Les groupes A4 et A5 admettent des représentations de dimension 3 réelles. Ces représentations sont composées d'automorphismes qui peuvent être vus comme des isométries si l'espace vectoriel E de dimension 3 est équipé du bon produit scalaire. En effet, si G est le groupe des automorphismes, et (.|.) un produit scalaire quelconque de E, alors le produit scalaire <., .> suivant confère le statut d'isométrie aux éléments de G :
Ici, |G| désigne l'ordre du groupe G. Un élément de G est une isométrie car la translation à droite est une bijection. Ainsi, si h est un élément de G, l'ensemble des éléments g.h, si g décrit G, est exactement le groupe G.
Ces isométries sont tous des rotations car leur déterminant est égal à 1. Pour n égal à 4, il suffit de remarquer que la représentation est obtenue par restriction d'une représentation de S4, chacune des isométries est produit d'un nombre paire d'images de transpositions de déterminant égal à -1. Pour n égal à 5, la preuve est donné dans la construction de la table.
Les représentations de degré 3, pour n égal à 4 ou 5, sont fidèles, c'est-à-dire qu'elles sont injectives. Il suffit pour s'en persuader de remarquer que ces représentations possèdent des caractères qui prennent la valeur 3, que pour l'identité, l'image de l'élément neutre. Ces différentes propriétés permettent de concevoir ces représentations de dimension 3 comme des groupes de rotations d'un polyèdre régulier.
Si n est égal à 4, la représentation est obtenue en restreignant une représentation irréductible de degré 3 du groupe symétrique, décrite dans l'article Représentations du groupe symétrique d'indice quatre. Le groupe G est engendré par les deux automorphismes ayant les matrices suivantes dans une base orthonormale :
Soient φ234 l'automorphisme de matrice M234 et s un vecteur non nul de l'axe de la rotation φ234. On peut, par exemple choisir s comme le point de coordonnées (1, 1, 1). Soit S l'orbite de s, c'est-à-dire l'ensemble des points g(s), si g parcourt le groupe G. L'ensemble S est globalement stable par l'action de G. On définit le polyèdre comme l'enveloppe convexe de S, qui fournit les sommets du polyèdre recherché. Ce polyèdre est un tétraèdre régulier et son groupe des rotations est exactement égal à G.
La formule de Burnside (cf Action de groupe (mathématiques)) indique que le cardinal de S est égal à l'ordre de G que divise l'ordre du stabilisateur de s. Le stabilisateur de s est le sous-groupe de G composé des éléments laissant invariant s. Le stabilisateur contient au moins trois éléments : l'identité, φ234 et le carré de φ234. Il n'en contient pas d'autre. En effet, si g est un élément de G, différent d'une puissance de φ234 et admettant s comme point fixe alors le sous-groupe laissant s fixe est cyclique d'ordre strictement supérieur à 3. Un tel sous-groupe n'existe pas dans G. On en déduit que S est un ensemble à 4 éléments, c'est-à-dire : 12 l'ordre de G, que divise 3 l'ordre du stabilisateur de s.
Le tétraèdre T, dont les sommets forment l'ensemble S, est globalement invariant par G. En effet, les sommets le sont, les arêtes le sont aussi car si s1 et s2 sont deux segments, l'image du segment [s1, s2] par un élément de G est un segment d'extrémités deux éléments de S. Le même raisonnement s'applique encore pour les faces et l'intérieur du polyèdre.
Le tétraèdre T est régulier. Pour s'en rendre compte, considérons un point quelconque t de S. Son orbite contient 4 éléments, donc son stabilisateur est d'ordre 3 et il existe une rotation φ de G, laissant invariant t. Il existe un vecteur s1 de S qui n'est pas dans l'axe dirigé par t. En effet, si tous les points de S étaient élément d'une droite vectoriel, cette droite seraient stable par G, la représentation ne serait pas irréductible car contiendrait un espace propre de dimension 1. Les trois points s1, φ(s1) et φ2(s1) forment avec t, l'ensemble S car il contient 4 éléments. Comme φ est une rotation d'axe dirigé par t, les trois points de S différents de t forment un triangle équilatéral. On en déduit que toutes les faces de T sont des triangles équilatéraux, ce qui montre que le tétraèdre T est régulier (ce qui signifie que les arêtes sont toutes de même longueur et que les angles de deux arêtes distinctes partageant un même sommet sont aussi tous égaux).
