Contention mécanique et pratique en psychiatrie française - Définition

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Bibliographie

  • Canguilhem (G), Le normal et le pathologique, Paris, Puf, 1966.
  • Becker (H), Outsiders, étude de sociologie de la déviance, Paris, Trad. Fr, A. M Métaillié, 1985.
  • Becker (H), Les mondes de l’art, Paris, Flammarion, 1988.
  • Esquirol (P), Aliénation mentale des illusions chez les aliénés, Librairie médicale de Crochard, Paris, 182.
  • Friard (D), L’isolement en psychiatrie : séquestration ou soin ?, Editions hospitalières, Paris, 1998.
  • Goffman (E), Asiles, Paris, Editions de Minuit, 1968.
  • Gray (S) et Diers (D), The effect of staff stess on patient behavior, Arch Psychia Nurs, 6, 26-34, 1992.
  • Le Rouzic (S), Entre temps thérapeutiques et trajectoire du patient : analyse sociologique de la chambre d’isolement, Paris, IFCS Sainte Anne, 2005.
  • Palazzolo (J), Chambre d’isolement et contention en psychiatrie, Masson, 2002.
  • Pinel (P), Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie, Paris, librairie Richard, An XI.
  • Pinqiuer (C ), Chambre d’isolement : un soin intensif, Nervure, 4, 8, 1999.
  • Strauss (A), La trame de la négociation, sociologie qualitative et interactionnisme, textes réunis par Bazanger (I), Paris, L’Harmattan, 1992.
  • Strauss (A), The social organization of medical work, Chicago, University of Chicago, 1985.
  • Santé mentale, Contenir, numéro 86, mars 2004.

Rapports :

  • Audit clinique de la chambre d’isolement en psychiatrie, ANAES, 1998 ; consultable sur www.anaes.fr.
  • Piel et Roeland, 2001 ; consultable sur www.sante.gouv.fr

Le monde hétérogène de la contention mécanique

Un mémoire d’école des cadres de santé (Le Rouzic, 2005) reflète cette confusion grâce à une analyse sociologique. Les soignants (infirmiers et psychiatres principalement) ainsi que les cadres de santé considèrent peu que le temps de la contention mécanique soit thérapeutique en soi. Néanmoins leurs conceptions thérapeutiques de la contention s’inscrivent à d’autres moments de la trajectoire du patient (selon Strauss, 1992) potentiellement « isolable » ; la conception sécuritaire étant elle très minoritaire. Ce résultat illustre la difficulté des principaux acteurs à situer leur pratique ; les infirmiers utilisant la chambre d’isolement ayant encore plus de difficulté à situer la finalité de la pratique de la contention (perçue tantôt comme étant thérapeutique, tantôt comme étant sécuritaire).

La problématique

Résumons-nous, la contention mécanique n’a pas cliniquement de vertu thérapeutique et il n’existe pas de cadre législatif autorisant les infirmiers à utiliser la contrainte physique. La question peut donc être posée en ces termes: un acte de nature sécuritaire et impliquant l’usage de la force physique doit-il être réalisé par l’infirmière ? Cette question est en lien directe avec la mission de la psychiatrie : soigner et sécuriser la société. La double mission de la psychiatrie implique une double compétence pour les infirmières, pourtant elles n'en ont ni la légitimité (au regard de la loi et de leur rôle propre), ni la formation théorique et pratique (formation empirique aux techniques de contention), ni la volonté d’endosser, pour certaines, le costume de garde du corps.

Que faire ?

Si l’on considère qu’un acte sécuritaire, impliquant l’usage de la force physique, est à réaliser par les infirmières il faut alors définir un cadre légal autorisant l’usage de la force physique et intégrer ce cadre au rôle propre infirmier. Le personnel, alors missionné clairement pour exécuter des actes de nature sécuritaire dans leur pratique soignante, doit bénéficier d’apports théoriques et pratiques sur la gestion de la violence principale cause d’utilisation de la contention mécanique face à la violence. C’est reconnaître pleinement la dangerosité de la mise en œuvre de la contention pour tous ses acteurs : soignants et patients.

Si l’on pense que les actes de nature sécuritaire ne sont pas à faire par les infirmières il faut, sans tabou, assumer l’intervention d’hommes de la sécurité (spécifiquement formés) dans le cadre de la prise en charge soignante afin de protéger le personnel et les patients en utilisant des techniques de contention appropriées.

Dans Vol au-dessus d'un nid de coucou, miss Ratched, l’infirmière, aussi sadique et mal intentionnée soit-elle, n’utilise pas la force physique ; des hommes sont là pour ça. Dans la série Urgences, des policiers sont présents dès l’accueil. Chez nous, les gardes du corps font leur apparition au sein de certains services d’urgences. La psychiatrie connaît la même problématique sécuritaire. Si l’on pense que le personnel soignant des urgences doit être protéger dans sa mission de soin, alors pourquoi ne pas offrir la même protection au personnel soignant travaillant en psychiatrie ?

