Révolution copernicienne - Définition

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Introduction

La révolution copernicienne est la transformation des méthodes scientifiques et des idées philosophiques qui a accompagné le changement de représentation de l'univers du XVe au XVIIIe siècle, faisant passer les représentations sociales liées aux représentations mentales de l'univers, d'un modèle géocentrique, selon Ptolémée (IIe siècle, déjà adopté au IVe siècle av. J.-C. par la plupart des Grecs), au modèle héliocentrique défendu par Nicolas Copernic, perfectionné par Johannes Kepler, Galilée, et Isaac Newton.

La révolution copernicienne, au sens propre, consistait à expliquer le Monde, et les objets qui le composent, par la gravitation, appelée loi universelle de la gravitation en raison de son caractère considéré comme général à l'époque.

Grandes phases de la révolution copernicienne

Représentations du monde avant la Révolution copernicienne (avant 1510)

Pour la représentation du monde antérieure au XVIe siècle en Occident, consulter :

Dès l'Antiquité, on avait conscience que la terre était sphérique. On la plaçait au centre de l'univers. Seul Aristarque de Samos dans l'Antiquité suggéra que la Terre tournait autour du Soleil.

Après les grandes invasions, l'Occident revint en général à une représentation de la Terre plate, même si la représentation sphérique n'était pas complètement oubliée. Il fallut attendre les Croisades et les échanges avec la civilisation arabo-musulmane pour que la croyance en une Terre sphérique commence à se généraliser, avec la traduction des ouvrages antiques (Ptolémée, Aristote). Cependant, au XIIIe siècle, seules les tranches les plus cultivées de la population en occident prenaient conscience de la forme sphérique de la Terre. En effet, Albert le Grand et Roger Bacon avaient introduit cette connaissance dans les universités.

Après la guerre de Cent Ans, les personnes les moins instruites dans la société occidentale n'avaient donc pas encore conscience des possibilités théoriques de "circumnavigation" qu'entraînaient la forme sphérique de la Terre. Cette information se diffusa progressivement, par des ouvrages tels que le Livre des merveilles du monde de Jean de Mandeville (à ne pas confondre avec le devisement du monde de Marco Polo). Jean de Mandeville était un explorateur originaire de Liège. Il fut qualifié quelquefois d'imposteur ou d'affabulateur de génie. Toujours est-il que, après un voyage de 34 ans en extrême orient (1322-1356), ce qui était considérable pour l'époque, il compila les informations de son voyage et de ceux de missionnaires franciscains et dominicains. Le livre des merveilles du monde, manuscrit rédigé en trois versions, puis traduit en 250 exemplaires dans une dizaine de langues vernaculaires, dut avoir un retentissement important dans la société. On est à peu près sûr qu'il influença le jeune Christophe Colomb (circumnavigation...).

Entre le XIIe et XVe siècles, la représentation du monde qui se met en place en occident est donc une représentation géocentrée, qui s'appuie sur les références suivantes :

  • Les philosophes de l'Antiquité (Parménide, Platon, et Aristote), qui avaient conscience que la Terre était sphérique
  • L'astronome Eratosthène, pour l'estimation du rayon terrestre,
  • Le géographe et astronome grec Ptolémée,
  • L'astronome perse Al-Farghani,
  • Les récits des missionnaires franciscains en Asie,
  • Les récits des missions des franciscains et dominicains en extrême orient,
  • Le Devisement du monde de Marco Polo.

D'autres ouvrages présentaient une représentation cosmographique géocentrée, tels que l'Imago mundi de Pierre d'Ailly. L'Imago mundi fut rédigé en 1410, et imprimé pour la première fois en 1478). Christophe Colomb en avait un exemplaire.

Les grandes découvertes, et principalement les voyages de Vasco de Gama, de Christophe Colomb vers l'ouest, et de Magellan, la découverte consécutive de nouvelles terres situées entre l'Europe et l'Asie ainsi qu'une meilleure connaissance par les Européens des territoires de l'extrême orient, eurent un grand retentissement en Europe, et firent prendre conscience de la rotondité de la Terre à toutes les tranches de la population.

Il est nécessaire également d'avoir en tête qu'aux XIVe et XVe siècles, on ne faisait pas de grosse différence entre l'astrologie, l'astronomie, la géographie, la cosmologie, la cosmographie, etc.

La prise de conscience collective équivalente sur les mouvements respectifs de la Terre et du Soleil (héliocentrisme) n'aura lieu que plus tard.

