L’arrêté royal du 27 mars 1860 annonce le projet de la construction d’un nouveau Palais de Justice. Le concours est international mais aucun des vingt-huit projets n’est retenu. Le Ministère de la Justice se tourne vers Poelaert qui remet un projet d’une surface au sol de 20 000 m2 pour un budget de 3 millions de francs.
Le projet est retenu, mais les plans changent en permanence. Le Palais finit par atteindre une surface au sol de 26 000 m2 (soit 2,6 ha, soit un carré de 162 m de côté !) pour un budget de 50 millions de francs. Les expropriations des maisons du quartier populaire des Marolles ont en effet grevé le budget.
Finalement, le bourgmestre de Bruxelles, Jules Anspach, soutenu par le Roi, donne le feu vert à Poelaert pour la réalisation de son projet, travaux qui s’étaleront durant 17 ans, de 1866 à 1883, soit de quatre années au-delà du décès de ces deux serviteurs de l’État qui s'éteignent en 1879 !
Le palais est construit en grande partie sur le Parc de l'hôtel de Mérode, à la limite de la partie haute et de la partie basse de Bruxelles, à la frontière du quartier le plus populaire de Bruxelles, les Marolles. Les Marolliens, furieux de la situation, inventent une nouvelle insulte destinée à Poelaert : « schieve architect » (dans le savoureux dialecte bruxellois, on peut traduire cette expression par « architecte tordu » ou « architecte de guingois »).
Le Palais de Justice en quelques chiffres : 60 000 mètres cube de pierre blanche du Jura et de petit granit, 245 locaux, 8 cours intérieures, une salle des pas perdus culminant à plus de 100 m, 4 941 marches d’escaliers. L’imposant portique d’entrée est si grand qu’on pourrait y faire passer une maison entière haute de 15 m ! La pyramide initialement prévue par Poelaert a été remplacée par un dôme de cuivre surmonté d'un clocheton vitré, lui-même coiffé d'une couronne royale dorée… Cet édifice suscite toujours l’étonnement des étrangers par son gigantisme écrasant, surtout lorsqu’on le contemple depuis le bas de la rue de la Régence qui lui fait face.
Le jeune Joseph Poelaert participa au Salon de Bruxelles de 1836. La même année, il entre à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles où il ne cache pas son admiration pour des peintres romantiques tels que Gallait, Wappers ou Antoine Wiertz. Son peintre favori est l’anglais John Martin dont les compositions audacieuses présentent des architectures quasi orientales.
Artiste de la transition entre le romantisme et le modernisme, féru de références classiques au monde gréco-romain, Joseph Poelaert commence sa carrière comme dessinateur et inspecteur des bâtisses et, ensuite architecte communal à la ville de Bruxelles (1847-1859). À ce titre, il crée une fontaine publique à la mémoire du bourgmestre Nicolas Rouppe (1846) et les plans de deux écoles communales situées boulevard du Midi (1849) et rue de Schaerbeek. Il réalise également l'aménagement de la place des Barricades (1849). Il remporte ensuite le concours de la place des Panoramas – aujourd’hui place du Congrès – où il érige la Colonne du Congrès, monument à l’Indépendance nationale.
À partir de 1850, il se consacre au projet d’une colonne consacrée au Congrès national et à l’Indépendance. Elle doit impérativement être plus grande que la colonne Vendôme à Paris, plus belle que la Colonne Trajane à Rome. Pour la représentation des Provinces en bas-relief, il fait appel au sculpteur belge Eugène Simonis. Pour la statue en pied de Léopold Ier qui doit couronner l’édifice, ce sera Joseph Geefs.
À la même époque, Bruxelles connaît une inondation qui ravage la quartier Sainte-Catherine. Poelaert est chargé de la construction de la nouvelle église à l'emplacement du premier bassin du port de Bruxelles. À partir de 1863, l'édification est poursuivie par Wynand Janssens. L'église n'a toutefois jamais été terminée.
Le 11 octobre 1850, Louise-Marie, reine des Belges, meurt à Ostende. Poelaert décorera la collégiale de Bruxelles pour les funérailles. La souveraine ayant fait le vœu d’être inhumée à Laeken, Léopold Ier décide d’ériger une nouvelle église ainsi qu’une crypte réservée à la famille royale. Les fonds nécessaires seront en partie fournis par une souscription nationale lancée à l’initiative des délégués des provinces belges. En 1851, un concours pour Notre-Dame de Laeken est organisé. Poelaert l’emporte avec un projet dans le style néo-gothique. Le roi pose la première pierre le 27 mai 1854. Elle sera consacrée le 7 août 1872 alors que le monument n’est pas encore achevé. Ce sera Léopold II, soucieux de l’embellissement des lieux, qui charge un architecte de Munich, Von Schmidt, d’achever la façade principale, les porches monumentaux et la tour centrale.
En 1852, Poelaert est l’architecte le plus prisé de la capitale belge, malgré ses sautes d’humeur, ses prolongations de délais et ses dépassements de budgets dans des proportions pharaoniques. Les critiques sont virulentes : lui sont reprochées son architecture qualifiée de massive et son ornementation jugée rudimentaire.
Son atelier et ses bureaux étaient une fourmilière immense et bourdonnante où s'affairaient, dessinateurs, ingénieurs, visiteurs de marque et curieux. Un jeune homme timide et réservé, sous la conduite du Maître aimait à s'y rendre, c'était le duc de Brabant futur Léopold II auquel Poelaert a insufflé le goût pour la grandeur architecturale et d'ailleurs il réalisera personnellement en son honneur dans la cour de l’Hôtel de Ville une salle de bal néogothique pour sa majorité et pour le mariage de celui-ci, le 10 août 1853, il décore la collégiale de Bruxelles.
En 1855, nommé architecte de la Ville de Bruxelles, il supervise six chantiers d’envergure (dont la caserne des pompiers de la rue Blaes).
Le 21 janvier 1855, un incendie ravage l’opéra de la La Monnaie. Poelaert remporte le concours pour sa reconstruction. Lors de l'inauguration, pendant le premier entr'acte, comme le raconta la presse, "« le bourgmestre a introduit Joseph Poelaert au balcon, l'architecte auquel la ville de Bruxelles doit son beau théâtre et qui fut chaleureusement ovationné par le public »".
Il démissionne de la fonction publique en 1859.