L’âge de la maturité ?

Pussin incarnait à la fois le surveillant, l’agent des services hospitaliers (ASH) et le soignant en ayant initié le travail d’infirmier en psychiatrie. Puis les ASH et aides-soignants sont venus à la fois alléger et affirmer les missions de l’infirmière. La dernière division du travail doit permettre aux infirmières de ne plus assumer seules les taches liées à la sécurité. Contenir par la parole, les activités sociothérapiques, et collaborer avec les différents professionnels (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux) tant au niveau de la clinique que des objectifs thérapeutiques et sociaux, c’est là le cœur du travail de l’infirmière exerçant dans le domaine de la santé mentale. La santé mentale est comparable à une chaîne de soin. Chaque professionnel y a sa place. Les infirmières ne doivent plus continuer à accepter implicitement et seules la double contrainte du soin et de la sécurité.

L’impact de la normalisation des soins, en apportant des normes donc une éthique de l’utilisation, associée à la rupture d’un habitus de classe ne permet plus la reproduction d’une technique disciplinaire traditionnellement dévolue aux hommes. Les normes définissant les protocoles, largement inspirés des indications de l’ANAES, contribuent à mieux définir les limites du thérapeutique dans la pratique quotidienne infirmière. Ainsi l'on peut considérer, sans vouloir jeter l’opprobre sur des générations d’infirmiers, que la contention mécanique a été dévoyée en certains lieux en une technique disciplinaire de soumission garant de l’homéostasie de l’unité. Selon Le Rouzic (2005) une nouvelle conception de soin apparaît dans le respect de la forme de la procédure, du protocole, qui signifie pour le monde managérial (au sens de Becker, 1985) que l’acte est thérapeutique car il est réalisé selon le respect de la forme, de la procédure. Le progrès est appréciable mais il ne permet pas de juger de l’intentionnalité qui a conduit à utiliser la contention mécanique ; comme le dit un cadre de santé à propos de l’utilisation de la contention mécanique « …il ne s’agit pas de se justifier après coup. » L’idéal serait de se rapprocher le plus de la philosophie de soin de Conolly, le père du no-restraint. Les chambres d’isolement et les contentions disparaîtraient. L’idée peut sembler malheureusement utopique, néanmoins le premier grand progrès serait de rebaptiser la chambre de soin intensif en chambre de sécurité intensive.

Si les contentions mécaniques connaissent un retours, il faut alors peut être interroger les limites de la contention chimique. Les neuroleptiques ont peut-être déjà atteint leurs limites. Bien que des progrès ont été réalisé avec les dernières générations, en termes de tolérance face aux effets secondaires, le problème de la violence semble plus prégnant qu’il n’y a quelques années. Le degré d’humanité d’une société se mesure aux soins qu’elle accorde à ses plus faibles, c’est-à-dire ses malades et ses détenus.

Ce qu'il faut faire

Pour éviter la mise sous contention physique en psychiatrie.

Rôle médical et du cadre de santé
  • Décision du chef de service.
  • Réguler les entrées.
  • Un traitement adapté.
  • Organiser le service en fonction de l'état mentale et somatique des patients.
Rôle collégial
Une présentation médicale et infirmière plus soutenue du patient avant son arrivée dans le service.
Rôle infirmier
  • L'équipe soignante doit pouvoir accepter que cela est possible.
  • Pédagogie sémiologique psychiatrique avec les nouveaux soignants.
  • Privilégier le patient le plus mal psychiquement.
  • Une cohésion d'équipe, c'est-à-dire prendre le temps de discuter autour du patient.
  • Anticiper l'état délirant du patient pour ne pas attendre, qu'il soit trop envahi par ses angoisses.
  • Exprimer ses peurs pour laisser celui qui se sent le mieux prendre la parole auprès du patient.
  • Savoir passer le relais à l'autre quand on ne s'en sent pas capable.
  • Expliquer au patient ce qui lui arrive, mettre des mots sur la situation qu'il est en train de vivre.
  • Rassurer le patient, quand il est dans la chambre d'isolement.
  • Être plus présent auprès de lui, passage dans la chambre plus fréquent.
  • Être à l'écoute, parfois un quart d'heure suffit à désamorcer une angoisse, une anxiété.
  • Être à deux dans la chambre, pour protéger l'autre soignant en cas d'agressivité verbale et pour ne pas toujours être l'élément persécuteur, le mauvais objet.
  • Mettre en place des repas thérapeutiques.

Ailleurs, la contention par la parole existe.

Source : Pratique infirmière Institut Nationale Marcel Rivière, 1994 à 2001.

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