En 1660, la «Royal Society» est constituée à Londres, avec six années d'avance sur l'Académie Royale des Sciences de Paris, fondée en 1666 par Louis XIV sur proposition de son ministre Colbert. Parmi les discussions scientifiques qui ont lieu dans l'Académie nouvellement créée, les mensurations de la Terre occupaient un rôle de tout premier plan.
C'est à l'abbé Jean Picard (1620-1682), l'un des membres de l'Académie, que l'on doit la première détermination vraiment précise du rayon terrestre R. C'est la dernière détermination de R basée sur l'idée d'une Terre sphérique. Elle date des années 1668 à 1670 et peut se résumer comme ainsi : Picard mesure un arc de méridien entre Sourdon, localité située en Picardie au sud d'Amiens, et Malvoisine situé sur la commune de Champcueil (Essonne), à 40 km au sud de Paris. Pour ce faire, il effectue une triangulation en utilisant — c'est une première — un théodolite muni d'un réticule. Il mesure avec grand soin une base entre Villejuif et Juvisy-sur-Orge. En supposant la Terre sphérique et en déterminant avec la plus grande précision possible pour l'époque les latitudes astronomiques, il obtient pour la longueur d'un arc de méridien de 1 °, désignée par L(1 °) dans la suite, la valeur L(1 °) = 57 060 toises. Le rayon R de la Terre qui en résulte est égal à (57 060x360)/(2π) = 3,2693 millions de toises.
La toise utilisée par Picard est celle du Châtelet, ou «toise de Paris». Jusqu'à l'adoption du système métrique en France, les mesures géodésiques de longueur étaient rapportées à cette toise de Paris. Rappelons qu'une toise vaut six pieds, qu'un pied vaut douze pouces, et qu'un pouce vaut douze lignes. L'étalon de mesure est la «toise du Châtelet», distance séparant deux ergots, ou talons, scellés dans un mur du vieux Châtelet, où les drapiers et autres commerçants étaient tenus de comparer leurs règles de mesure. En 1799, on lui attribua une longueur de 1,949 m, mais il n'est pas impossible qu'elle ait varié dans le temps, par suite de l'usure des talons due à l'encastrement permanent des règles à comparer, de sorte que cette toise était probablement, selon Delambre, plus courte vers 1670 qu'en 1792. En fait, avant l'adoption à l'échelle internationale du mètre comme unité de longueur pour les besoins de la géodésie, ce qui ne fut guère chose facile à réaliser, la plus aimable anarchie régnait dans le domaine des mesures de longueur et des mesures de surface et de volume dérivées. Ainsi, le pied, utilisé partout, est une mine inépuisable de confusions. Citons, à titre d'exemple, quelques valeurs (approximatives) : pied de Paris (0,3248 m), pied du Rhin (ou de Leyde, 0,3138 m), pied de Londres (0,3048 m), pied de Bologne (0,3803 m), pied du Nord (0,3156 m), pied du Danemark (0,3139 m), pied de Suède (0,2968 m), pied de Burgos (0,2786 m). Cette liste est loin d'être exhaustive. En fait, dans chaque État, les unités de longueur variaient d'une province ou d'une ville à l'autre.
Quoi qu'il en soit, la mesure de Picard basée sur la toise de Paris et convertie en unités modernes fournit approximativement 111,25 kilomètres pour la longueur d'un arc de méridien de 1 ° et 6371,9 kilomètres pour le rayon. Nominalement, cette dernière valeur ne s'écarte que de 0,014% de la valeur R = 6 371 km actuellement admise pour le rayon équivolumétrique moyen, c'est-à-dire pour le rayon d'une sphère dont le volume serait celui de la Terre réelle. À vrai dire, cet accord quasi-parfait est surtout dû au fait que Picard opérait aux latitudes moyennes, où la distance au centre de la Terre est voisine du rayon moyen.