Centrale de Churchill Falls - Définition

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Introduction

Centrale de Churchill Falls
Localisation
Pays Canada  Canada
Province Flag of Newfoundland and Labrador.svg  Terre-Neuve-et-Labrador
Cours d'eau Fleuve Churchill
Latitude
Longitude
53° 31′ 30″ Nord
       63° 58′ 40″ Ouest
/ 53.525, -63.977778
Objectifs et impact
Vocation production électrique
Propriétaire Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited
(Nalcor, 65,8 %,
Hydro-Québec, 34,2 %)
Date de début des travaux 1969
Date de mise en service 1971
Structure
Type enrochement
Réservoir
Altitude du réservoir 473 m
Volume du réservoir 28 970 Mm3
Surface du réservoir 698 800 ha
Centrale hydroélectrique
Nombre de turbines 11
Type de turbine Francis
Puissance 5 428,5 MW
Production annuelle 35 000 GWh/an

La centrale de Churchill Falls est une centrale hydroélectrique souterraine aménagée sur le cours supérieur du fleuve Churchill, au Labrador. Avec une puissance installée de 5 428,5 MW, elle est la deuxième plus grande centrale souterraine au monde, derrière la centrale Robert-Bourassa, dans le nord du Québec. Son propriétaire est la société Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited ou CF(L)Co, une société dont les actionnaires sont Nalcor (65,8 %) et Hydro-Québec (34,2 %).

Historique

Brinco cherche un client

Depuis 1953, la British Newfoundland Corporation Limited (Brinco), un consortium de banques et d'industriels britannique formé à la demande du premier ministre terre-neuvien Joey Smallwood, fait la promotion de la construction d'une centrale hydroélectrique aux chutes Hamilton, qui seront renommées Churchill en l'honneur de l'ancien premier ministre britannique, Sir Winston Churchill, à son décès en 1965.

En 1958, elle s'associe à Shawinigan Engineering, une filiale de la Shawinigan Water and Power Company, le plus grand distributeur d'électricité privé au Québec à cette époque. La transaction accorde 20 % du capital-action de l'entreprise pour 2 250 000 dollars afin de développer le grand potentiel du site.

Mais la production possible sur le site dépasse largement les besoins de la SWP. Déjà en 1955, le patron de la Brinco, Bill Southam fait appel au président de l'entreprise, Robert J. Beaumont, pour mousser le projet auprès de Maurice Duplessis et de la société publique d'électricité Hydro-Québec. Cependant, la position de Duplessis est déjà connue. Le chef de l'Union nationale a exprimé sa préférence pour le développement de projets au Québec plutôt que de recourir à des importations d'électricité. Duplessis meurt en septembre 1959. Son remplaçant, Paul Sauvé, est plus réceptif aux représentations de la Brinco ; il les rencontre pendant l'automne 1959. Mais le décès de Sauvé, au début de 1960, et la désorganisation du gouvernement de l'Union nationale, provoquée par la mort de deux chefs en trois mois, ralentit les discussions.

L'élection générale du 22 juin 1960 réjouit les dirigeants de Brinco, qui estiment que leur entreprise trouvera un interlocuteur plus flexible en la personne du nouveau premier ministre, Jean Lesage, un ancien ministre fédéral dans le cabinet de Louis Saint-Laurent.

Le directeur général de la Brinco rencontre Lesage pour une première fois le 18 février 1961 afin de vendre le projet. Au terme de ce premier contact, les deux parties conviennent d'organiser une rencontre entre Hydro-Québec et la Brinco pour étudier les détails ; la société d'État québécoise se montre intéressée, mais préfère poursuivre la construction du projet Manic-Outardes sur la Côte-Nord, qui s'est amorcée deux ans plus tôt.

Brinco se tourne ensuite vers l'Ontario. Elle se heurte à un refus, en raison des coûts élevés de transport de l'électricité de Hamilton Falls. L'entreprise est toutefois encouragée par le discours du trône de 1962 du gouvernement de John Diefenbaker, qui annonce la volonté de favoriser les exportations d'électricité. Cette nouvelle position du gouvernement fédéral ouvre la porte à une entente avec un distributeur aux États-Unis.

La Consolidated Edison à New York se montre intéressée. Cependant, les perspectives de rentabilité d'un projet hydroélectrique destiné à l'exportation vers les États-Unis étaient loin d'être certaines au début des années 1960. « Entre 1935 et 1970, les prix de l'électricité ont régulièrement diminué en raison, principalement, de la construction de centrales plus grandes et plus efficaces qui pouvaient aisément subvenir aux demandes croissantes du marché ».

