Château de Maulnes | ||
---|---|---|
| ||
| ||
Période ou style | Renaissance | |
Type | Palais | |
Architecte | inconnu | |
Début construction | 1566 | |
Fin construction | 1573 | |
Propriétaire initial | Louise de Clermont et Antoine de Crussol | |
Destination initiale | Résidence seigneuriale, pavillon de chasse | |
Propriétaire actuel | Conseil Général de l'Yonne (depuis 1997) | |
Destination actuelle | Ouvert à la visite | |
Protection | Classé MH | |
Site Internet | www.maulnes.com/ | |
| ||
Latitude Longitude | ||
Pays | France | |
Région | Bourgogne | |
Département | Yonne | |
Commune française | Cruzy-le-Châtel | |
modifier |
Le Château de Maulnes, situé à Cruzy-le-Châtel dans l'Yonne est un château de style Renaissance construit au XVIe siècle.
Ce château ne connait pas d'équivalent en France, sinon dans le monde. Il présente plusieurs particularités qui le rendent unique. Ainsi, construit d'une seule traite entre 1566 et 1573 sur un plan pentagonal, il a été très peu occupé. Il est bâti autour d'un escalier central et d'un puits alimenté par trois sources.
Inoccupé au XXe siècle, dans un état de dégradation avancé, il est acquis par le Conseil Général de l'Yonne en 1997. Depuis, il a fait l'objet d'études historique et archéologique, ainsi que de travaux de restauration qui doivent se prolonger sur de nombreuses années. Il est ouvert au public depuis 2005.
Ce château fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 11 juillet 1942.
Le site, qui semble avoir été occupé depuis le néolithique, est cité dans un texte de 863 sous le nom de « Molnitum ».
Une maison-forte, connue sous le nom de "motte de Maulnes", avait été édifiée par les comtes de Tonnerre dans une clairière de la forêt de Maulnes, certainement au XIIIe siècle. On en trouve la trace dans les écrits de l'époque ainsi que sur les photos aériennes. Elle permettait aux comtes de s'adonner à la chasse, parfois en compagnie d'invités de marque, tel le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, qui vint chasser en 1366 et 1374.
À la suite d'une querelle entre le comte de Tonnerre Louis II de Chalon et le duc Jean-sans-Peur, les troupes bourguignonnes envahissent le comté en 1411. En 1414, elles détruisent les châteaux du Tonnerrois, dont ceux de Tonnerre, Tanlay et Maulnes.
Un siècle et demi plus tard, la comtesse de Tonnerre, Louise de Clermont, et son époux Antoine de Crussol, duc d'Uzès, sont des personnages importants, proches de la cour de France et de la reine Catherine de Médicis. C'est en 1556 que Louise de Clermont, veuve de François du Bellay, avait épousé Antoine de Crussol.
En 1566, le couple décide la construction d'un château dans la forêt de Maulnes. Louise a alors 62 ans, c'est une femme intelligente et cultivée, formée à la cour de François Ier, roi féru d'architecture. Son propre frère, Antoine III de Clermont, a confié en 1541 à l'architecte Sebastiano Serlio la construction d'un château à Ancy-le-Franc, non loin de Maulnes.
La France traverse alors une période d'accalmie qui succède à la première guerre de religion, grâce à la signature de la Paix d'Amboise en 1563. C'est une période propice à la réalisation de ce projet architectural, auquel le couple songe sans doute depuis plusieurs années.
Car Antoine de Crussol, qui vient d'être fait duc d'Uzès en mai 1565, ne possède pas de résidence digne de son rang dans le comté. Or il se doit d'affirmer son autorité par un édifice capable de frapper l'imagination. Le château, symbole de son pouvoir, doit pouvoir rivaliser avec ses voisins d'Ancy-le-Franc et de Tanlay, alors en construction. S'il ne le peut par sa taille, ce sera par sa beauté et son originalité architecturale.
L'emplacement du futur château dans une forêt se justifie d'abord par sa fonction de relais de chasse. Mais également – et peut-être surtout – par le rôle qu'il aura dans l'exploitation des vastes forêts de la région. La vente de bois de chauffage à Paris est alors la ressource la plus importante du comté et le couple entend en améliorer la gestion.
C'est le 7 mai 1566 qu'Antoine de Crussol signe devant notaire les contrats qui le lient à un maître maçon et à un maître charpentier. Il leur fournit des plans détaillés du bâtiment à construire. Jean Cosquino, seigneur de Fulvy et témoin de la signature, se voit confier la gestion du chantier, avec le titre de Gouverneur du château de Maulnes.
Rapidement, dès l'été 1567, une nouvelle période de trouble s'ouvre pour le royaume. En février 1568, l'armée du prince de Condé occupe les faubourgs de Tonnerre et assiège la ville, qui doit finalement payer une rançon. En novembre, les troupes catholiques s'emparent de Noyers tandis que les huguenots prennent Vézelay début 1569, bientôt assiégés par les troupes royales. En mars, l'armée du duc des Deux-Ponts traverse la Bourgogne pour venir au secours de la garnison de Vézelay. Et en juillet, c'est l'armée du maréchal de Cossé qui passe par le Tonnerrois.
