Isaac Newton (1643-1727) publie son ouvrage fondamental, portant le titre Principes mathématiques de la philosophie naturelle («Principia mathematica philosophiae naturalis») en 1687. Il y pose les fondations définitives de la physique moderne. Il y expose son système du monde et démontre les lois de Kepler à partir de la loi d'attraction universelle des masses. Rappelons que selon celle-ci, deux points massiques quelconques de l'univers s'attirent avec une force qui est inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare, et que la force agit le long de la direction qui les joint. Cette loi servira dorénavant de base à la mécanique, à la mécanique céleste, à la géodésie et à la gravimétrie.
Sur la loi d'attraction des corps, les idées les plus vagues et changeantes ont circulé avant Newton, mais celui-ci ne fut pas le premier à penser que l'action diminuait avec la distance comme l'inverse du carré. Pour Roger Bacon, toutes les actions à distance se propagent en rayons rectilignes, comme la lumière. Johannes Kepler reprend cette analogie. Or, on savait depuis Euclide que l'intensité lumineuse émise par une source varie en raison inverse du carré de la distance à la source. Dans cette analogie optique, la «virtus movens»(vertu mouvante) émanant du Soleil et agissant sur les planètes devrait suivre la même loi. Toutefois, en ce qui concerne la dynamique, Kepler demeure un péripatéticien, c'est-à-dire un disciple d'Aristote. Ainsi, pour lui la force est proportionnelle à la vitesse et non au taux de variation de la vitesse (à l'accélération), comme le postulera plus tard Newton. De sa deuxième loi (r v = constante), Kepler tirera donc la conséquence erronée suivante : la virtus movens du Soleil sur les planètes est inversement proportionnelle à la distance du Soleil. Pour concilier cette loi avec l'analogie optique, il soutient que la lumière se répand de tous côtés dans l'espace, alors que la «virtus movens» n'agit que dans le plan de l'équateur solaire.
Plus tard, Ismaël Boulliau (1605-1691) pousse jusqu'au bout l'analogie optique dans son ouvrage «Astronomia Philolaïca», paru en 1645. Il soutient donc que la loi d'attraction est inversement proportionnelle au carré de la distance. Toutefois, pour Boulliau, l'attraction est normale au rayon vecteur, tandis que pour Newton elle est centrale. D'autre part, René Descartes se bornera à remplacer la «virtus movens» de Kepler par l'entraînement d'un tourbillon éthéré. Il est suivi en cela par Roberval, qui est lui aussi un adepte de la théorie des tourbillons. Plus méritoirement, Giovanni Alfonso Borelli (1608-1679) explique pourquoi les planètes ne tombent pas sur le Soleil en évoquant l'exemple de la fronde : il équilibre l'«instinct» que possède toute planète à se porter vers le Soleil par la «tendance» que possède tout corps en rotation à s'éloigner de son centre. Pour Borelli, cette «vis repellens» (force répulsive) est inversement proportionnelle au rayon de l'orbite.
Robert Hooke, secrétaire de la «Royal Society», admet que l'attraction décroît avec la distance. En 1672, il se prononce pour la loi de l'inverse carré, en se basant sur l'analogie avec l'optique. Cependant, ce n'est que dans un écrit daté de 1674 et intitulé «An attempt to prove the annual motion of the Earth» (Un essai pour prouver le mouvement annuel de la Terre) qu'il formule clairement le principe de la gravitation. Il écrit en effet que «tous les corps célestes, sans exception, exercent un pouvoir d'attraction ou de pesanteur dirigé vers leur centre, en vertu duquel non seulement ils retiennent leurs propres parties et les empêchent de s'échapper, comme nous voyons que le fait la Terre, mais encore ils attirent aussi tous les corps célestes qui se trouvent dans la sphère de leur activité. D'où il suit, par exemple, que non seulement le Soleil et la Lune agissent sur la marche et le mouvement de la Terre, comme la Terre agit sur eux, mais que Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne ont aussi, par leur pouvoir attractif, une influence considérable sur le mouvement de la Terre, de même que la Terre en a une puissante sur le mouvement de ces corps.»
Comme on le voit, Hooke avait formulé le premier la loi de l'attraction universelle tout à fait correctement, mais il ne l'avait pas établie. Pour valider son hypothèse de l'inverse carré, Hooke aurait dû connaître les lois de la force centrifuge. Or, les énoncés de celles-ci ne furent publiés par Huyghens qu'en 1673 sous la forme de treize propositions annexées à son «Horologium oscillatorium». En fait, Huyghens avait rédigé dès 1659 un traité intitulé «De vi centrifuga» (Sur la force centrifuge), dans lequel ces lois étaient démontrées, mais celui-ci ne parut qu'en 1703, dans ses œuvres posthumes éditées par de Volder et Fullenius. Toutefois, dès 1684, Sir Edmond Halley (1656-1742), ami de Newton, applique ces théorèmes à l'hypothèse de Hooke. En utilisant la troisième loi de Kepler, il trouve la loi de l'inverse carré.
Cette présentation très succincte de l'évolution des idées concernant l'attraction gravifique avant la publication des «Principia» en 1687 montre en tout cas que la théorie de la gravitation universelle n'est pas née spontanément dans le cerveau génial de Newton. Toujours est-il que Newton est en possession, dès 1666, des lois du mouvement circulaire uniforme. Par une analyse analogue à celle que devait faire Halley, il formule la loi de l'attraction inversement proportionnelle au carré de la distance, en se fondant sur la troisième loi de Kepler. Néanmoins, étant sans doute plus scrupuleux que ses précurseurs, Newton entend soumettre cette loi au contrôle de l'expérience. Aussi cherche-t-il à vérifier si l'attraction exercée par la Terre sur la Lune répond à cette loi et si l'on peut identifier cette attraction à la pesanteur terrestre, afin d'établir le caractère universel de l'attraction. Sachant que le rayon de l'orbite lunaire vaut environ 60 rayons terrestres, la force qui maintient la Lune sur son orbite serait, dans ces conditions, 60²=3600 fois plus faible que la pesanteur. Un «grave» tombant en chute libre au voisinage de la surface terrestre parcourt dans la première seconde une distance de 15 pieds, ou 180 pouces. La Lune devrait donc tomber vers la Terre à raison d'un vingtième de pouce par seconde. Or, connaissant la période de révolution de la Lune et la dimension de son orbite, on peut calculer sa vitesse de chute. Avec la valeur acceptée en Angleterre en ce temps, Newton trouva seulement un vingt-troisième de pouce par seconde. Devant cette divergence, il renonça à sa théorie. Ce n'est que seize ans plus tard (en 1682) qu'il apprit au cours d'une réunion de la «Royal Society» la valeur du rayon terrestre déterminée par Picard en France une douzaine d'années plus tôt. Avec la valeur que Picard donnait pour le rayon de la Terre, Newton trouva que la vitesse de chute de la Lune était bien un vingtième de pouce par seconde, valeur qui confirmait sa théorie.
Parmi les propositions intéressant la mécanique céleste et la gravimétrie, on trouve dans les «Principia mathematica» plusieurs théorèmes sur l'attraction des sphères et des autres corps. Par exemple, Newton démontre que l'attraction gravifique d'un corps sphérique dont la masse est répartie sur des couches sphériques isopycniques est la même que celle d'un point massique situé au centre du corps et possédant la masse totale de celui-ci. Une autre conséquence importante de la théorie de Newton, détaillée aussi dans les «Principia», est que la Terre doit être légèrement aplatie aux pôles du fait de la force centrifuge crée par la rotation de la terre sur elle-même.