Le groupe des rotations de T contient G, montrons maintenant qu'il est égal à G. Il existe 4 manière d'envoyer un sommet de S sur un autre sommet, car S contient 4 sommets. Il existe ensuite 3 manières de positionner une arête contenant le sommet s, sans bouger s. Le groupe des rotations de T ne peut donc contenir plus de 12 éléments. Comme G contient exactement 12 éléments, le groupe des rotations de T et G sont confondus.
Le groupe A5 possède aussi une représentation irréductible d'ensemble d'arrivé G et de dimension 3. Un raisonnement, analogue à celui du paragraphe précédent, montre que le groupe des rotations d'un dodécaèdre régulier est isomorphe à G. Ceci revient à dire que le groupe des rotations du dodécaèdre régulier est isomorphe au groupe alterné de degré 5.
Le groupe G, qui laisse globalement invariant le dodécaèdre D laisse aussi globalement invariant l'ensemble des centres des faces du dodécaèdre. Le polyèdre, ayant pour sommets les centres des différentes faces de D, est un icosaèdre régulier. Il existe ainsi deux polyèdres réguliers ayant un groupe de rotations isomorphe à A5. La technique consistant à construire un nouveau polyèdre à partir des centres des faces est appelé polyèdre dual. Si un groupe d'isométries laisse invariant un polyèdre, le raisonnement utilisé ici montre qu'il laisse toujours invariant son dual.
Il existe deux manières de procéder. la première suppose connue la structure du dodécaèdre régulier et l'objectif est de montrer que son groupe des rotations est isomorphe à A5. Une méthode simple de procéder est de remarquer qu'il existe 5 cubes de sommets choisis parmi les sommets du dodécaèdre régulier. Le groupe des rotations opère librement sur l'ensemble de ces 5 cubes. Il est donc isomorphe à un sous-groupe de S5. On remarque ensuite que le groupe des rotations contient 60 éléments. En effet, comme le dodécaèdre contient 20 sommets, il existe 20 manières différentes de positionner un sommet. Une fois le sommet positionné, il reste encore trois manière de positionner une arête contenant ce sommet car chaque sommet est élément de trois arêtes. L'ordre du groupe des rotations est 20 que multiplie 3, c'est-à-dire 60. Un sous-groupe de 60 éléments dans S5 est nécessairement distingué car il peut être vu comme le noyau du morphisme qui associe 1 à un élément du sous-groupe et -1 aux autres éléments. Il n'existe qu'un unique sous-groupe distingué non trivial dans S5 c'est A5, ce qui montre l'isomorphisme recherché.
Une autre manière de procéder est d'utiliser la représentation de dimension 3 du groupe alterné pour construire le dodécaèdre et en déterminer ses paramètres. Elle est proposée dans la boîte déroulante.
L'objectif est de construire un solide de Platon ayant pour groupe de rotations G formé par les rotations d'une représentation irréductible de degré 3 de A5. Dans un premier temps, il est nécessaire de construire le polyèdre :
Il faut maintenant montrer que ce polyèdre est l'un des 5 solides de Platon. Pour cela, il suffit de montrer qu'il est régulier.
Ce raisonnement montre l'existence de 30 arêtes dans le polyèdre, chaque point contient en effet 5 arêtes de longueur d, il existe 12 points dans S et chaque arrête contient 2 sommets, ce qui donne 12x5/2, soit 30 arêtes. Cependant rien ne garantit encore que ce sont les seules arêtes de P, on ne sait pas si [s1, s2] est de longueur d et si c'est une arête de P. Pour élucider cette question, étudions les faces du polyèdre.
La structure du polyèdre est maintenant totalement élucidée. Si t est un sommet de S et s1, ..., s5 les 5 points de S à une distance d de t, [s1, s2] est bien une arête du polyèdre car sa longueur est égale à d. Les points s2, t s5 sont sur la même orbite pour le stabilisateur de s1 et l'on a démontré que les segments d'extrémités s1 et l'un des points de l'orbite, est une arête. On remarque qu'un sommet est partagé par 5 faces et que chaque face est partagé par 3 sommets, ce qui montre l'existence de 12x5/3 = 20 faces. Le polyèdre construit est bien un solide de Platon car il est régulier, on reconnaît d'ailleurs l'icosaèdre.