Révolution copernicienne - Définition

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Conséquences philosophiques

Le projet cartésien en réaction à la condamnation de Galilée

Dans ce contexte, le projet cartésien d'une science universelle se conçoit comme une réaction contre la scolastique, et contre les "aristotéliciens" : après avoir appris en novembre 1633 le résultat du procès de Galilée, Descartes reçut de son ami Beeckman l'ouvrage de Galilée, le dialogue sur les deux grands systèmes du monde, en 1634, soit un an après la condamnation de Galilée.

Descartes renonça à la publication de son propre ouvrage, le traité du monde et de la lumière (1632), dans lequel il défendait la thèse de l'héliocentrisme. Ce traité ne fut publié qu'en 1664. Il inaugura sa carrière philosophique avec le Discours de la méthode (1637). Dans les méditations sur la philosophie première (1641), Descartes décrivit une forme de doute, très axée sur le sujet, qualifiée quelquefois d'hyperbolique. Descartes cherchait à refonder la philosophie sur un principe premier, le cogito, appelé à remplacer la cause première de la scolastique. Descartes écrivit aussi les Principes de la philosophie (1644) et recherche de la vérité par les lumières naturelles.

La conversion de Pascal aux thèses jansénistes

La conversion de Blaise Pascal, qui aboutit à son adhésion aux thèses jansénistes (Jean Duvergier de Hauranne abbé de Saint-Cyran, Antoine Arnauld), se comprend quant à elle à la fois comme une critique du laxisme des autorités ecclésiastiques, particulièrement des méthodes casuistiques introduites par les Jésuites au début du XVIIe siècle, et d'une réaction par rapport au rationalisme cartésien.

Jean Lacouture note :

« En 1646, il (Blaise Pascal) fait la connaissance de disciples de Saint-Cyran qui lui font découvrir que marcher sur les traces de Copernic et de Galilée pour libérer la physique du poids mort d'Aristote et de la scolastique n'est que la démarche d'une vaine raison, impliquée dans la souillure de l'humanité tout entière, et que tout ce génie qui bouillonne en lui ne le conduit qu'à le divertir d'une révélation terrible et rédemptrice. Que signifie un savoir qui ne jette pas l'homme au pied de la Croix ?
Dès lors, et à jamais, Blaise Pascal - sans abandonner pour autant ses travaux scientifiques - vivra hanté par l'universelle corruption de la nature humaine conduite invinciblement au mal. Au cœur de cet océan de souillures, il se sent appelé à se dresser dans un combat sans trêve ni merci, avec le sentiment, écrit François Mauriac, de vivre au plus près de lépreux inconscients de leur lèpre et voué à observer avec autant de soin que la pesanteur de l'air la corruption de la nature. »

Blaise Pascal critiqua la casuistique et ses tenants jésuites de la Sorbonne (fidèles à la scolastique), d'une façon particulièrement virulente dans les Provinciales (1656) (surtout les lettres IV et V). Ces lettres furent publiées à plus d'une dizaine de milliers d'exemplaires. Elles eurent un impact considérable à l'époque et encore pendant les Lumières.

Depuis la victoire des jésuites, la position officielle de l'Église catholique est de déplorer l'aveuglement de Pascal qui ne se rendait pas compte que, par de tels écrits, il donnait des armes aux adversaires du catholicisme. On en aura un exemple dans l'Encyclopedia Catholica :

« Que Pascal ait pensé faire un travail utile, c'est toute sa vie qui en témoigne, aussi bien que ses déclarations à son lit de mort. Sa bonne foi ne peut pas sérieusement être mise en doute, mais certaines de ses méthodes sont plus discutables. S'il n'a jamais sérieusement altéré les citations des casuistes qu'il faisait, comme on l'a quelquefois accusé injustement de l'avoir fait, il les arrange un peu et de manière peu sincère; il simplifie à l'excès des questions compliquées et, dans sa façon de présenter les solutions des casuistes, il se permet quelquefois de mêler sa propre interprétation. Mais le reproche le plus grave qu'on puisse lui adresser est d'avoir injustement fait tort à la Société de Jésus, en l'attaquant exclusivement et lui attribuant un désir d'abaisser l'idéal chrétien et de mitiger le code de la morale dans l'intérêt de sa politique; il a par là discrédité la casuistique elle-même en refusant de reconnaître sa légitimité voire, dans certains cas, sa nécessité, si bien que ce ne sont pas seulement les jésuites, mais la religion qui a souffert dans ce conflit, même s'il a contribué à accélérer la condamnation par l'Église de certaines théories laxistes. Ainsi, sans le vouloir ni même s'en rendre compte, Pascal a fourni des armes aussi bien aux incroyants et aux adversaires de l'Église qu'aux partisans d'une morale indépendante.

L'impact sera grave sur l'image des jésuites et de l'Église catholique. Marc Fumaroli, cité par Jean Lacouture note :

« La modernité jésuite, à l'épreuve de la France, apparut à la fois choquante et démodée, et la fidélité jésuite à Aristote, à Cicéron, à saint Thomas, sembla impure et équivoque. Bien qu'ils fussent en fait, par leur encyclopédisme, les derniers tenants de l'Antiquité vivante, les jésuites passèrent pour traîtres à l'Antiquité. Bien qu'ils fussent par leur adaptation aux réalités du monde de la Renaissance, les premiers historiens, sociologues et ethnologues du catholicisme, ils furent tenus pour ses pires réactionnaires... »

Autres prises de position philosophiques

Spinoza et l'intuition

Spinoza aborda la métaphysique, quelque temps après Descartes, en apportant davantage d'importance à l'intuition que ce dernier. Bergson s'inspira sur ce point de Spinoza au XXe siècle.

