Géopolitique du pétrole - Définition

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Introduction

La géopolitique du pétrole décrit l'impact des besoins en pétrole, matière première devenue essentielle à la vie économique mondiale, sur le comportement des pays les plus puissants.

Les gisements de pétrole étant limités et leur emplacement géographique ne coïncidant généralement pas avec celui des pays consommateurs, l'exploitation des ressources pétrolifères est source de tension. Les pays consommateurs, généralement de grandes puissances militaires, sont alors tentés d'employer des moyens violents pour avoir accès à ces ressources. Le pétrole, matière hautement stratégique, est fréquemment associé aux affrontements internationaux depuis le début du XXe siècle.

Les enjeux

Importance économique

En 2008, sur les 20 premières entreprises privées mondiales, 12 sont des compagnies pétrolières ou des constructeurs d'automobiles. Sans pétrole, la majorité des actifs des pays développés ne seraient plus en mesure de se rendre à leur poste de travail quotidiennement. De nombreux pays en développement en sont encore plus dépendants du fait qu'ils en importent la presque totalité. Beaucoup de pays exportateurs de ce produit en sont tout aussi tributaires pour leurs recettes par manque de diversification économique. Le pétrole a ainsi envahi toutes les strates du fonctionnement de nos sociétés, en à peine plus d'un siècle. Son importance stratégique est reconnue depuis la Première Guerre mondiale.

Le pétrole est une « commodité », une matière première vendue en quantités telles que son commerce est organisé à l'échelle mondiale, et cela depuis 1928. En 2009, le seul commerce du pétrole (donc sans compter les activités aval) représente des échanges de l'ordre de 6 milliards de dollars par jour. Cette commodité vient souvent d'ailleurs : l'Europe et les États-Unis en importent chaque jour 1,5 million de tonnes (ou 10 millions de barils) chacun. Ainsi, le commerce du pétrole suscite des convoitises considérables ; il exige des gouvernements, responsables du bon fonctionnement de leurs États, une surveillance permanente, et les conduit à des comportements parfois extrêmes pour s'assurer de son approvisionnement régulier.

Le contrôle des gisements

En 1900, la capacité de projection des États était réduite à la portée de leurs armées. Pour s'assurer de l'approvisionnement en pétrole, ils n'avaient d'autre possibilité que d'occuper le terrain : c'est la diplomatie de la canonnière. Plus tard, il fut moins coûteux d'entretenir, ou d'installer, des régimes favorables à ces États dans les pays exportateurs. L'opération Ajax, en 1953, en est un exemple typique et bien documenté.

À partir de 1979 environ, les effets de la mondialisation, la volonté croissante d'autonomie des pays producteurs, le recours aux règles du commerce international, la crainte des effets en retour (« Blowback ») consécutifs à des interventions trop musclées, et l'obsession de la sécurité d'approvisionnement génèrent l'émergence de méthodes plus fines dont la «  » (« pipeline diplomacy »). En 2009, les États et leurs représentants ont toujours recours à un mélange de ces diverses méthodes. Enfin, le prix reste une composante fondamentale.

Cet ensemble de méthodes a permis aux pays consommateurs de ne jamais souffrir de pénurie de pétrole, en dehors de périodes très limitées telles que les périodes de guerre ou de choc pétrolier.

Le contrôle des détroits

Le détroit d'Ormuz, point de tension géostratégique entre l'Iran, Oman (péninsule de Musandam) et les Émirats arabes unis.

La géostratégie des détroits par lesquels passent les pétroliers constitue le second enjeu : celui du transport pétrolier. Près de 20 % du commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole emprunte le détroit d'Ormuz. Aujourd'hui, il est inconcevable que ce dernier soit fermé ou même menacé. Les pays limitrophes — Iran, Oman, Émirats arabes unis et Arabie saoudite — sont au cœur de l'une des régions les plus convoitées de la planète. La Cinquième flotte américaine y mouille d'ailleurs en permanence.

Les approvisionnements européens dépendent quant à eux, très largement du canal de Suez. Fermé de 1967 à 1973 suite à sa nationalisation par le président égyptien Nasser, les pétroliers n'ont d'autres choix que de rallonger leur route pour contourner le Cap de Bonne-Espérance, ce qui pousse les armateurs à construire des pétroliers de taille considérable (VLCC et ULCC). Cette interruption, à l'origine de la crise du canal de Suez, n'a néanmoins pas suffi à bloquer l'approvisionnement européen. Par la suite, le canal est doublé par un oléoduc (Sumed pipeline) d'une capacité de 2,5 Mbl/j. Une occupation physique des lieux reste cependant une menace.