Malgré le climat peu sûr, le chantier progresse. En septembre 1569, Louise de Clermont s'installe à Maulnes, qu'elle fait meubler. Elle est rejointe par Antoine de Crussol en janvier 1570. Le logis est alors terminé, mais pas les bâtiments annexes. Le second chantier pourrait avoir commencé en août 1570, après le départ des Crussol qui ont rejoint la cour dans sa vie itinérante.
En 1572, Antoine de Crussol est fait pair de France, pour son duché d'Uzès. Pourtant l'avenir est sombre, la tension est particulièrement forte entre catholiques et protestants. Le 24 août 1572, Galiot de Crussol, frère d'Antoine, fait partie des victimes du massacre de la Saint-Barthélemy. En octobre, Antoine et Louise séjournent un mois à Maulnes. Louise part en Languedoc, tandis qu'Antoine regagne Paris. De janvier à juillet 1573, il participe au siège de La Rochelle. Mais il en revient épuisé et malade. Il meurt le 14 août 1573.
Veuve pour la seconde fois, Louise de Clermont poursuit sa vie itinérante entre Paris, Tonnerre, Ancy-le-Franc et Maulnes, dont le chantier est désormais abandonné. À partir de mai 1575, elle ne revient plus à Maulnes, mais elle y installe deux hommes de confiance.
En 1576, Jacques Androuet du Cerceau publie le premier volume des « Plus Excellents Bastiments de France » qui présente trente édifices qu'il juge exceptionnels. Le château de Maulnes, dont il publie les plans, est l'un d'eux.
Dans les années qui suivent, Louise doit faire face à de longs procès de succession, engagés contre elle aussi bien par la famille de son premier mari que par celle du second.
Âgée de 92 ans, elle meurt en mai 1596 dans l'Hôtel-Dieu de Tonnerre fondé par Marguerite de Bourgogne.
Louise de Clermont est morte sans enfant, alors que les problèmes d'héritages plus anciens ne sont pas réglés. Enfin, en mars 1606, son petit-neveu Charles-Henri de Clermont, héritier le plus direct et légataire de Louise, parvient à un accord avec les différentes parties. Moyennant le versement d'un fort dédommagement, il devient comte de Tonnerre, de Cruzy et de Maulnes.
Prenant possession de Maulnes, il engage quelques travaux en 1610, avec la création du plafond de la grande salle.
Il prépare sa succession en séparant Maulnes et Cruzy, érigé en marquisat qu'il donne à son fils cadet, des comtés de Clermont et de Tonnerre, qu'il destine à son aîné.
Pourtant, dès sa mort en 1640, son fils aîné François de Clermont devenu comte de Tonnerre revendique une partie des possessions de son frère Roger, comme ayant toujours appartenu au comté de Tonnerre. La même année, son représentant prend symboliquement possession du château de Maulnes. On ne sait si Maulnes est alors habité et entretenu par l'un ou l'autre frère. Une gravure d'Israël Silvestre vers 1650 le montre dans un état d'abandon. Un arrêt du parlement de 1658 donne raison à Roger, marquis de Cruzy. Malgré tout, François et ses descendants persisteront à s'intituler Seigneurs de Maulnes.
Entre 1650 et 1670, des modifications et réparations sont entreprises à Maulnes, très certainement par Roger de Clermont qui est revenu des armées de Flandres en 1647.
De 1683 à 1685, le marquis de Louvois achète le comté de Tonnerre à François-Joseph de Clermont, petit-fils de François.
Louvois meurt en 1691 et sa veuve, Anne de Souvré, poursuit les acquisitions. Le 8 juin 1697, elle achète Maulnes et Cruzy à la veuve du second marquis de Cruzy, fils de Roger, qui rencontre des difficultés financières. L'héritage de Louise de Clermont est à nouveau réuni entre ses mains.
La nouvelle propriétaire fait alors dessiner un plan détaillé de la forêt de Maulnes et dresser une liste précise des terres, bois et prés qui le composent. Ces documents ont ensuite disparu dans le courant du XIXe siècle. Femme intelligente et appréciée de ses contemporains, la marquise de Louvois meurt en décembre 1715. La succession n'est réglée que six ans plus tard, et Maulnes est à nouveau laissé à l'abandon.
En 1721, c'est le fils aîné de Louvois, Michel-François Le Tellier marquis de Courtanvaux, qui hérite du comté de Tonnerre. Mais il meurt aussitôt et sa bru Anne-Louise de Noailles en reçoit la tutelle jusqu'à la majorité de son fils âgé de deux ans.
Un arrêt du conseil royal des finances autorise en 1723 le flottage du bois de Maulnes vers Paris, par l'Armançon, l'Yonne et la Seine. Le château et ses dépendances accueillent dès lors une petite communauté concernée par cette activité : gardes forestiers et voituriers. A sa majorité en 1744, François-César Le Tellier de Courtanvaux poursuit l'entreprise de sa mère.