Kant et la survie de la métaphysique

La conception de la métaphysique changea ainsi progressivement. Kant écrivit sa critique de la raison pure, en grande partie pour sauver la métaphysique, qui était gravement menacée par la révolution copernicienne. Kant ajusta les fondements et les concepts de la métaphysique, en vue de renouveler l'éthique et le droit.

Questionnement sur la scolastique et l'aristotélisme

La controverse ptoléméo-copernicienne a d'abord ébranlé, puis provoqué l'abandon des théories géocentriques soutenues par les tenants de l'aristotélisme. Ceux-ci s'appuyaient sur la description de l'univers physique contenue dans quelques livres d'Aristote, notamment le traité du ciel : selon ces théories, le monde était un assemblage ordonné d'objets spécifiques et soumis à leur nature propre : monde lunaire des objets légers et sub-lunaire des objets lourds, etc.

Dans un premier temps, les scientifiques, à cette époque plus soumis aux autorités religieuses (Église catholique ou réformateurs) et plus attentifs aux Écritures saintes, tentèrent de concilier le système géocentrique (Ptolémée, Aristote, passages des Écritures saintes laissant entendre que la terre était immobile) et le système héliocentrique, par l'équivalence des hypothèses, mais cela ne suffit pas.

Dans l'organisation des enseignements de l'époque (scolastique), on faisait moins de différence qu'aujourd'hui entre la cosmologie et la théologie. La théologie et la métaphysique étaient les enseignements les plus prestigieux à l'université. Les nouvelles théories cosmologiques ont reposé sur l'expérimentation, en particulier l'observation avec des lunettes astronomiques. L'expérimentation était précisément l'un des maillons faibles de la méthode scolastique, qui était très spéculative. On voit en effet le franciscain Roger Bacon critiquer la scolastique sur ces aspects dès le XIIIe siècle. Il ne faut pas sous-estimer pour autant la philosophie scolastique, qui comprenait des méthodes éprouvées, tant en logique, qu'en éthique, et même en métaphysique.

En fait, les hommes du XVIIe siècle semblent ne pas avoir fait la distinction entre la philosophie d'Aristote, et ses traités scientifiques (physique, ...) basés sur une observation directe de la nature. Aristote était un philosophe avant d'être un scientifique. A l'époque de Galilée, théologie, philosophie et science étaient beaucoup plus interdépendants qu'à notre époque, qui reconnaît le principe d'autonomie de la science.

Affranchissement de la science de la tradition scolastique et aristotélicienne

Les hésitations des scientifiques, qui à cette époque étaient soumis aux autorités religieuses (Église catholique ou réformateurs), les erreurs d'interprétation de la plupart des théologiens du XVIIe siècle, notamment lors du procès de Galilée (1633), la confirmation des thèses héliocentriques avec Newton et les preuves optiques de la trajectoire orbitale de la Terre, ont eu pour conséquence que la science s'est affranchie de la tradition aristotélicienne.

Les scientifiques ont appris progressivement à s'exprimer dans d'autres cercles que la scolastique, inaugurant le principe d'autonomie de la science.

L'image de l'Église ternie

La confirmation des thèses de Galilée sur le mouvement de la Terre a révélé a posteriori le caractère trop littéral et dogmatique de l'interprétation des textes de la Bible au XVIIe siècle, ce qui a terni durablement l'image de l'Église catholique et du christianisme en général dans les milieux scientifiques et philosophiques. Cela se ressent encore aujourd'hui.

Il n'y eut pas, au XVIIIe siècle, de théologien qui fût à la hauteur de cet enjeu, alors que la traduction de la Bible de Lemaître de Sacy, avec des modifications syntaxiques et grammaticales (voir logique de Port-Royal) eut probablement une influence sur les philosophes des Lumières.

Les levées d'index de la première moitié du XVIIIe siècle (1741, 1757) n'ont pas vraiment constitué une reconnaissance implicite des erreurs de l'Église vis-à-vis de Galilée, de sorte que l'Église fut qualifiée d'obscurantiste par certains philosophes des Lumières. Au lieu de reconnaître ses erreurs, l'Église s'est pendant longtemps enfermée dans une politique du silence.

Le pape a déclaré lors de la conclusion des travaux de la commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne en 1992 :

« À partir du siècle des Lumières, et jusqu'à nos jours, le cas Galilée a constitué une sorte de mythe, dans lequel l'image que l'on s'était forgée des événements était passablement éloignée de la réalité. Dans cette perspective, le cas Galilée était le symbole du prétendu refus par l'Église du progrès scientifique, ou bien de l'obscurantisme « dogmatique » opposé à la libre recherche de la vérité. Ce mythe a joué un rôle culturel considérable ; il a contribué à ancrer de nombreux scientifiques de bonne foi dans l'idée qu'il y avait incompatibilité entre, d'un côté, l'esprit de la science et son éthique de recherche et, de l'autre, la foi chrétienne. Une tragique incompréhension réciproque a été interprétée comme le reflet d'une opposition constitutive entre science et foi. Les élucidations apportées par les récentes études historiques nous permettent d'affirmer que ce douloureux malentendu appartient désormais au passé.
On peut tirer de l'affaire Galilée un enseignement qui reste d'actualité par rapport à des situations analogues qui se présentent aujourd'hui et peuvent se présenter demain. »
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