Souvent, la mécanique quantique est présentée comme si elle était une théorie étrange, dépassant même l'entendement humain. Or s'il est vrai que cette théorie est très mal comprise par la plupart des profanes, elle est plutôt bien comprise par les initiés. Pourquoi une telle différence de compréhension ? Peut-être simplement car de nombreuses choses différentes ont été dites sur celle-ci, peut-être du fait que son formalisme est d'une abstraction jamais égalée auparavant par une théorie voulant décrire le "monde observable". Ou simplement car cette théorie va à l'encontre des fondements de la pensée scientifique, ceux-là même qui nous ont permis de construire notre représentation du monde. En effet la mécanique quantique pose de gros problèmes au concept du déterminisme tel que nous le connaissions avant le XXe siècle. Avec son avènement, il nous faut reconstruire les concepts de mesure, de reproductibilité d'une expérience, et même de déterminisme...
Le modèle des trois axiomes est une approche rigoureuse qui mène à l'idée que l'espace des états est un espace vectoriel (souvent un espace de Hilbert) chose qui est postulée par d'autres approches. La connaissance du théorème de Stone et du théorème de Noether (probablement les deux théorèmes les plus importants de la mécanique quantique, le premier servant à construire l'idée d'évolution temporelle, le deuxième la notion de quantité de mouvement) mène sans trop de difficulté à la reconstruction des postulats habituels de la mécanique quantique (voir postulats de la mécanique quantique).
Afin de posséder le vocabulaire des trois axiomes, il est nécessaire d'introduire quelques notions fondamentales. En effet, en opposé aux six postulats de la mécanique quantique, ces trois axiomes reposent sur des concepts étroitement liés à l'expérience voire à la mesure. (il peut être intéressant de lire Problème de la mesure quantique à ce sujet )
La notion de question découle de l'idée de mesure. Une question
Pour illustrer cette idée, nous pouvons faire l'expérience de pensée suivante :
A partir de toute question
L'ensemble
On dira qu'une question est vraie pour un système donné lorsqu'on peut prédire avec certitude (par un calcul théorique) que la mesure répondra "oui", avant de la réaliser. Une question non vraie n'est pas nécessairement fausse à coup sûr ; dans ce modèle on laisse la place aux questions incertaines, aléatoires. Une question est incertaine pour un système donné lorsque, si l'on construisait un système identique du point de vue de la physique, un clone possédant le même état physique, alors la mesure sur le clône ne donnerait pas à coup sûr la même valeur que la mesure sur le système d'origine. Une question incertaine ne peut par conséquent pas être vraie : le système physique choisit une réponse aléatoirement lorsqu'il est mesuré, malgré la connaissance totale de son état a priori. L'existence de questions incertaines est la différence clef entre la physique classique et la physique quantique, comme nous le formaliserons plus bas avec l'axiome 0.
On peut construire une relation de préordre partiel (relation d'ordre) sur les questions :
Attention au sens, la question la plus faible est à droite de " < ". Cette notation est suggérée par le fait que l'ensemble des cas où
Ce préordre partiel crée une relation d'équivalence:
La classe d'équivalence
Une propriété est dite actuelle si les questions associées à celle-ci sont vraies à coup sûr. Au contraire, si les réponses à ses questions sont incertaines voire toujours fausses, on dit que la propriété est potentielle.
Nous définissons
Une chose remarquable est, que sans aucune autre supposition, nous pouvons déjà avoir une certaine information sur la structure de
Par définition, l'état
Un état
Une telle propriété
Les atomes sont les éléments minimaux de
et que :
Les atomes sont des propriétés-états. En effet un atome
Par définition de la relation d'équivalence sous-jacente aux propriétés, une propriété est entièrement déterminée par les états du système dans lesquels elle est actuelle. On formalise cela ici, soit S l'ensemble de tous les états possible du système. Nous pouvons définir une application μ de L dans P(S) l'ensemble des partie de S.
Cette application s'appelle le morphisme de Cartan, et l'image de L dans P(S) est appelée la représentation de Cartan.
De plus, cette application est injective et préserve l'ordre et la borne inférieure.
On dit de deux états
Par exemple l'énergie d'une particule quantique piégée dans un puits de potentiel ne peut prendre qu'un ensemble discret de valeurs (elle est quantifiée). On peut donc définir deux états E1 et E2, où la particule quantique a respectivement une énergie e1 et e2. Ces 2 états sont orthogonaux par la question α = "la particule a une énergie e1", vraie dans l'état E1 et fausse dans l'état E2. Dans la représentation usuelle des états quantiques de la particule par un espace de Hilbert, les états E1 et E1 seront orthogonaux au sens du produit scalaire.
On dit que deux propriétés
Axiome 0:
Nous dirons qu’une question
Cet axiome détermine entièrement la structure de
Cet axiome signifie simplement que si deux états
Aristote l'avait déjà énoncé : si le système change d’état, qu’il passe donc de l’état E1 à E2, il s’enrichit de nouvelles propriétés qui s’actualisent, et il en perd nécessairement d’autres. Donc E1 ne peut être entièrement contenu dans E2.
Cet axiome permet d'identifier les états du système aux atomes de L.
Pour chaque état E la question associée est bien unique, car définie par les états dans lesquels elle est actuelle : les états orthogonaux à E. Autrement dit pour n'importe quel état E, il existe une expérience physique permettant de savoir à coup sûr qu'un système donné est dans un état orthogonal à E.
En tenant compte de l'axiome I l'axiome II signifie que :
La fonction
Cette fonction est plus claire dans la représentation de Cartan :
Notation :
Tout comme l'axiome 0, les axiomes I, II, III déterminent entièrement la structure de l'espace des états.
Théorème :
Nous désirons montrer que l’espace engendré par les rayons d’un espace de Hilbert convient parfaitement pour décrire un espace des états.
Théorème :
Démonstration :
|