En 1775, les marchands de bois qui occupent le château obtiennent du marquis l'autorisation d'ouvrir une verrerie, activité plus rentable que la vente du bois qu'il est coûteux d'acheminer jusqu'à l'Armançon. Ils fabriquent du verre à vitre, puis des bouteilles. En 1779, il est fait mention de la Verrerie de Maulnes. Cette transformation affecte notablement Maulnes, avec la modification des communs, la construction d'annexes, le défrichement progressif de la forêt.
En 1781, le marquis meurt sans héritier direct. Son cousin Louis Le Tellier de Souvré devient comte de Tonnerre. Mais il meurt couvert de dettes en 1785. Sa veuve M.J. Henriette Victoire de Bombelles exerce la tutelle au nom de son fils âgé de deux ans. Elle parvient à traverser la Révolution et à retrouver ses biens qu'elle administre jusqu'à sa mort en 1822.
En 1806, une note rédigée par le sous-préfet de Tonnerre décrit la qualité du travail de la verrerie de Maulnes, tant dans les procédés que dans la production, qui s'élève à 300 000 bouteilles par an. Mais elle ne peut fonctionner que six mois par an, car elle manque de bois, la forêt de Maulnes n'en fournissant pas suffisamment.
Lorsqu'il prend en main la direction de la verrerie en 1819, Louis Le Tellier de Souvré est un personnage important : devenu pair de France sous la Restauration, il a épousé en 1814 Athénaïs Grimaldi, fille de Joseph Grimaldi et nièce du prince de Monaco Honoré III Grimaldi.
En 1819, la production a doublé et la verrerie emploie une centaine d'ouvriers, sans compter les bûcherons et les voituriers.
À partir de 1824, Maulnes est loué à un maître-verrier venu de Bayel, François Vallory. En 1834, le marquis de Louvois, ruiné, vend Maulnes et son domaine, qu'il partage en trois lots. François Vallory achète le château et une partie de la forêt. Mais, ruiné à son tour, le maître-verrier doit fermer Maulnes en 1844, l'année même de la mort du marquis.
Le château, la ferme attenante et les terres sont vendus en 1851 à Gabriel Chevalier, un banquier de Châtillon-sur-Seine, qui délaisse le château. À sa mort en 1866, les actes de la succession décrivent des bâtiments « en très mauvais état ». Dans les années 1880, quelques travaux de réparation sont entrepris. Après la faillite d'Adrien Chevalier, le domaine de Maulnes est acheté par la famille Prunier, qui le conserve de 1898 à 1918. Il passe ensuite entre les mains de l'industriel Ferdinand Serres et de son fils, de 1918 à 1960. Ces propriétaires successifs sont sans aucun doute plus intéressés par les terres et les bois que par le château qui tombe lentement en ruines.
Le 11 juillet 1942, le château est classé par le Service des Monuments Historiques , qui tente en vain d'entreprendre des travaux de première urgence en 1943 et 1944. Au fil des ans, le château se dégrade. En 1960, l'acte de vente indique « un château et des dépendances, le tout en ruine ». Le château, sans les terres, est acheté par la Société des Amis de Maulnes, fondée par Philippe Vallery-Radot. Pour la première fois, un grand plan de sauvegarde financé par l'État est mis en place : début 1964, les travaux permettent de consolider les façades en ruine, notamment la façade sud prête à s'effondrer. Puis ils se poursuivent en 1966 et de 1967 à 1969.
Mais le comportement du propriétaire met brusquement un terme à cette campagne. La dégradation reprend, aggravée par des tempêtes en 1979 et 1981-1982. En 1985, un arrêté met en demeure le propriétaire d'effectuer des travaux ; ils sont menés d'office en 1987. Puis une nouvelle décennie s'écoule avant qu'enfin, en 1997, le Conseil Général de l'Yonne n'acquière Maulnes, après une procédure d'expropriation.
Dès 1997, un comité scientifique est mis en place afin d'organiser les recherches pluridisciplinaires nécessaires à la compréhension de Maulnes. Tandis que des historiens étudient les archives qui concernent le château et ses commanditaires, des archéologues du Centre d'études médiévales d'Auxerre entreprennent des fouilles et des études, aussi bien dans le château et les communs que dans leur environnement proche. Au long de ces quatre années, les recherches portent sur des thèmes variés, tels que les relations entre le château et la forêt de Maulnes, ou l'étude hydrogéologique du site.
Cette meilleure compréhension guide également les nécessaires travaux de sauvegarde et de restauration, un éclairage qui avait probablement fait défaut lors des campagnes précédentes. Si les travaux d'urgence ont permis de sauver Maulnes et de l'ouvrir aux visites, de nombreuses années seront encore nécessaires afin de pouvoir le présenter aux visiteurs dans les meilleures conditions.