À la fin du XVIe siècle, l'astronome danois Tycho Brahe avait proposé un système intermédiaire entre le système géocentrique et le système héliocentrique, dans lequel le Soleil et la Lune tournaient autour de la Terre immobile, tandis que Mars, Mercure, Vénus, Jupiter et Saturne tournaient autour du Soleil.

Ainsi, au début du XVIe siècle, les traités qui faisaient référence étaient le traité du ciel d'Aristote et l'Almageste de Ptolémée. Dans la représentation d'Aristote, la Terre était sphérique et fixe au centre de l'univers. Celui-ci était partagé entre le monde sublunaire, et le monde supralunaire, où se déplaçaient le Soleil et les planètes en tournant autour de la Terre. Le monde supralunaire était composé de sphères considérées comme parfaites, c'est-à-dire sans aspérités. Dans le monde supralunaire, on distinguait également la sphère des étoiles fixes. Mais les Écritures saintes, qui contenaient quelques passages cosmologiques (voir ci-dessous la section passages cosmologiques de la Bible) faisaient également référence, non seulement chez les théologiens (catholiques et protestants), mais aussi chez la plupart des astronomes qui y étaient attentifs.

Il est nécessaire de bien distinguer ces deux représentations : forme sphérique (géocentrisme) / héliocentrisme, même si d'un point de vue chronologique et sociologique, il y eut des recouvrements entre les deux représentations cosmologiques.

Copernic et les premières prises de position des savants et des théologiens (1510-1610)

Nicolas Copernic (1472–1543), le savant humaniste qui a changé notre vision du monde en plaçant le Soleil au centre de l'Univers (peinture de Jan Matejko)

Copernic est le premier à avoir proposé un modèle dans lequel le Soleil était fixe au centre de l'Univers, les planètes décrivant une trajectoire qu'il pensait circulaire. Il conçut sa doctrine dès 1510 et l'exposa dans le De revolutionibus en 1543.

Voir : Copernic et le système héliocentrique

Selon les vœux mêmes de Copernic, cette doctrine resta pendant longtemps confinée à un cercle restreint de spécialistes. Elle provoqua néanmoins des réactions de la part des savants et des théologiens. La plupart des astronomes restèrent fidèles au géocentrisme, tandis que la quasi-totalité des théologiens prirent position contre la théorie héliocentrique de Copernic. Parmi les théologiens réformés, on peut citer Melanchthon, et parmi les théologiens catholiques, Bartolomeo Spina, son collaborateur le dominicain Giovanni Maria Tolosani, et le théologien jésuite Nicolaus Serarius.

Les astronomes de leur côté avaient développé une doctrine intermédiaire entre le modèle géocentrique et le modèle héliocentrique (voir équivalence des hypothèses).

C'est en 1610 que Galilée commence ses observations astronomiques avec la lunette qu'il a mise au point.

Dans cette période, et avant que Galilée n'intervienne, la doctrine de Copernic reste confinée à quelques spécialistes, de sorte qu'elle ne rencontre que des oppositions ponctuelles de la part des théologiens, les astronomes restant le plus souvent favorables à la thèse géocentrique.

Galilée et l'interdiction des écrits coperniciens (1610-1633)

Portrait de Galilée par Giusto Sustermans en 1636.
Voir aussi : Galilée attaqué et condamné par les autorités

Galilée commença dès 1610 à faire la propagande de la théorie copernicienne à Florence et à Rome. Il rencontra des résistances de la part des philosophes et des théologiens.

Bien que convaincu de la justesse de la théorie copernicienne et s'appuyant sur les observations qu'il effectuait grâce à sa lunette, il ne parviendra pas à apporter la preuve irréfutable que la terre tourne sur elle-même et tourne autour du Soleil.

En 1615, le carme Paolo Antonio Foscarini prit une position favorable à l'héliocentrisme, en montrant que cette hypothèse n'était pas contraire aux Écritures saintes. La controverse prit une telle ampleur que le cardinal Bellarmin, pourtant favorable à Galilée, fut obligé d'intervenir le 12 avril. Il écrivit une lettre à Foscarini où il condamnait sans équivoque la thèse héliocentrique en l'absence de réfutation concluante du système géocentrique. Tout en reconnaissant l'intérêt pratique, pour le calcul astronomique, du système de Copernic, il déclarait formellement imprudent de l'ériger en vérité physique. Galilée de son côté était bien conscient des difficultés que posait le système de Copernic par rapport aux passages cosmologiques de la Bible, comme le montre sa lettre à Christine de Lorraine (1615), mais il revendiquait une autonomie dans ses recherches.