Des discussions s'engagent avec le distributeur américain, mais Con Ed fixe un prix plafond de 4,43 mills, à la frontière entre le Québec et l'État de New York. Ce prix équivaut au coût marginal de l'électricité produite dans une centrale nucléaire, tel qu'il était estimé à cette époque.

Hydro-Québec devient actionnaire

La participation de Shawinigan Engineering dans le projet est rachetée en 1963, dans le cadre de la deuxième phase de la nationalisation de l'électricité au Québec. Ce faisant, Hydro-Québec devient un actionnaire minoritaire et un partenaire incontournable du développement des chutes Churchill. L'annonce de l'acquisition de la Shawinigan par la société publique québécoise rend Joey Smallwood furieux. Le premier ministre terre-neuvien communique immédiatement son mécontentement à Jean Lesage.

Dès le 30 avril 1963, Lesage annonce en Chambre qu'il est prêt à acheter toute la production de Hamilton Falls si une entente peut être conclue entre Brinco, Hydro-Québec et Consolidated Edison. À cette époque, le projet devait produire 4 500 mégawatts et les coûts de construction de la centrale et des installation de transport de l'électricité étaient estimés à 627 millions de dollars.

Des négociations s'engagent immédiatement entre la Brinco et le nouvel actionnaire afin d'établir un contrat d'approvisionnement à long terme pour l'électricité qui sera produite par la centrale, condition essentielle du financement de l'entreprise. Les partenaires doivent aussi s'entendre sur les modalités de transport de l'électricité vers un point, le « point A », situé à 175 km (110 milles) des installations. L'affaire est compliquée par le fait que le Québec et Terre-Neuve ne s'entendent pas au sujet de la frontière du Labrador, ce qui exclut l'utilisation du mot « frontière » dans la documentation.

En novembre 1963, Brinco propose dix groupes générateurs à 3 mills/kWh, sous certaines conditions. À cela, il faut ajouter qu'Hydro-Québec évalue à 1,6 mill/kWh le prix du transport de l'électricité, du « point de réception-livraison » jusqu'à la frontière de l'État de New York. Ce prix est donc trop élevé pour la revendre sur le marché américain. Brinco baisse alors ses prix, mais pas assez au goût de Lesage. Le premier ministre québécois constate l'impasse le 8 juillet 1964, dans un autre discours en Chambre. Nouvelle colère de Smallwood, qui apprend au surplus que le Québec discute maintenant avec Énergie atomique du Canada Limitée pour construire une centrale nucléaire au Québec.

Le premier ministre terre-neuvien lance publiquement qu'il n'a pas besoin du Québec pour transporter son électricité et cite une étude démontrant la possibilité technique de construire une ligne de transport sous-marine qui relierait le Labrador, l'île de Terre-Neuve et les Provinces maritimes, ce qu'il appellera la « route anglo-saxonne ». Brinco utilisera plutôt l'appellation « route Atlantique ». Cette alternative est rapidement rejetée en raison de son coût — 941 millions de dollars — qui aurait fait passer le prix du kilowatt-heure de Chuchill Falls livré à New York ou à Boston au-delà de la barre du demi-cent.

Prix et frontières

La rupture des négociations du milieu de 1964 n'implique toutefois pas un manque d'intérêt d'Hydro-Québec. Le premier ministre Smallwood accepte d'accorder à la Brinco les coudées franches pour négocier une entente. Des discussions d'ordre technique et financier se déroulent pendant que les deux premiers ministres s'engagent dans une polémique sur la question de la frontière du Labrador.

Le tracé de la frontière a été décidé par le comité judiciaire du Conseil privé de Londres en 1927 afin de régler un conflit territorial qui opposait le Canada de l'époque et la colonie britannique de Terre-Neuve. Cette décision, que le Québec n'a jamais reconnue, aménage la frontière entre les deux territoires sans tenir compte des lignes de partage des eaux. Certains bassins hydrographiques des rivières de la Basse-Côte-Nord chevauchent le tracé, ce qui en complique le développement futur.

Jean Lesage lance les hostilités en demandant des changements aux frontières ce que rejette Smallwood. De son côté, le premier ministre terre-neuvien fait savoir qu'il n'apprécie guère le fait que « son » électricité soit vendue aux Américains par le Québec.

Pendant ce temps, les négociations avancent. En juin 1965, Brinco pense avoir une entente avec une offre de 2,55 mills/kWh. Jean Lesage refuse, parce qu'Hydro-Québec n'a pas d'entente ferme avec les États-Unis. Le 21 juillet 1965, le ministre fédéral des Finances, Walter L. Gordon, annonce une mesure fiscale à l'avantage de Terre-Neuve, ce qui permet encore de réduire le prix. Les négociations piétinent avec d'éventuels acheteurs à New York et en Nouvelle-Angleterre.

