Il est possible d'aller un peu plus loin sur les propriétés de la fraction continue d'un nombre quadratique. Certains nombres possèdent un développement purement périodique. c'est le cas, par exemple, du nombre d'or. En effet, un rapide calcul montre, si φ désigne le nombre d'or :
La question se pose de savoir dans quel cas le développement en fraction continue est périodique pur, c'est-à-dire quelle condition rend le développement périodique dès le premier terme. Le nombre x est nécessairement un nombre quadratique. La réponse s'exprime en fonction de xc, l'autre racine du polynôme annulant x. Le nombre xc est souvent appelé conjugué de x, par analogie avec la situation où les racines sont complexes. Cette démonstration est l'œuvre d'Evariste Galois.
Cette propriété permet d'obtenir une description plus précise du développement en fraction continue d'une racine d'un entier non carré parfait :
Si l'on élimine le dernier terme 2a0 la période est symétrique et forme un palindrome. La partie symétrique pouvant ou non avoir un terme médian.
Les démonstrations utilisent les techniques de l'arithmétique. Il en existe de plusieurs natures. Les plus simples sont présentées dans l'article Méthode chakravala. Elles se fondent sur les propriétés d'un anneau d'entiers quadratiques. La démonstration historique, présentée ici, utilise d'autres techniques liées aux propriétés des formes quadratiques à coefficients entiers.
Cette démonstration procède en plusieurs étapes :
Les résultats précédents montrent que x est solution d'une équation du second degré. Soit P(X) le polynôme unitaire du second degré annulant x et considérons la fraction rationnelle composée de P(X) et de a0 + 1/X. La multiplication de cette fraction rationnelle par X2 est un polynôme Q(X) de degré 2 admettant x0 pour racine, en effet :
Le nombre x0 est irrationnel, sinon x ne le serait pas. Il est de plus racine du polynôme Q(X) de degré 2 à coefficients rationnels, il est donc quadratique. Il est plus grand que 1 car tous les quotients complets le sont. Il l'est strictement car sinon x serait rationnel.
Il ne reste plus qu'à montrer la formule annoncée. L'application σ, qui à un élément de l'extension quadratique Q[x] associe son conjugué est un automorphisme de corps laissant Q invariant. Le conjugué d'un nombre quadratique de la forme a + b.√d, où a et b sont des nombres rationnels et d un entier sans facteur carré est le nombre a - b.√d. L'analogie avec la situation des nombres complexes est à l'origine de cette dénomination. L'égalité x0(x - a0) = 1, directement issue de la définition du quotient complet d'indice 0, montre que :
Soit a0, a1, ..., an la période de x, la partie entière de x est égale à a0 et donc à an+1, ce qui montre que x est plus grand que 1, il est strictement plus grand, sinon il ne serait pas irrationnel.
On dispose de l'égalité x = [a0, a1, ..., an, x], ce qui montre (pour les détails voir l'article Fraction continue) :
Le fait que x soit strictement positif montre que hn-1 et kn sont strictement positifs. La deuxième racine de P(X) est le conjugué xc de x, le produit des racines x.xc est égal à la constante du polynôme P(X) et est négative. Comme x est positif, xc est strictement négatif.
Enfin, on remarque que P(-1) est strictement positif, en effet :
On remarque que P(-1) est strictement positif, P(0) strictement négatif, le théorème des valeurs intermédiaires montre que la racine négative xc se situe strictement entre -1 et 0.
La méthode consiste à montrer l'existence d'un entier n tel que, pour tout j strictement positif, aj-1 est égal à aj+n-1. Ainsi, a0 est égal à an, a1 est égal à an+1 etc... Pour ce faire, on procède en deux étapes :
Montrons ce résultat par récurrence sur j. Si j est égal à 0, la proposition est vérifiée par hypothèse. Supposons la propriété vraie à l'ordre j et montrons là à l'ordre j + 1. L'irrationnel quadratique xj vérifie les hypothèses de la première proposition de cette boite déroulante. Son quotient incomplet d'indice 0 est égal à aj et son quotient complet à xj+1 et :
Par construction, aj+1 est strictement positif, xj est un irrationnel et est donc différent de 1, comme sa partie entière est au moins égal à 1, xj est strictement plus grand que 1. De plus, xcj est non nul et strictement négatif, ce qui montre que xcj - aj est strictement inférieur à -1, donc que xj+1 est strictement compris entre -1 et 0.