En 1616, les écrits coperniciens furent mis à l'index, et les ouvrages favorables à l'héliocentrisme furent interdits, sans qu'il fût interdit de débattre de l'héliocentrisme dans une hypothèse purement mathématique. Toutefois, on ne considérait pas les idées héliocentriques comme hérétiques, mais simplement comme téméraires Le cardinal Bellarmin notifia personnellement l'interdiction à Galilée.

En avril 1624, Galilée fut reçu en audience par le pape Urbain VIII, qui l'encouragea à reprendre par écrit l’analyse et la comparaison entre les plus grands systèmes astronomiques, le modèle copernicien pouvant aussi être pris en compte, pourvu que ce soit dans une perspective purement mathématique.

En 1632, Galilée publia, à la demande d'Urbain VIII, le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde. Galilée développait dans cet ouvrage ses idées favorables à l'héliocentrisme. Il pensait avoir trouvé dans le phénomène des marées une preuve de l'héliocentrisme. D'autre part, Galilée retourna l'argument de la toute-puissance divine qu'Urbain VIII lui avait demandé d'insérer dans l'ouvrage dans un sens favorable à l'héliocentrisme. L'année suivante (1633), Galilée fut traduit devant le tribunal de l'Inquisition qui jugea qu'il avait enfreint dans cet ouvrage l'interdiction de 1616, qu'il avait présenté l'héliocentrisme comme une thèse et non simplement comme une hypothèse mathématique, et développé des idées contraires aux Écritures saintes.

Galilée fut condamné à l'emprisonnement à moins d'abjurer ses opinions considérées comme hérétiques. Galilée abjura. Sa peine fut commuée par Urbain VIII en assignation à résidence.

Poursuite des recherches et levée de l'interdit (1633-1757)

Urbain VIII donna l'ordre de faire connaître la condamnation de Galilée à tous les professeurs de mathématiques et de philosophie. Les copies de la sentence et de l'abjuration de Galilée furent envoyées dans l'Europe entière et suscitèrent la surprise des savants.

René Descartes, d'après Frans Hals.

C'est ainsi qu'en novembre 1633, René Descartes apprit la condamnation de Galilée. C'est la raison pour laquelle il renonça à publier son Traité du monde et de la lumière. Il reçut l'année suivante une version du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde. Pensant que Galilée s'y était mal pris pour démontrer la thèse héliocentrique, Descartes entreprit une carrière philosophique pour proposer une nouvelle méthode de pensée se détournant de la scolastique, carrière qui commença avec le célèbre Discours de la méthode (1637).

La controverse et le procès de Galilée mettaient en effet en évidence les limites de la méthode scolastique, trop spéculative et ne prenant pas assez en compte les résultats de l'expérience. Descartes fut le philosophe qui se démarqua le premier de la scolastique et de la philosophie aristotélicienne. Il proposa un système philosophique essentiellement rationaliste, dans lequel la recherche de la vérité reposait sur la raison et les « lumières naturelles » et non sur les lumières de la foi.

Voir aussi :
* Section conséquences philosophiques
* Le projet cartésien: la recherche d’une science universelle
* les Principes de la philosophie

Ce fut Newton qui développa le modèle mathématique permettant d'expliquer le mouvement des planètes autour du Soleil selon des trajectoires elliptiques, à partir de la force de la gravitation universelle.

Voir aussi : Isaac Newton et les discussions autour de la pesanteur

Devant la preuve optique et mécanique de l'orbitation de la terre, les ouvrages de Galilée furent enlevés de l' Index en 1741 par Benoît XIV, puis les écrits coperniciens furent à leur tour enlevés de l' Index en 1757.

Après la levée de l'interdit (après 1757)

Le procès de Galilée eut comme conséquence que les recherches nouvelles se faisaient désormais en dehors des cercles traditionnels de la scolastique, qui perdit du terrain. Pendant les Lumières, et dans les siècles qui suivirent, Galilée devint une figure emblématique de la science alors que l'Église apparaissait comme obscurantiste (voir ci-dessous la section conséquences philosophiques).

A posteriori, la condamnation de Galilée démontra les erreurs de la plupart des théologiens, ainsi que Jean-Paul II le reconnut officiellement en 1992 à l'issue des travaux de la commission d'étude de la controverse ptoléméo-copernicienne. Les hommes d'Église se rendirent compte progressivement du danger qu'il y avait à interpréter les Écritures saintes de façon littérale. Il fallut attendre le XIXe siècle pour assister à un renouvellement des études bibliques (exégèse et herméneutique), tant du côté catholique que du côté protestant. Les protestants travaillèrent beaucoup au XIXe siècle sur l'Ancien Testament (voir la section renouvellement des études bibliques).

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