Le désistement des Américains est incompréhensible aux yeux du nouveau directeur général d'Hydro-Québec, Robert A. Boyd. « Ils sont fous de laisser passer une occasion pareille. Ils ne sont pas au bout de leurs surprises avec le nucléaire  » confie Boyd au directeur de la planification, Joseph Bourbeau. Boyd est maintenant convaincu qu'Hydro-Québec doit acheter l'ensemble de la production même si la croissance des besoins québécois ne justifie pas l'achat de la production de la centrale au Labrador (32 TWh), compte tenu de la production estimée de Manic-Outardes, dont la construction se poursuit.

Le 9 février 1966, les commissaires d'Hydro-Québec soumettent une offre à 2,45 mills/kWh au président de Brinco et au premier ministre Lesage. Brinco accepte immédiatement, mais l'approbation du premier ministre tarde à venir. Le 5 juin, Lesage est remplacé par Daniel Johnson. Le nouveau premier ministre du Québec hésite cependant à s'engager envers le projet de Brinco. Pourquoi faudrait-il développer un fleuve au Labrador alors qu'il existe un potentiel immense à la baie James, demande-t-il. Il accepte finalement la signature d'une entente de principe, le 6 octobre 1966.

Arrangements financiers

S'engagent ensuite des négociations ardues sur le montage financier de l'opération — dont le coût prévu est de 666 millions de dollars — ainsi que sur les aspects techniques liés à la livraison de l'électricité produite par la centrale. Les parties s'entendent dès mars 1967 sur la construction de trois lignes à 735 kilovolts, une tension déjà utilisée par Hydro-Québec pour relier les centrales du complexe Manic-Outardes aux centres de consommation du sud du Québec. Le coût de construction des lignes de transport du côté québécois s'élèvent à environ 200 millions de dollars.

Churchill Falls lève du capital par une émission d'actions en octobre 1967. La position des actionnaires devient : Brinco, 63,3 %, Hydro-Québec, 16,3 %, Rio Algom 10,4 % ; le gouvernement de Terre-Neuve détenant les 10 % restants.

Restent toutefois les difficultés de financement. Les grands investisseurs institutionnels américains — banques et sociétés d'assurance — hésitent à souscrire à l'émission d'obligations de 500 millions de dollars américains — la plus grande émission privée de l'histoire à cette époque — à moins d'obtenir des assurances que l'électricité sera vendue et que le gouvernement du Québec acceptera de garantir, par une dation en paiement, que la construction sera terminée en cas de défaut des promoteurs.

Les dirigeants de la CF(L)Co n'attendent pas la signature d'une entente définitive et lancent le chantier de la centrale en 1967, afin de respecter la date des premières livraisons, en mai 1972. Ils ont recours à des avances et à des prêts à court terme souscrits auprès de banques canadiennes.

Signature du contrat

Le contrat d'achat d'électricité est signé le 12 mai 1969 par Jean-Claude Lessard et Yvon De Guise d'Hydro-Québec et Donald J. McParland et Eric Lambert de CFLCo. Sa signature est immédiatement suivie des accords de financement, signés entre le 12 et le 15 mai par 52 institutions prêteuses éparpillées à travers l'Amérique du Nord.

En vertu du contrat et des conventions entre actionnaires, Hydro-Québec achète, pour une durée de 40 ans — renouvelable pour 25 années supplémentaires en 2016 —, la totalité de la production de la centrale, à l'exception d'un bloc de 300 MW, pour 0,29645 cent (2,9645 mills) le kilowattheure pendant les cinq premières années ; un prix qui descend graduellement jusqu'à 0,25426 cent (2,5426 mills), au cours des 15 dernières années de l'entente initiale. Le prix de vente exact de l'électricité produite à Churchill Falls n'a été déterminé qu'en 1975, une fois que le bilan final des coûts de la construction — environ 900 millions CAD — eurent été déterminés. La date officielle du parachèvement de l'ouvrage est fixée au 1er septembre 1976.

En échange de cet achat de 5 milliards de dollars sur la durée du contrat, Hydro-Québec accepte de participer aux risques de l'entreprise. Elle devra payer directement l'excédent des intérêts sur les obligations émises par CF(L)Co. au-delà d'un seuil fixé à 5 % — le taux d'intérêt des titres se situera entre 7¾ et 8 % —, garantir l'emprunt, assumer les risques du taux de change du dollar canadien sur les obligations en devise américaine en plus d'acheter directement 100 millions de dollars d'obligations. Le contrat accorde à Hydro-Québec une participation de 34,2 % dans CFLCo, l'entreprise propriétaire de l'ouvrage.

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