Le fait que x soit un irrationnel quadratique montre qu'à partir d'un rang p, la suite est périodique. Soit n cette période, c'est-à-dire :
L'objectif est de montrer que p est égal à 0. Pour cela, considérons un entier m strictement positif et supérieur ou égal à p, montrons que m est strictement plus grand que p. L'égalité (1) montre :
On en déduit que am-1 et am+n-1 sont tous deux égaux à la partie entière de -1/xcm et ils sont égaux. Ceci permet de déduire que xm-1 et xm+n-1 le sont aussi car leurs conjugués le sont :
Le fait que am-1 et am+n-1 soient égaux et que xm-1 et xm+n-1 le soient aussi montre que m n'est pas le premier terme de la partie périodique de la suite (aj). Ceci termine la démonstration.
Soit a0 le coefficient d'indice 0 de la fraction continue de √p. Le nombre quadratique a0 + √p possède un développement périodique pure d'après la proposition précédente. Il est en effet strictement plus grand que 1 et son conjugué, égal à a0 - √p, est compris entre -1 et 0. Pour s'en persuader, il suffit de remarquer que a0 est la partie entière de √p.
Le premier terme de la fraction continue de a0 + √p est égal à la partie entière de ce nombre ou encore à 2a0. Il suffit de remarquer, pour conclure, que √p possède le même développement en fraction continue, à l'exception du premier terme, égal à a0 et non à 2a0.
Pour une raison de simplicité, la démonstration consiste à étudier la structure de la période de x + a0. Dans le cas où p est égal à 19, on trouve :
La liste des quotients complets, notés ici xi est :
Ce qui permet d'imaginer le résultat suivant :
Montrons cette proposition par récurrence. Pour i égal à 1, on a :
Supposons la propriété vrai à l'ordre i et montrons là à l'ordre i + 1 :
On définit ai+1 comme la partie entière de xi et bi+1 égal à ai+1.ci - bi. L'entier ai+1 est défini comme la partie entière d'un nombre strictement plus grand que 1, il est donc strictement positif. Montrons que bi+1 est aussi strictement positif. bi est strictement plus petit que √p, par hypothèse de récurrence, donc bi/ci est strictement plus petit que la moitié de xi et donc que sa partie entière ai+1, ce qui revient exactement à dire que bi+1 est strictement positif. Il ne reste plus qu'à montrer que ci+1 divise p - bi+12 :
Par construction bi+1 est un entier de carré strictement plus petit que p, pour montrer le reste de la proposition, il suffit de montrer que ci divise p - bi+12. Cette propriété est la conséquence du fait que ci divise p - bi2 et de l'égalité suivante :
On remarque que les coefficients bi et ci forment aussi deux palindromes sur l'exemple √19 choisi. Cette propriété est encore générale et découle de la propriété suivante :
Dans un premier temps, on remarque que ci-1 est bien un diviseur de p - bi2, la démonstration précédente montre en effet que p - bi2 est égal à ci-1.ci. L'égalité suivante montre que la partie entière de (√p + bi)/ci-1 est égal à ai-1 :
La première démonstration montre que (√p - bi)/ci-1 égal à l'opposé du conjugué de xi-1 est bien un nombre strictement compris entre 0 et 1. Montrons ensuite que le premier quotient complet est bien égal à (√p + bi-1)/ci-2 :
On remarque que x1 et xn+1 sont en correspondance, cette propriété est donc vérifiée pour au moins un couple de quotients complets. Montrons que si xi et xi+j sont en correspondance et que j est strictement plus grand que 1, alors xi+1 et xi+j-1 sont aussi en correspondance. Le quotient complet précédent xi+j est égal au premier quotient complet de (√p + bi+j)/ci+j-1), c'est-à-dire au premier quotient complet de xi, d'après la proposition précédente.
On remarque alors que x1 et xn+1 sont en correspondance de même que x2 et xn et en remontant de proche en proche, x(n-1)/2 et x(n+1)/2 sont aussi en correspondance si n est impair. Cette configuration est celle de l'exemple p = 19. La propriété de palindrome est alors établi. Si n est impair, le même raisonnement montre que xn/2 et xn/2 +2 sont en correspondance, il reste encore à vérifier l'égalité entre an/2 et an/2 +1.
Cette configuration se produit par exemple pour 13:
La liste des quotients complets est :
Le raisonnement précédent montre que a1 est égal à a4, il faut encore montrer que a2 est égal à a3. L'étape (4) permet de conclure. Le quotient complet xn/2 est égal à (√p + bn/2 +2)/cn/2 + 1 sa partie entière est donc égal à an/2 + 1, c'est-à-dire au coefficient d'indice suivant, ce qui termine la démonstration.