Enfin, ceux du Japon et de la Chine passent par le détroit de Malacca, toujours affecté par des actes de piraterie. La Chine cherchait en 2006 à passer contrat avec la Thaïlande pour faire passer son pétrole par voie de terre et doubler ainsi l'alimentation par le détroit ; la réactivation du pipeline qui double le Canal de Panamá est en cours (2009).

Les menaces qui s'exercent sur les détroits peuvent être de nature militaire, mais aussi terroriste ou même la piraterie, qui connait des regains périodiques.

La tentation du cartel

Comme toutes les matières premières, le commerce du pétrole est en butte aux aléas du cycle pénurie-surproduction. Suite à une demande en hausse, le cours du pétrole monte, poussant les compagnies pétrolières à investir pour découvrir de nouveaux gisements. Lorsqu'une telle situation se produit, ce nouveau gisement est tellement abondant que le cours du pétrole s'effondre. Cela était particulièrement vrai dans la première moitié du XXe siècle, quand les grands gisements du Moyen-Orient, qui excédaient largement la demande, ont été découverts. Ces perturbations, qui pouvaient mener à la faillite des compagnies, étaient bien connues, et particulièrement craintes de deux personnages qui ont beaucoup influencé le commerce du pétrole, John D. Rockefeller et Henri Deterding, président de Shell. Ils ont été les acteurs principaux de la cartellisation du domaine pétrolier au début du XXe siècle. En 2008, les ententes illicites existent toujours dans l'industrie.

Monnaie unique et mouvements de capitaux

Le pétrole se paie en dollars, hormis la période pendant laquelle les États-Unis fondaient des pièces d'or pour les livrer à l'Arabie saoudite. Cette exclusivité accroît le poids déjà considérable de cette monnaie dans les échanges internationaux. Les États-Unis useront de cette position de force pour menacer le Royaume-Uni, pendant la crise du canal de Suez, de faire chuter la Livre sterling. Mais elle génère, dans les périodes de hausse de cours, des quantités excessives de pétrodollars qui aboutissent, au moins en partie, sur les bourses occidentales, provoquant des bulles financières aux effets non souhaités. De plus, quand le dollar fléchit, les revenus des états producteurs fléchissent d'autant, ce qui a provoqué leur colère en 1971, et une exigence de majoration équivalente à la baisse des revenus ; un mouvement identique s'est produit dans la décennie 2000. Cette exclusivité, qui contribue à assujettir les pays producteurs, est périodiquement remise en cause, avec des succès nuls pour l'instant.

Saddam Hussein avait ainsi annoncé qu'il souhaitait être payé en euros en 2000. L'Iran a, quant à lui, prétendu ouvrir une bourse du pétrole en euros mais les transactions s'effectuent en monnaie iranienne. Le projet de monnaie unique pour les États du Golfe reste un projet.

Intégration et constellation

L'industrie du pétrole implique beaucoup de valeur ajoutée : frais d'exploration/production, transport et raffinage. Ceux-ci bénéficient souvent de l'économie d'échelle ; une grosse raffinerie coûte moins cher que deux petites si bien que très tôt, les compagnies pétrolières se sont lancées dans une course à la taille.

Mais ce marché est également cyclique, avec des revenus très variables. L'industrie s'est donc adaptée à ces contraintes en jouant l'intégration verticale, afin de bénéficier de la valeur ajoutée jusqu'au client final, et sur l'intégration horizontale, pour bénéficier de l'effet de masse — et absorber les concurrents — tout en s'entourant d'une constellation de sociétés de service, avec des contrats ponctuels, que l'on arrête de souscrire pendant les années maigres.

Au fil des décennies, ces sociétés de service ont développé et conservé une haute technologie dans une multitude de domaines qu'elles sont seules à maîtriser : gravimétrie, sismique, diagraphie, outils et fluides de forage, PVT, etc. Sans ces technologies, il est rapidement devenu impossible de produire du pétrole dans des conditions compétitives. Quand les pays producteurs voudront se libérer du joug politique et commercial des compagnies pétrolières, elles se retrouveront face à la dépendance technologique. La société Schlumberger, née en France, est la plus importante de ces sociétés de service. Halliburton a récemment fait l'objet d'une agitation médiatique.

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