus une forte minorité juive.
Comme dans le Saint Empire, les architectes viennent majoritairement d'Italie et l'on retiendra les noms des Catenazzi : Andrea (1640 - 1701) auteur de nombreuses églises de Posnanie avec son frère Giorgio, et son fils Giovanni (1660 - 1724). Augustyn Wincenty Locci (ca. 1640 - 1737), également d'origine italienne, est l’architecte du palais de Wilanów. On doit à Pompeo Ferrari (ca. 1660 - 1736), la collégiale de Notre-Dame-bu-Bon-Secours de Poznań.
Église du couvent Smolny par Bartolomeo Rastrelli (1749) | Palais d'Hiver (Ermitage) construit par Bartolomeo Rastrelli entre 1754 et 1762 | Salon d'ambre du palais de Catherine édifié par Rastrelli dans les années 1750 |